Pourquoi il ne faut plus opérer une appendicite sans imagerie...

Pourquoi il ne faut plus opérer une appendicite sans imagerie préalable ?
Mis à jour le 11/09/2012 par
SFR
Professeur Patrice Taourel, CHU Montpellier
Responsable du Groupe Urgence de la Société Française de Radiologie
Il y a plus d
un siècle Paul Poirier, éminent chirurgien, affirmait "on doit intervenir systématiquement
aussitôt le diagnostic d
appendicite assuré ou même simplement soupçonné et l'on doit toujours enlever
l'appendice", l
appendicite avait alors une mortalité de près de 20 %. Trente ans plus tard Marcel Proust
qui, bien que fils et frère de médecin ne les tenait pas en haute estime, s
amusait du fait que "certains
chirurgiens prétendent qu
il faudrait, pour éviter la possibilité d
une appendicite future, enlever
l
appendice chez tous les enfants". Force est de reconnaitre que l
appendicectomie devant toute
suspicion d
appendicite et en particulier devant toute douleur de la fosse iliaque droite est demeurée en
France un dogme pendant la quasi totalité du XXème siècle, et que l
appendicectomie prophylactique a
été considérée par certains comme une option raisonnable, en particulier avec le développement de la
chirurgie sous cœlioscopie. Tout le monde était content : le patient débarrassé du spectre de la
redoutable péritonite appendiculaire, le chirurgien qui avait enlevé un appendice sans complication, le
médecin satisfait de voir mis à l
honneur le tout puissant examen clinique, l
anatomo
-
pathologiste qui,
même lorsque l
appendice était sain, retrouvait un peu d
inflammation pudiquement dénommée
"appendicite catarrhale" puisque cet appendice sain avait été sectionné au cours de la chirurgie, et
même l
assurance maladie qui croyait faire des économies si le geste était réalisé sans examen
d
imagerie ni examen biologique préalable. Et pourtant ! Et pourtant l
appendicectomie même dans des
mains entraînées, a une certaine morbidité immédiate avec un taux d
abcès post
-
opératoire de près de
1 % et encore plus une morbidité tardive, l
appendicectomie représentant la première cause d
occlusion
mécanique de l
intestin grêle sur bride post
-
opératoire, et pourtant se reposer sur le seul sacro
-
saint
examen clinique avec une surveillance clinique en cas de doute diagnostique, attitude préconisée dans
les pays anglo
-
saxons, entraîne un taux d
appendicite opérée au stade de perforation de près de 30 %,
et pourtant les 300 000 suspicions d
appendicite opérées en France chaque année à la fin des années 90
représentaient un coût de 300 millions d
euros.
L
imagerie a révolutionné, ces vingt dernières années, la prise en charge de l
appendicite. Si l
abdomen
sans préparation n
a aucun intérêt dans le diagnostic d
appendicite et de manière plus générale dans
celui des douleurs abdominales aigües, comme l
a bien formalisé un rapport de la Haute Autorité de
Santé publié en 2009, le diagnostic d
appendicite aigüe repose aujourd
hui sur l
échographie ou la
tomodensitométrie ; échographie chez les enfants, les patientes jeunes, et les femmes enceintes,
scanner sans doute un peu plus performant que l
échographie de manière générale et en particulier chez
les patients plus âgés, chez les patients en surpoids car la graisse facilite la visualisation de
l
appendice en scanner au contraire de l
échographie ou lorsque la symptomatologie clinique est plus
diffuse. L
échographie comme le scanner montreront des anomalies au niveau de l
appendice dont la
paroi est épaissie et au niveau de la graisse péri
-
appendiculaire qui est infiltrée, elles identifieront un
appendice normal permettant d
éliminer le diagnostic d
appendicite, elles rechercheront des
complications de l
appendicite : perforation, plastron, phlegmon, abcès, dont le diagnostic a un réel
impact sur la prise en charge chirurgicale de l
appendicite, sur le choix d
une cœlioscopie versus une
laparotomie ouverte et sur le siège de l
incision chirurgicale.
Il s
agit là d
une véritable révolution dans la prise en charge des patients suspects d
appendicite : dans
une étude nord
-
américaine publiée en 2008 dans la prestigieuse revue, le New England Journal of
Medecine, le taux d
appendicectomie blanche est passé de 24 % à 3 % et celui de perforation de 18 % à
5 % entre 1996 et 2006 grâce à l
utilisation systématique de l
imagerie ; en France le nombre
d
appendicectomies a diminué de 300 000 en 1990 à 83 000 en 2010. L
imagerie systématique dans les
suspicions d
appendicites améliore donc la prise en charge des patients en évitant d
une part une
chirurgie inutile avec ses éventuelles complications et à l
inverse une surveillance prolongée dans les
vraies appendicites opérées trop tard au stade de perforation, elle facilite le geste chirurgical en
diagnostiquant d
éventuelles complications, elle représente une véritable source d
économie, la Caisse
Nationale de l
Assurance Maladie ne s
y est d
ailleurs pas trompée puisque dans un rapport publié en
septembre 2011 sur les césariennes et appendicectomies programmées, elle a montré que dans certains
départements, le taux d
appendicectomie était près de deux fois supérieur à celui de Paris et que si
tous les départements français agissaient comme Paris, on pourrait encore éviter, grâce à l
imagerie, 15
000 appendicectomies inutiles par an.
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