Pharmacologie P harmacologie Traitement médical de l’hypertension artérielle pulmonaire Medical treatment of pulmonary arterial hypertension ● ● O. Sitbon*, L. Savale*, X. Jaïs*, D. Montani*, M. Humbert*, G. Simonneau* 왘 RÉSUMÉ 왘 Le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) tente de s’opposer aux effets délétères de la vasoconstriction, de l’obstruction vasculaire pulmonaire par remodelage et thrombose, et de l’insuffisance cardiaque droite. Les innovations thérapeutiques de ces 10 dernières années (antagonistes des récepteurs de l’endothéline, dérivés de la prostacycline, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5) découlent d’une meilleure compréhension des anomalies physiopathologiques de l’HTAP, en particulier de la dysfonction endothéliale, caractérisée par un défaut de production de substances vasodilatatrices et antiproliférantes (prostacycline et monoxyde d’azote) et un excès de production de substances vasoconstrictrices (endothéline 1, thromboxane) qui stimulent également la prolifération des cellules musculaires lisses vasculaires. La mise au point de ces nouvelles thérapeutiques ciblées sur la dysfonction endothéliale a permis une amélioration substantielle de l’espérance de vie des malades. Malheureusement, aucun de ces médicaments administré isolément ne permet à l’heure actuelle de guérir cette maladie, dont le pronostic reste réservé, en particulier pour les patients les plus jeunes. Les progrès des années à venir passeront sans doute par un diagnostic plus précoce de la maladie, les associations thérapeutiques et la mise au point de nouvelles molécules ciblant d’autres mécanismes physiopathologiques (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, inhibiteurs de tyrosines kinases comme l’imatinib). L’impact de ces nouvelles approches thérapeutiques sur la survie des patients souffrant d’HTAP est un enjeu majeur pour les prochaines années. Mots-clés : Hypertension artérielle pulmonaire – Prostacycline – Endothéline – Monoxyde d’azote – Phosphodiestérases. * Centre national de référence sur l’HTAP, service de pneumologie, UPRES-EA2705, hôpital Antoine-Béclère, AP-HP, université Paris-Sud, Clamart. 48 왘 SUMM ARY Treatment of pulmonary arterial hypertension (PAH) attempts to counteract the deleterious effects of pulmonary vasoconstriction, pulmonary vascular remodeling, thrombosis and right heart dysfunction. Over the last 10 years, advances in our understanding of the molecular mechanisms involved in this disease suggest that endothelial dysfunction plays a key role. Chronically impaired production of vasoactive mediators, such as nitric oxide and prostacyclin, along with prolonged overexpression of vasoconstrictors such as endothelin-1 not only affect vascular tone but also promote vascular remodeling. These advances in our understanding of the pathophysiological and molecular mechanisms of PAH have led to the development of new pharmacologic therapies (prostacyclin derivatives, endothelin-receptor antagonists, phosphodiesterase type 5 inhibitors). Despite recent major improvements in symptomatic treatments, no current treatment cures this devastating condition. However, treatment options for patients with the disease have evolved to help prolong their survival and improve their quality of life. Greater knowledge of this devastating disease may ultimately lead to the development of new therapies and strategies that ensure a better prognosis: early diagnosis and treatment, combination therapies, new drugs targeting other pathophysiological pathways (serotonin-reuptake inhibitors, tyrosin kinase inhibitors...). The impact of these new therapeutic approachs on long-term survival of patients with PAH is a major challenge in the near future. Keywords: Pulmonary hypertension – Prostacyclin – Endothelin – Nitric oxide – Phosphodiesterase. L’ hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie rare dont le pronostic médiocre a longtemps été considéré comme inéluctable. La maladie est caractérisée par l’augmentation progressive des résistances vasculaires pulmonaires, aboutissant à une insuffisance cardiaque droite et au décès. Au cours des 10 dernières années, les progrès réalisés dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques de l’HTAP ont permis la mise au point de plusieurs molécules innovantes et une nouvelle approche thérapeutique de la maladie. Ainsi, la dysfonction endothéliale, avec pour corollaires un déséLa Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009 PRINCIPES GÉNÉRAUX DU TRAITEMENT DE L’HTAP quilibre de la balance vasoconstriction/vasodilatation et une prolifération musculaire lisse exagérée, représente à l’heure actuelle la cible prioritaire du traitement de l’HTAP (1). Cette meilleure