DOSSIER THÉMATIQUE Antiangiogéniques Traitements antiangiogéniques dans les cancers du sein Antiangiogenic treatments in breast cancers V. Diéras* L’ angiogenèse, processus impliqué dans le développement de nouveaux vaisseaux sanguins, joue un rôle primordial à la fois dans la croissance locale et dans le processus métastatique des cancers du sein (1). Le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) est l’un des promoteurs les plus puissants de l’angiogenèse. Il est impliqué dans la croissance des cellules endothéliales, la motilité et la perméabilité vasculaire. La surexpression de VEGF a été observée dans de nombreux cancers du sein, particulièrement les cancers de sein inflammatoires, et elle est associée à un pronostic défavorable comparativement aux tumeurs ne présentant pas de surexpression. La plupart des fonctions du VEGF sont médiées par le récepteur de VEGFR-2. Les traitements antiangiogéniques ont pour but de priver la tumeur de sa vascularisation et donc de prévenir la croissance tumorale. À la différence des agents cytotoxiques, il est peu probable d’obtenir une régression tumorale objective ; il s’agit, par conséquent, d’obtenir un arrêt de la croissance, pour ces traitements. Les critères de réponse seront donc différents et il est nécessaire de développer de nouveaux paramètres pouvant prédire l’efficacité du traitement (cellules endothé- liales circulantes, imagerie fonctionnelle). Différentes approches de traitements antiangiogéniques ont été développées pour inhiber la signalisation de ces récepteurs : soit les traitements par anticorps monoclonaux, soit les inhibiteurs de tyrosine kinase. Bévacizumab Le bévacizumab est un anticorps monoclonal recombiné humanisé ciblant le VEGF et empêchant son interaction avec ses récepteurs de type tyrosine kinase VEGFR-1 et VEGFR-2. Traitement en première ligne métastatique À ce jour, 3 grands essais de phase III incluant plus de 2 500 patientes ont été réalisés (tableaux I et II) [2, 3]. L’essai E2100, étude de phase III ouverte, randomisait en première ligne métastatique 722 patientes traitées par paclitaxel hebdomadaire avec ou sans bévacizumab (4). Le paclitaxel était administré à la Tableau I. Schéma des différents essais de première ligne avec bévacizumab. E2100 AVADO RIBBON-1 (cohorte A/T) RIBBON-1 (cohorte Cap.) Non Oui Oui Oui Chimiothérapie P hebdomadaire D 100 mg/m² D/Abraxane AC/FAC/EC/FEC Cap. Dose Bév. 10 mg/kg/2 sem. 7,5 ou 15 mg/kg/3 sem. 15 mg/kg/3 sem. 15 mg/kg/3 sem. SSP SSP SSP SSP Non rétrospective Oui Oui Oui Contrôle placebo Objectif principal Revue indépendante A/T : anthracyclines/taxanes ; Bév. : bévacizumab ; Cap. : capécitabine ; D : docétaxel ; P : paclitaxel ; Pl : placebo ; SSP : survie sans progression. * Institut Curie, Paris. La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 | 513 Mots-clés Cancer du sein métastatique Traitement adjuvant Chimiothérapie VEGF Traitements antiangiogéniques Bévacizumab Sunitinib Sorafénib Highlights Angiogenesis plays a key role in tumor progression and metastatic process in breast cancer and during the last decade, many preclinical and clinical studies supported this new therapeutic approach. To date, the main published results and the only approval are in relation with bevacizumab. Bevacizumab in combination with chemotherapy versus chemotherapy alone improves progression free survival and increases the response rate in first line therapy for advanced breast cancer. This approach is being evaluated for early breast cancer in neoadjuvant and adjuvant settings. The key issue is the identification of the subset of population who would benefit of this approach. Both tumor and host related biomarkers of bevacizumab activity, response and benefit are deeply needed. Keywords Metastatic breast cancer Adjuvant treatment Chemotherapy VEGF Antiangiogenic treatments Bevacizumab Sunitinib Sorafenib Résumé L’angiogenèse joue un rôle majeur dans la progression tumorale et le processus métastatique des cancers du sein. Durant la dernière décennie, de nombreuses études