
514 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010
Résumé
L’angiogenèse joue un rôle majeur dans la progression tumorale et le processus métastatique des cancers
du sein. Durant la dernière décennie, de nombreuses études précliniques et cliniques sont en faveur de cette
nouvelle stratégie. À ce jour, les principaux résultats publiés et la seule autorisation de mise sur la marché
concernent le bévacizumab. Cette molécule en association avec la chimiothérapie versus chimiothérapie
seule améliore la survie sans progression et la réponse objective en première ligne métastatique. Cette
approche est en cours d’évaluation en situation adjuvante et néo-adjuvante. La question clé est l’identi-
fication du sous-groupe de population qui pourrait bénéficier de cette approche. Il est indispensable de
développer et de valider à la fois les facteurs prédictifs de réponse et/ou de toxicité au bévacizumab qu’ils
soient liés à la tumeur ou à l’hôte.
Mots-clés
Cancer du sein
métastatique
Traitement adjuvant
Chimiothérapie
VEGF
Traitements
antiangiogéniques
Bévacizumab
Sunitinib
Sorafénib
Highlights
Angiogenesis plays a key role
in tumor progression and
metastatic process in breast
cancer and during the last
decade, many preclinical and
clinical studies supported this
new therapeutic approach. To
date, the main published results
and the only approval are in
relation with bevacizumab.
Bevacizumab in combination
with chemotherapy versus
chemotherapy alone improves
progression free survival and
increases the response rate in
first line therapy for advanced
breast cancer. This approach
is being evaluated for early
breast cancer in neoadjuvant
and adjuvant settings. The key
issue is the identification of
the subset of population who
would benefit of this approach.
Both tumor and host related
biomarkers of bevacizumab
activity, response and benefit
are deeply needed.
Keywords
Metastatic breast cancer
Adjuvant treatment
Chemotherapy
VEGF
Antiangiogenic treatments
Bevacizumab
Sunitinib
Sorafenib
dose de 90 mg/m²/sem. pendant 3 semaines toutes
les 4 semaines avec ou sans bévacizumab 10 mg/kg
tous les 15 jours. La survie sans progression (SSP),
principal objectif de l’essai, était amélioré de 5,9 à
11,8 mois (p < 0,0001) avec l’addition du bévaci-
zumab au paclitaxel. Le taux de réponse objective
(RO) était pratiquement doublé, de 21,2 à 36,9 %,
en faveur de l’association (p < 0,001). Le bénéfice
en termes de SSP est observé même dans les sous-
groupes de mauvais pronostic (cancers du sein
triple-négatifs, intervalle libre inférieur à 24 mois).
Il n’a pas été observé d’amélioration statistiquement
significative de la survie globale (SG) [25,2 versus
26,7 mois ; p = 0,16], même si le taux de survie à
1 an est augmenté avec le bévacizumab (81,2 versus
73,4 % ; p = 0,01). Plus récemment, le bénéfice en
SSP a été confirmé par une expertise externe (5).
L’essai AVADO (bévacizumab + docétaxel) a confirmé
le bénéfice d’ajouter du bévacizumab au docétaxel
(100 mg/m²) en première ligne métastatique (6). Cet
essai randomisé en double aveugle comparait 2 bras :
docétaxel + placebo à docétaxel + bévacizumab
7,5 mg/kg et docétaxel + placebo à docétaxel +
bévacizumab 15 mg/kg. L’objectif principal était
la SSP et les objectifs secondaires la SG, le temps
jusqu’à échec du traitement, le taux de RO, la durée
de réponse et la tolérance. L’addition de bévaci-
zumab augmente significativement la SSP et le
taux de RO dans les 2 bras 7,5 mg et 15 mg/kg. Il
n’existe pas de bénéfice en survie. Des doses plus
élevées de bévacizumab apparaissent meilleures
que les faibles doses bien que cette étude n’ait pas
été programmée pour détecter une différence entre
les 2 bras de bévacizumab.
Plus récemment, un autre essai de phase III,
RIBBON-1 évaluait la chimiothérapie avec ou sans
bévacizumab en première ligne de cancers du sein
métastatiques ne surexprimant pas HER2 (7). Les
patientes étaient randomisées selon un ratio 2:1
entre chimiothérapie + bévacizumab et chimio-
thérapie + placebo. Le choix de la cohorte de chimio-
thérapie était laissé à l’investigateur. Le bévacizumab
était administré toutes les 3 semaines jusqu’à
progression. Les patientes pouvaient alors recevoir
le bévacizumab associé à une autre chimiothérapie
(phase ouverte). L’objectif principal était la SSP et
les objectifs secondaires, les taux de RO et de survie
à 1 an au moment de l’analyse de la SSP.
L’association de bévacizumab + un taxane ou une
anthracycline (n = 415) versus placebo + un taxane
ou une anthracycline (n = 207) et bévacizumab +
capécitabine versus placebo + capécitabine (n = 409)
augmente significativement la SSP et le taux de RO.
Au final, les résultats de ces études de phase III
démontrent que l’ajout de bévacizumab (10 mg/ kg
toutes les 2 semaines ou 7,5 ou 15 mg/kg toutes
les 3 semaines) à une chimiothérapie de première
ligne (paclitaxel hebdomadaire, docétaxel, anthra-
cyclines, capécitabine) augmente significativement
la SSP et le taux de RO. La durée de ce bénéfice
varie de 0,7 à 5,9 mois. Cependant, à ce jour, le
bénéfice en survie n’a pas été démontré. Différentes
hypothèses expliquant cette absence de bénéfice
ont été émises :
➤
L’absence de puissance statistique. Les études ont
été élaborées pour démontrer un bénéfice en SSP,
cependant une méta-analyse des 3 grands essais ne
montre pas de bénéfice en SG (8).
Tableau II. Résultats des essais de phase III chimiothérapie + /- bévacizumab en première ligne métastatique.
E2100 AVADO RIBBON-1
P P + Bév. Pl + D Bév. + D Pl + Bév. + cap. Pl + A/T Bév. + A/T
RO (%) 22 50 46 64 24 35 38 51
p< 0,0001 0,0003 0,0097 0,0054
SSP médiane (mois) 5,8 11,3 8,1 10,0 5,7 8,6 8,0 9,2
RR 0,48 0,67 0,69 0,64
p< 0,0001 0,0002 0,0002 0,0001
A/T : anthracyclines/taxanes ; Bév. : bévacizumab ; Cap. : capécitabine ; D : docétaxel ; P : paclitaxel ; Pl : placebo ; RO : réponse objective ; RR : risque
relatif ; SSP : survie sans progression.