JFR 2008 - De l'anthropologie virtuelle Mis à jour le 13/08/2010 par SFR F Dedouit1, 2, 3, N Telmon2, 3, J Braga3, F Joffre1, H Rousseau1, D Rouge2, 3, E Crubezy3 Issu du quotidien des JFR'08 - Lundi 27 Octobre La séance dédiée à l'imagerie anthropologique du Lundi 27 octobre 2008 sera animée par le Pr Yves Coppens. Il est actuellement l'un des plus grands spécialistes français de l'évolution humaine. En 1974, il met à jour un fossile relativement complet d'Australopithecus afarensis, surnommé « Lucy ». Yves Coppens est nommé directeur et professeur au Muséum pour 3 ans en 1980, ainsi que directeur d'étude à l'École pratique des hautes études. Il est élu à la chaire de paléontologie et préhistoire au Collège de France en 1983. En 2006, il est nommé au Haut Conseil de la science et de la technologie. Aujourd'hui, Yves Coppens est présent dans de nombreuses instances nationales et internationales gérant les disciplines de sa compétence. Il dirige en outre un laboratoire associé au CNRS, le Centre de Recherches Anthropologiques - Musée de l'Homme. Il est membre de l'Académie des sciences, de l'Académie de médecine, de l'Académie des Sciences d'Outremer et de l'Academia Europaea, membre associé de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, correspondant de l'Académie royale de Médecine de Belgique, Honorary fellow du Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Foreign associate de la Royal Society d'Afrique du Sud et docteur honoris causa des universités de Bologne, de Liège, de Mons et de Chicago. L'utilisation des techniques d'imagerie en coupe en anthropologie est une nouvelle voie d'application de l'imagerie que la communauté radiologique se doit de connaître, de développer et d'ajouter aux multiples palettes de son activité. Les applications anthropologiques principalement de la tomodensitométrie multicoupe sont multiples. Le concept d'anthropologie virtuelle, rejoint celui de l'autopsie virtuelle. Les techniques d'imagerie en coupe sont en effet de plus en plus utilisées en pratique routinière en thanatologie pour l'étude des cadavres, une meilleure compréhension et un meilleur diagnostic des causes de la mort. De façon complémentaire, l'étude anthropologique en tomodensitométrie peut être effectuée en complément d'une étude à visée autopsique, notamment sur des individus non identifiés. La tomodensitométrie permet la mise en évidence d'antécédents personnels du cadavre, la plupart du temps chirurgicaux (prothèse orthopédique, pace maker, dispositif intra utérin, …). Elle peut également, tout comme les radiographies standard, être utilisée dans un but comparatif entre des examens ante et post mortem. Ceci peut permettre une identification comparative positive, la plupart du temps par une superposition parfaite des deux études concernant des particularités anatomiques du sujet, le plus souvent osseuses (lombalisation et sacralisation vertébrales, lyse isthmique, calcifications ligamentaires, calcifications cartilagineuses costales, antécédents fracturaires, particularités concernant l'os trabéculaire, …). Une étude anthropologique peut également être effectuée sous la forme d'une véritable étude squelettique virtuelle du cadavre à partir de critères dérivant de l'anthropologie physique osseuse. Il est ainsi possible de déterminer l'affinité populationnelle (ethnie), le sexe et surtout l'âge d'un individu en transposant des méthodes ostéoscopiques et ostéométriques traditionnellement effectuées sur os secs. Ainsi dans une problématique de détermination de l'âge, l'analyse de l'extrémité interne des clavicules, de l'extrémité sternale de la quatrième côte droite, de la surface articulaire de la symphyse pubienne sera privilégiée. L'un des challenges de la potentialité de la tomodensitométrie en anthropologie qui a déjà été démontré est, à côté de la vérification de la bonne transposabilité des méthodes réalisées sur os secs en tomodensitométrie, celle de la recherche de nouveaux critères tomodensitométriques propres (notamment concernant l'évaluation de l'âge d'un individu). Ces techniques sont