précliniques et cliniques sont en faveur de cette nouvelle stratégie. À ce jour, les principaux résultats publiés et la seule autorisation de mise sur la marché concernent le bévacizumab. Cette molécule en association avec la chimiothérapie versus chimiothérapie seule améliore la survie sans progression et la réponse objective en première ligne métastatique. Cette approche est en cours d’évaluation en situation adjuvante et néo-adjuvante. La question clé est l’identification du sous-groupe de population qui pourrait bénéficier de cette approche. Il est indispensable de développer et de valider à la fois les facteurs prédictifs de réponse et/ou de toxicité au bévacizumab qu’ils soient liés à la tumeur ou à l’hôte. Tableau II. Résultats des essais de phase III chimiothérapie + /- bévacizumab en première ligne métastatique. E2100 RO (%) RIBBON-1 P P + Bév. Pl + D Bév. + D Pl + Bév. + cap. Pl + A/T Bév. + A/T 22 50 46 64 24 35 38 51 p SSP médiane (mois) AVADO < 0,0001 5,8 0,0003 11,3 8,1 0,0097 10,0 5,7 0,0054 8,6 8,0 9,2 RR 0,48 0,67 0,69 0,64 p < 0,0001 0,0002 0,0002 0,0001 A/T : anthracyclines/taxanes ; Bév. : bévacizumab ; Cap. : capécitabine ; D : docétaxel ; P : paclitaxel ; Pl : placebo ; RO : réponse objective ; RR : risque relatif ; SSP : survie sans progression. dose de 90 mg/m²/sem. pendant 3 semaines toutes les 4 semaines avec ou sans bévacizumab 10 mg/kg tous les 15 jours. La survie sans progression (SSP), principal objectif de l’essai, était amélioré de 5,9 à 11,8 mois (p < 0,0001) avec l’addition du bévacizumab au paclitaxel. Le taux de réponse objective (RO) était pratiquement doublé, de 21,2 à 36,9 %, en faveur de l’association (p < 0,001). Le bénéfice en termes de SSP est observé même dans les sousgroupes de mauvais pronostic (cancers du sein triple-négatifs, intervalle libre inférieur à 24 mois). Il n’a pas été observé d’amélioration statistiquement significative de la survie globale (SG) [25,2 versus 26,7 mois ; p = 0,16], même si le taux de survie à 1 an est augmenté avec le bévacizumab (81,2 versus 73,4 % ; p = 0,01). Plus récemment, le bénéfice en SSP a été confirmé par une expertise externe (5). L’essai AVADO (bévacizumab + docétaxel) a confirmé le bénéfice d’ajouter du bévacizumab au docétaxel (100 mg/m²) en première ligne métastatique (6). Cet essai randomisé en double aveugle comparait 2 bras : docétaxel + placebo à docétaxel + bévacizumab 7,5 mg/kg et docétaxel + placebo à docétaxel + bévacizumab 15 mg/kg. L’objectif principal était la SSP et les objectifs secondaires la SG, le temps jusqu’à échec du traitement, le taux de RO, la durée de réponse et la tolérance. L’addition de bévacizumab augmente significativement la SSP et le taux de RO dans les 2 bras 7,5 mg et 15 mg/kg. Il n’existe pas de bénéfice en survie. Des doses plus élevées de bévacizumab apparaissent meilleures que les faibles doses bien que cette étude n’ait pas été programmée pour détecter une différence entre les 2 bras de bévacizumab. 514 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 Plus récemment, un autre essai de phase III, RIBBON-1 évaluait la chimiothérapie avec ou sans bévacizumab en première ligne de cancers du sein métastatiques ne surexprimant pas HER2 (7). Les patientes étaient randomisées selon un ratio 2:1 entre chimiothérapie + bévacizumab et chimio­ thérapie + placebo. Le choix de la cohorte de chimiothérapie était laissé à l’investigateur. Le bévacizumab était administré toutes les 3 semaines jusqu’à progression. Les patientes pouvaient alors recevoir le bévacizumab associé à une autre chimiothérapie (phase ouverte). L’objectif principal était la SSP et les objectifs secondaires, les taux de RO et de survie à 1 an au moment de l’analyse de la SSP. L’association de bévacizumab + un taxane ou une anthracycline (n = 415) versus placebo + un taxane ou une anthracycline (n = 207) et bévacizumab + capécitabine versus placebo + capécitabine (n = 409) augmente significativement la SSP et le taux de RO. Au final, les résultats de ces études de phase III démontrent que l’ajout de bévacizumab (10 mg/­kg toutes les 2 semaines ou 7,5 ou 15 mg/kg toutes les 3 semaines) à une chimiothérapie de première ligne (paclitaxel hebdomadaire, docétaxel, anthracyclines, capécitabine) augmente significativement la SSP et le taux de RO. La durée de ce bénéfice varie de 0,7 à 5,9 mois. Cependant, à ce jour, le bénéfice en survie n’a pas été démontré. Différentes hypothèses expliquant cette absence de bénéfice ont été émises : ➤➤ L’absence de puissance statistique. Les études ont été élaborées pour démontrer un bénéfice en SSP, cependant une méta-analyse des 3 grands essais ne montre pas de bénéfice en SG (8). DOSSIER THÉMATIQUE ➤➤ Le problème du cross-over. Dans les cancers du sein métastatiques, il est admis que les traitements successifs administrés après la première progression impactent sur la SG du fait de leur activité. Dans les essais AVADO et RIBBON-1, les patientes pouvaient recevoir le bévacizumab à progression (cross-over dans plus de 50 % des cas). ➤➤ L’absence de sélection de la population. Les analyses en sous-groupes ne permettent cependant pas de répondre à cette question, l’addition de bévacizumab apparaissant bénéfique dans tous les groupes évalués. Traitement après la première ligne La première étude de phase III (AVF 2119) comparait l’association bévacizumab + capécitabine à la capécitabine seule chez 462 patientes présentant un cancer du sein métastatique préalablement traité par anthracyclines et taxanes (9). L’adjonction de bévacizumab n’a pas permis de démontrer une augmentation du temps jusqu’à progression (objectif principal) ou de la survie. Cependant, il était noté une augmentation significative du taux de RO (9,1 % contre 19,8 % ; p = 0,001) en faveur de l’association. Récemment, l’étude de phase III, RIBBON-2, a comparé l’addition du bévacizumab à une chimiothérapie en seconde ligne métastatique (10). L’ajout de bévacizumab augmente la SSP et le taux de RO de façon significative (tableau III). une diminution de la perméabilité vasculaire a été notée à l’IRM fonctionnelle. Les essais randomisés permettront de savoir si le bévacizumab augmente le taux de réponse complète histologique et d’identifier des facteurs prédictifs de réponse (tableau V). Association avec des thérapeutiques moléculaires Dans les cancers du sein métastatiques, il existe d’autres essais cliniques évaluant les associations avec des thérapeutiques moléculaires ciblées (2, 3). Tableau III. Résultats des essais de phase III : chimiothérapie avec ou sans bévacizumab après la première ligne métastatique. RIBBON-2 Cap. RO (%) p 9,1 SSP médiane 4,17 En situation adjuvante, le bévacizumab en association avec une chimiothérapie seule ou en association avec une thérapeutique ciblée est en cours d’évaluation (tableau IV) [2]. En situation néo-adjuvante, le premier essai du National Cancer Institute a évalué l’activité du bévacizumab dans des cancers du sein inflammatoires (11). Les patientes recevaient l’anticorps seul pour le premier cycle, puis 6 cycles en association avec une chimiothérapie par doxorubicine et docétaxel. Quatorze patientes parmi les vingt et une traitées ont présenté une réponse partielle, dont une ayant présenté une réponse complète histologique. Dans cette étude, l’hypothèse d’un effet antitumoral direct a été évoquée. Dans les cellules tumorales, une diminution de la phosphorylation du VEGFR2 et une augmentation de l’apoptose ont été observées. Après le premier cycle de bévacizumab, CT CT + Bév. 19,1 29,6 0,001 RR 39,5 0,0072 4,86 0,98 p 5,1 7,2 29,6 39,5 0,0193 Bév. : bévacizumab ; Cap. : capécitabine ; CT : chimiothérapie ; P : paclitaxel ; Pl : placebo ; RO : réponse objective ; RR : risque relatif ; SSP : survie sans progression. Tableau IV. Essais de phase III en situation adjuvante bévacizumab plus chimiothérapie. Essai Traitement en phase précoce Cap. + Bév. BEATRICE E5103 NSABP- B-46 BETH Schéma Patients (n) Population CT versus CT + Bév. 2 992 RO– RP– HER2- AC ➙ paclitaxel versus AC ➙ paclitaxel + Bév. 4 950 N+ ou N– haut risque TC ou TAC versus TC + Bév. 3 900 HER2–, N+ ou N– haut