compréhension de la physiopathologie de l’HTAP a permis au fil du temps d’en modifier l’approche thérapeutique, en passant progressivement de traitements à visée essentiellement vasodilatatrice (inhibiteurs calciques) à des médicaments inhibant la prolifération des cellules vasculaires pulmonaires dans le but de faire régresser les lésions d’hypertrophie et de remodelage vasculaire : dérivés de la prostacycline (PGI2), antagonistes des récepteurs de l’endothéline 1 (ET-1) et, plus récemment, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5). Voie de l’endothéline Antagonistes des récepteurs de l’endothéline Le traitement de l’HTAP tente de s’opposer aux effets délétères de la vasoconstriction, de l’obstruction vasculaire pulmonaire par remodelage et thrombose, et de l’insuffisance cardiaque droite. Les principaux traitements actuels de l’HTAP ont pour cible la dysfonction endothéliale des artères pulmonaires (figure 1) [1]. À côté des médicaments ciblant cette dysfonction endothéliale, d’autres thérapeutiques sont disponibles, en particulier les vasodilatateurs comme les inhibiteurs calciques chez les très rares patients vasoréactifs en aigu, les anticoagulants et les diurétiques. Voie du monoxyde d’azote Pré-pro-ETppro-ET Pharmacologie P harmacologie L-argininepL-citrulline Voie de la prostacycline Acide arachidoniquepPGI2 Prostacycline (PGI2) Endothéline 1 ETA Dérivés de la prostacycline Monoxyde d’azote ETB GMPc Vasoconstriction Prolifération PDE5 AMPc Vasodilatation Antiprolifération Vasodilatation Antiprolifération Inhibiteurs de la PDE5 Figure 1. Cibles des traitements actuels de l’hypertension artérielle pulmonaire (d’après [1]). Partie supérieure : coupe transversale d’une artère pulmonaire de petit calibre (diamètre < 500 μm) d’un patient souffrant d’une HTAP sévère, montrant une prolifération intimale et une hypertrophie de la média. La dysfonction endothéliale se traduit par une diminution de la production par les cellules endothéliales (représentées en bleu) de prostacycline et de monoxyde d’azote, associée à une augmentation de la production d’endothéline 1. Ces modifications conduisent à une vasoconstriction et à une prolifération des cellules musculaires lisses des artères pulmonaires (représentées en fond clair). AMPC : adénosine monophosphate cyclique ; GMPC : guanosine monophosphate cyclique ; ET : endothéline ; ETA : récepteur A de l’endothéline ; ETB : récepteur B de l’endothéline ; PDE5 : phosphodiestérase de type 5 ; PGI2 : prostaglandine I2 (prostacycline). La Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009 49 Pharmacologie P harmacologie MESURES GÉNÉRALES Les patients souffrant d’une HTAP ont un réseau artériel pulmonaire restreint du fait du remodelage intense des artères pulmonaires. Chez ces patients, certaines précautions simples doivent être envisagées. ventriculaire droite et améliorent la symptomatologie. La posologie doit être adaptée à la clinique (poids de base, présence d’œdème des membres inférieurs) mais peut être aussi ajustée en fonction des pressions de remplissage cardiaque droit mesurées lors des bilans échocardiographiques et hémodynamiques (2). Oxygénothérapie Limitation de l’activité physique et règles d’hygiène de vie Tout exercice physique peut aggraver les symptômes d’HTAP (dyspnée, fatigue, douleur thoracique, syncope). Les activités physiques doivent donc être réduites et guidées par les symptômes. Néanmoins, un mode de vie trop sédentaire peut être à l’origine d’une fonte musculaire participant à la limitation fonctionnelle (2). Un compromis est donc à trouver pour encourager les patients à exercer une activité physique modérée, en évitant tout effort potentiellement dangereux (2). Les résultats récents d’un programme de réadaptation à l’effort chez des patients souffrant d’HTAP sont encourageants (3). Théoriquement, l’hypoxie peut aggraver l’hypertension pulmonaire par augmentation de la vasoconstriction hypoxique. Une oxygénothérapie doit donc être envisagée chez les patients présentant une hypoxie sévère (PaO2 < 60 mmHg). Cependant, ce traitement est essentiellement symptomatique (2). TRAITEMENT SPÉCIFIQUE DE L’HTAP Si l’objectif principal des thérapeutiques est, bien sûr, l’amélioration de la survie, il est nécessaire de prendre en compte de nombreux objectifs, comme l’amélioration de la qualité de vie, des symptômes et des capacités à l’effort. Altitude et hypoxie La raréfaction en oxygène majore l’hypoxémie, donc la dyspnée, et, de façon réflexe, la pression artérielle pulmonaire (phénomène de vasoconstriction hypoxique). Ainsi, les séjours en altitude (au-dessus de 800 mètres) et, par extension, les voyages aériens en cabine non pressurisée doivent être proscrits (2). Grossesse et contraception La