donc utilisables sur des cadavres complets ou non, bien conservés ou non. Tout comme en autopsie virtuelle, la réalisation d'examens en coupe à visée anthropologique présente de nombreux avantages. Les images sont stockables, interprétables et ré interprétables a posteriori, les images transférables par le biais d'internet ou l'envoi de supports (CD-Rom, DVD). Il est également un autre avantage qui peut permettre de valider complètement l'adage radiologique du « couper fin et reconstruire dans tous les plans » du fait de l'absence de problème relatif à l'irradiation du sujet étudié ou du segment anatomique étudié. Le caractère non invasif de la technique revêt également tout son intérêt dans le cas d'étude de pièces rares voire exceptionnelles, que cela soit au niveau archéologique ou anthropologique. Concernant l'étude de cadavres non squelettiques comportant encore des parties molles, la tomodensitométrie présente l'avantage d'éviter une préparation et un nettoyage long et fastidieux des pièces osseuses à étudier qui peut parfois aboutir à la dégradation accidentelle de ces dernières. Ainsi, l'étude de restes contemporains, fossiles, humains ou non est possible sans risque de dégradation physique de la pièce. De plus, les reconstructions effectuées peuvent être, si elles sont rassemblées sur un site internet un véritable musée virtuel ou une véritable ostéothèque virtuelle. Ceci est particulièrement vrai pour l'étude de momies, qu'elles soient artificielles ou naturelles. Les législations internationales et nationales rendent maintenant difficile, voire impossible le transport et le voyage de momies ou de pièces osseuses à travers le monde. Ces dernières restent confinées la plupart du temps dans leur pays de découverte ou le musée dans lequel elles séjournent depuis des années (voir des siècles…), importée par leur découvreur à une époque où la législation ne s'y opposait pas. L'analyse anthropologique présente l'avantage de pouvoir être effectuée à distance à la fois dans le temps et dans l'espace, si les acquisitions radiologiques ont été effectuées sur place comme c'est le cas la plupart du temps. Il est important d'indiquer qu'il est possible d'effectuer les examens tomodensitométriques dans le pays d'origine de la momie ou de la pièce, que cela soit en Chine ou dans des contrées difficilement accessible telles que la Sibérie ! De plus, l'amélioration et l'innovation technologique en matière d'appareil de tomodensitométrie mobile, transportable au plus près du site de découverte ou de fouille présente un avantage concret et considérable. L'étude des momies est probablement le plus bel exemple de réussite en matière d'apports de l'imagerie en anthropologie. En effet, il est en une acquisition possible d'effectuer une étude autopsique virtuelle, mais également une étude anthropologique exhaustive qui sera adaptée en fonction de l'état de conservation de la momie. De façon traditionnelle l'affinité populationnelle peut être faite sur des critères scopiques mais également craniométriques. La détermination du sexe pourra être effectuée de façon préférentielle par l'analyse du crâne et du bassin. L'estimation de l'âge pourra être faite en utilisant les régions d'études décrites plus haut. Il est également possible d'estimer la stature de l'individu à partir de l'adaptation de tables disponibles pour chaque grand groupe populationnel. Une étude paléo pathologique pourra également être réalisée, à la recherche de traumatismes, de pathologies infectieuses, tumorales, inflammatoires, nutritionnelles. Ceci est un point d'examen fondamental car il présente un intérêt sur la connaissance du mode de vie de ces populations passées. Toutes ces études sur momies pourront être effectuées sans détérioration de ces dernières et permettra, sans qu'elles soient détériorées, d'améliorer considérablement les connaissances sur leur mode de vie et parfois la façon dont le sujet étudié est décédé. Certains auteurs ont également décrits la pratique de prélèvements ou de biopsies ciblées sous contrôle tomodensitométrique sur des