risque CT + trast. versus CT + trast. + Bév. 3 500 HER2+, N+ ou N– haut risque Bév. : bévacizumab ; CT : chimiothérapie ; TAC : Taxotère + adriamycine + cyclophosphamide ; TC : Taxotère + cyclophosphamide ; Trast. : trastuzumab. Tableau V. Essais randomisés en situation néo-adjuvante bévacizumab + chimiothérapie. Essai Schéma Patients (n) Population CT ± Bév. 1 200 Stades I, II, IIIA GeparQuinto EC-T ± Bév. 2 547 HER2- BEVERLY 1 EC-T ± Bév. HER2- inflammatoire BEVERLY 2 EC-T 6 cycles au total Bév. HER2+ inflammatoire NSABP-B40 Bév. : bévacizumab ; CT : chimiothérapie ; EC-T : épirubicine cyclophosphamide ; T : taxotère. La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 | 515 DOSSIER THÉMATIQUE Antiangiogéniques Traitements antiangiogéniques dans les cancers du sein Le rationnel pour associer hormonothérapie et bévacizumab est fondé sur le fait que les estrogènes stimulent l’expression du VEGF par leur liaison au niveau des récepteurs hormonaux de la cellule tumorale. Le rôle du bévacizumab en association avec l’hormonothérapie est en évaluation dans des programmes de phase III (GEICAM 2006-11, CALGB 40503). Il existe une corrélation entre la surexpression HER2 et l’expression du VEGF, conduisant à l’évaluation de l’inhibition simultanée de ces 2 circuits. L’association d’agents antiangiogéniques (anticorps comme le bévacizumab ou inhibiteur de tyrosine kinase comme le pazopanib) aux agents ciblant HER2 a démontré une efficacité potentielle en cours de confirmation dans les essais randomisés. L’essai AVEREL compare, en première ligne métastatique des cancers du sein qui surexpriment HER2, l’association docétaxel + trastuzumab avec ou sans bévacizumab. L’essai ECOG 1105 évalue l’addition du bévacizumab à l’association paclitaxel + trastuzumab avec ou sans carboplatine. Tolérance du bévacizumab Une étude de phase IV (ATHENA, MO 19391) a évalué le profil de tolérance du bévacizumab associé à une chimiothérapie de première ligne (12). Le traitement par bévacizumab était poursuivi jusqu’à progression ou toxicité. En moins de 2 ans, 2 027 patientes ont été incluses. Les effets secondaires de grade 3/4 les plus fréquents étaient Tableau VI. Tolérance du bévacizumab dans les essais en première ligne métastatique (E2100, AVADO, RIBBON-1 et ATHENA). Grade ≥ 3 Chimiothérapie ± placebo Chimiothérapie + bévacizumab Saignement (%) 0-0,9 0-5,4 Hypertension artérielle (%) 0-2,0 3,3-16,0 0 0,8-3,4 Perforation gastro-intestinale (%) 0-0,9 0-2,0 Défaut de cicatrisation (%) 0-0,9 0,3-1,1 Diminution de la fraction d’éjection ventriculaire (%) 0-0,5 0-2,9 Thrombose artérielle (%) 0-0,4 0,4-3,6 Thrombose veineuse (%) 1,0-4,9 1,2-4,8 Neutropénie (%) 1,0-17,2 1,2-19,8 0-12,0 0-16,6 Protéinurie (%) Neutropénie fébrile (%) 516 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 l’hypertension artérielle (2,2 %), la protéinurie (0,7 %), l’embolie pulmonaire (0,5 %) et l’épistaxis (0,4 %). Le tableau VI présente l’incidence des principaux effets secondaires observés dans les grandes études de phases III et IV. Le profil de tolérance du bévacizumab est acceptable, à condition de respecter les contre-indications et de suivre les patientes sur les plans cardio-vasculaire et rénal. Des nécroses chez des patientes présentant une tumeur du sein avec infiltration cutanée ont été décrites, ce qui justifie une évaluation attentive du rapport bénéfice/risque. Facteurs prédictifs de réponse ou de toxicité Il est primordial de pouvoir identifier de tels marqueurs pour une sélection appropriée des patientes (13). Cependant, une telle recherche s’avère très complexe : ➤➤ le phénotype angiogénique lié au VEGF peut différer entre la tumeur primitive et les tumeurs métastatiques préalablement traitées ; ➤➤ les agents cytotoxiques et les thérapeutiques ciblées peuvent altérer ce phénotype angiogénique ; ➤➤ les mécanismes d’action des agents antiangiogéniques, dont le bévacizumab, ne sont pas totalement connus. Dans l’analyse initiale de l’étude E2100, il n’y avait pas de corrélation entre le taux circulant de VEGF ou de la