momies. Ceci est également important car les prélèvements effectués de façon peu invasive évitent un véritable dépeçage des momies tel qu'il a été effectué pendant des décennies. Ces prélèvements permettent par exemple, après analyses à visée génétique, histologique ou micro-biologique, la détermination du sexe de la momie et peuvent apporter la preuve d'affections et d'infections qu'a pu rencontrer l'individu au cours de sa vie. Elles peuvent également être intéressantes dans le cadre de diagnostic de pathologies pré existantes, d'états morbides, véritables reflets de l'état sanitaire de la population et de l'époque auxquelles l'individu étudié appartenait. Les innovations technologiques informatiques jouent également un rôle important en terme d'exploitation des images obtenues. A côté des traditionnelles reconstructions en deux et en trois dimensions, des outils informatiques et des logiciels permettent une analyse des pièces osseuses étudiées. Il est ainsi possible de segmenter une pièce osseuse, de reconstruire virtuellement une pièce osseuse multi fragmentée pour obtenir une reconstruction ad integrum de la pièce, tel que cela peut être fait lors de la reconstitution d'un puzzle. Des comparaisons de pièces osseuses sont également possibles par des recalages rigides ou non, après avoir apposé des points de repères sur les surfaces à étudier. Ceci est particulièrement utile dans l'étude crânienne et la différentiation possible entre des crânes modernes et fossiles. A côté de techniques traditionnelles tomodensitométriques, le micro-scanner trouve également de nombreuses applications en anthropologie. L'étude de fragments osseux ou de dents qu'ils soient contemporains ou fossiles est possible, avec une définition spatiale supérieure aux appareils utilisés en radiologie clinique. Les épaisseurs de coupe atteignent en effet au maximum les 40 µm. Il apparaît très important que les équipes de radiologie s'organisent de façon à initier cette activité, ceci, bien évidemment avec le matériel et les structures existantes. Sans obligatoirement aller jusqu'à l'option d'appareillages dédiés, il faut que le parc d'imagerie lourde soit suffisant pour pouvoir ouvrir des plages horaires accessibles à ce type d'activité. Il est également important qu'au sein d'une équipe de radiologie, un ou plusieurs radiologues aient une formation en médecine légale et / ou en anthropologie de façon à faire l'interface nécessaire entre les différentes spécialités. Il apparaît en effet indispensable que les radiologues effectuant des examens tomodensitométriques en coupe à visée anthropologique aient connaissance et sachent reconnaître, lorsque cela est possible, les phénomènes taphonomiques inhérents à l'évolution du cadavre et du squelette. Les perspectives d'avenir se calquent sur l'évolution technologique des techniques d'imagerie en coupe. On peut enfin imaginer que toutes les possibilités technologiques dont nous disposons favorisent, outre l'essor des indications de l'imagerie médico-judiciaire, le développement d'une imagerie anthropologique nouvelle. 1. Service de Radiologie CHU Rangueil-Larrey, Toulouse, 2. Service de Médecine Légale CHU Rangueil-Larrey, Toulouse 3. Unité d'imagerie anthropologique, FRE 2960 Université Paul Sabatier, Toulouse Fig. 1 : Reconstruction tomodensitométrique tri dimensionnelle en mode VRT : visualisation de l'extrémité céphalique, du voile la recouvrant ainsi que des bijoux, notamment les boucles d'oreille d'une momie naturelle Fig. 2 : Reconstruction tomodensitométrique tri dimensionnelle en mode VRT, vue de face : mise en évidence de plusieurs caractères d'identification dentaire, notamment une dent incluse, des dents sibérienne de 300 ans environ. Fig. 3 : Reconstruction tomodensitométrique tri dimensionnelle en mode VRT, vue latérale gauche : mise en évidence d'un défect osseux avec une fracture radiaire associée (origine traumatique ?) d'une calotte crânienne d'Homo sapiens archaïque (entre -100 000 et -50 000 ans). manquantes, et la présence de matériel de comblement dentaire, sur un sujet contemporain.