protéine d’adhésion vasculaire cellulaire 1 (VCAM) et le résultat thérapeutique. Ces biomarqueurs ne sont donc pas des marqueurs prédictifs de réponse. Ce manque de corrélation n’est pas surprenant dans la mesure où il a été démontré que les taux sériques de VEGF ne reflètent pas les taux circulants de VEGF (14). Dans une petite étude randomisée de phase II, 49 patientes présentant un cancer du sein localement avancé ont été randomisées entre 2 cycles de docétaxel avec ou sans bévacizumab (15). En analyse univariée, les taux initiaux de VCAM-1 et E-sélectine, molécules d’adhésion cellulaire exprimées sur les cellules endothéliales, ont été corrélés avec la RO. L’IRM fonctionnelle objective une diminution plus importante de la perfusion tumorale avec le bévacizumab. Dans un autre essai évaluant le bévacizumab en préopératoire en association avec le létrozole et la chimiothérapie, un taux initial élevé de cellules progénitrices endothéliales circulantes (CEP) et non DOSSIER THÉMATIQUE de cellules endothéliales circulantes (CEC) est corrélé avec la réponse clinique (16). Cela est probablement en relation avec le rôle des CEP dans le switch angiogénique de la croissance tumorale et le processus métastatique. Le polymorphisme génétique (facteurs de l’hôte) pourrait également intervenir dans la réponse au traitement. Dans l’essai de phase III, E2100, les génotypes VEGF-2578 AA et VEGF-1154 AA sont prédictifs d’une meilleure survie SG (p = 0,023 et p = 0,001) chez les patientes dans le bras paclitaxelbévacizumab (17). Ces polymorphismes ne sont pas prédictifs de la survie dans le bras paclitaxel ni de la réponse et de la SSP dans les différents bras. De façon intéressante, les génotypes VEGF-634 et VEGF-1498 sont corrélés avec moins d’hypertension artérielle de grade 3-4. Ces résultats sont intéressants, mais nécessitent une confirmation indépendante dans des études prospectives. Au final, ces biomarqueurs identifiés dans ces études génèrent des hypothèses et doivent être confirmés dans de larges études. Cette information est primordiale pour déterminer le sous-groupe de la population bénéficiant du bévacizumab. Petites molécules inhibitrices du site tyrosine kinase du récepteur VEGF De nombreux agents sont en cours de développement (18, 19). Sunitinib Le sunitinib (SU11248) est une petite molécule inhibant les kinases des VEGFR-1, VEGFR-2, PDGFR, c-KIT et FLT3 (FMS-Like Tyrosine kinase 3). Cet agent a démontré une activité in vitro dans les cancers du sein. Les résultats préliminaires d’une étude de phase II dans les cancers du sein métastatiques résistant aux taxanes et aux anthracyclines ont rapporté un taux de RO de 14 % et un bénéfice clinique de 16 % (réponses partielles et stabilisations prolongées). Il faut noter que des réponses ont été rapportées chez des patientes présentant une tumeur triple-négative : absence de récepteurs hormonaux (récepteurs des estrogènes [RE] et de la progestérone [RP]), absence de surexpression de HER2. La tolérance a été marquée par des neutropénies de grade 3 (39 % des patientes), des diarrhées (56 %), des nausées (44 %), une fatigue (49 %) et une hypertension (17 %). Étant donné les taux de réponse observés chez des patientes lourdement prétraitées ainsi que des réponses dans des tumeurs triple-négatives, l’évaluation s’est poursuivie dans le cadre d’essais randomisés en première et en deuxième ligne métastatique. Malheureusement, l’ensemble des études randomisées ont été soit arrêtées, soit négatives : absence de bénéfice en termes de SSP et toxicité importante, notamment en association avec la chimiothérapie. Sorafénib Le sorafénib est une petite molécule inhibant la tyrosine kinase de multiples récepteurs : VEGFR-2, FLT3, PDGFR et FGFR1 (Fibroblast Growth Factor Receptor 1). Une étude de phase I dans différentes tumeurs solides (bévacizumab et sorafénib) a également été rapportée. Les résultats ont suggéré que l’efficacité du sorafénib pouvait être augmentée par l’association, mais au prix d’une augmentation de la toxicité. Les résultats de 2 essais de phase II randomisés, paclitaxel avec ou sans sorafénib et capécitabine avec ou sans sorafénib ont été présentés en congrès. Un essai de phase III capécitabine versus capécitabine avec ou sans sorafénib est programmé. Chimiothérapie métronomique Il a été démontré que l’administration répétée, à faibles doses, en continu, pouvait être active et bien tolérée et que cette administration métronomique inhibait la mobilisation des CEP (14, 20, 21). Discussion De façon générale, les anticorps monoclonaux offrent la possibilité d’une meilleure spécificité avec, peut-être, moins de toxicité, un dosage simplifié (durée de vie prolongée et administrations moins fréquentes). Au contraire, les inhibiteurs de récepteurs de tyrosine kinase peuvent inhiber plusieurs cibles. Ce ciblage multiple offre la possibilité d’une meilleure efficacité, mais présente également la possibilité d’une toxicité accrue. De nombreux agents sont en cours d’évaluation. Ils diffèrent les uns des autres dans leurs effets thérapeutiques et leur profil de tolérance, même en cas de cibles similaires. Cette variabilité peut s’expliquer par des La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 | 517 DOSSIER THÉMATIQUE Antiangiogéniques Traitements antiangiogéniques dans les cancers du sein différences de dosage, de schéma d’administration, de pharmacocinétique, de constante d’inhibition de kinases différentes et éventuellement de kinases non identifiées. Actuellement, il apparaît difficile de prédire la meilleure efficacité parmi les différents composés en cours d’étude. L’existence d’une cible thérapeutique ne rend pas forcément un agent “thérapeutique ciblé”. Les meilleures définitions de thérapeutiques ciblées dans les cancers du sein sont les RE et les HER2 : l’expression de ces protéines ou de ces gènes est clairement associée à la réponse thérapeutique. Comme les autres classes thérapeutiques, l’une des limitations du traitement antiangiogénique peut être la survenue d’une résistance. Les cellules endothéliales normales étant génétiquement stables, l’hypothèse initiale était que cette classe thérapeutique ne démontrerait pas de résistance. Malheureusement, cela n’a pas été démontré en clinique. L’une des explications possibles est que le blocage initial de l’angiogenèse s’est focalisé sur l’inhibition du VEGF et du VEGFR-2 en monothérapie. D’autres inhibiteurs de l’angiogenèse ayant un spectre d’activité plus large ont démontré moins de résistance dans de nombreux modèles tumoraux que les agents bloquant une seule cible. De plus, s’il existe réellement un effet antitumoral direct, les tumeurs peuvent échapper au contrôle des agents antiangiogéniques selon les mêmes modalités que les thérapeutiques conventionnelles (22). Conclusion L’activité du bévacizumab en association avec la chimiothérapie a été démontrée dans les essais cliniques en première ligne métastatique : il en résulte une utilisation en pratique clinique et une augmentation des options thérapeutiques dans les cancers du sein métastatiques. Cependant, ces nouvelles options thérapeutiques ont ouvert un champ de réflexion sur leur utilisation pour obtenir un bénéfice ou optimiser ce bénéfice chez les patientes : ➤➤ Le fait que nous ne savons pas identifier les patientes qui auront un bénéfice en survie avec l’association bévacizumab souligne le besoin urgent d’identification et de validation de facteurs prédictifs d’activité, qu’ils soient liés à la tumeur ou à l’hôte. ➤➤ L’évaluation individuelle chez les patientes du rapport risque/bénéfice représente un aspect important. ➤➤ Le rapport coût/bénéfice doit également être intégré à l’ère de développement d’un nombre conséquent de nouvelles thérapeutiques ciblées nécessitant de définir une priorité des indications. ➤➤ Les mécanismes d’action de la synergie du bévacizumab en association avec les différents agents cytotoxiques dans le contexte de stratégie thérapeutique doivent être analysés dans de nouvelles études précliniques et cliniques. ■ Références bibliographiques 1. 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