grossesse est formellement contre-indiquée, car les modifications hémodynamiques et hormonales qu’elle entraîne peuvent être responsables d’une décompensation cardiaque droite, parfois fatale pour la mère et l’enfant (4, 5). Ces risques imposent donc le recours à une contraception (progestative pure ou estroprogestative minidosée chez les patientes correctement anticoagulées et en l’absence d’antécédent thromboembolique ou de thrombophilie) chez les femmes en période d’activité génitale (4, 5). Anesthésie et chirurgie Toute procédure invasive (chirurgie, cathétérisme cardiaque, etc.) doit être discutée et, si possible, réalisée dans des centres spécialisés dans la prise en charge des HTAP. TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE Anticoagulation au long cours Le traitement anticoagulant permet de diminuer la mortalité des patients souffrant d’HTAP, par la réduction probable des phénomènes de thrombose in situ (6, 7). En conséquence, le traitement anticoagulant oral par antivitamine K est proposé de manière systématique lorsqu’il n’existe pas de contre-indication (objectif d’INR de 1,5 à 2,5). Diurétiques Les diurétiques (furosémide, spironolactone), associés à un régime sans sel, réduisent la volémie, diminuent les signes de surcharge 50 Inhibiteurs calciques Les inhibiteurs calciques peuvent s’opposer à la vasoconstriction, mais ils n’ont pas d’effets sur le remodelage vasculaire pulmonaire. Chez certains patients, les phénomènes de vasoconstriction prédominent largement sur les phénomènes de remodelage vasculaire, et les inhibiteurs calciques peuvent apporter un bénéfice clinique. Ces patients dits “répondeurs” sont identifiés par un test de vasoréactivité en aigu réalisé au cours de la première évaluation par cathétérisme cardiaque droit (7, 8). On définit comme “répondeurs” les patients présentant une baisse de la pression artérielle pulmonaire moyenne d’au moins 10 mmHg jusqu’à un niveau inférieur à 40 mmHg, avec un débit cardiaque normal ou augmenté au cours de l’inhalation de NO (9). Malheureusement, ils ne représentent qu’environ 10 % de l’ensemble des patients présentant une HTAP idiopathique ou associée à la prise d’anorexigènes (9). Chez ces patients, le diltiazem, la nifédipine ou l’amlodipine, à des doses sensiblement plus élevées que dans d’autres indications, permettent une réponse clinique et hémodynamique très satisfaisante, et un pronostic excellent (9). À l’inverse, les inhibiteurs calciques sont toujours inefficaces chez les patients non répondeurs au NO. Dérivés de la prostacycline La prostacycline (PGI2) est produite par les cellules endothéliales et entraîne une relaxation du muscle lisse vasculaire et une inhibition de l’agrégation plaquettaire par le biais d’une augmentation de la concentration intracellulaire d’AMP cyclique. Mais c’est surtout pour les effets antiproliférants de la PGI2 sur les cellules musculaires lisses (CML) que ses dérivés sont utilisés dans le traitement de l’HTAP. 쐌 L’époprosténol Du fait de sa très courte demi-vie (3 minutes), la PGI2 ou époprosténol (Flolan®) doit être administrée par voie intraveineuse La Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009 continue à l’aide d’une pompe connectée à un cathéter sousclavier tunnellisé. Chez les patients en classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA, le traitement par époprosténol a prouvé qu’il apportait une amélioration significative des symptômes, des capacités à l’effort (test de marche de 6 minutes), des paramètres hémodynamiques ainsi qu’une réduction de la mortalité (10-12). L’époprosténol est indiqué dans l’HTAP idiopathique, familiale, ou associée aux connectivites, en classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA. Ce médicament reste le traitement de référence des formes les plus sévères de la maladie. En dépit du bénéfice apporté, la perfusion continue d’époprosténol ne constitue pas un traitement idéal. Il s’agit d’une thérapeutique complexe, inconfortable et dont le coût est très élevé. Les effets secondaires du traitement sont fréquents : douleurs des mâchoires, céphalées, diarrhées, flushes, douleurs des membres inférieurs, nausées et vomissements (10-12). Ces manifestations sont doses-dépendantes et le plus souvent modérées, ne nécessitant pas l’interruption du traitement. Les complications les plus sévères sont liées au mode d’administration par cathéter : thromboses et surtout infections (incidence de l’ordre de 0,1 à 0,6 cas par an et par patient) [13]. L’interruption du traitement par dysfonction de la pompe ou rupture de cathéter peut se compliquer d’une aggravation brutale de l’HTAP, potentiellement mortelle (4). 쐌 Les analogues stables de la prostacycline Les complications liées à la mise en place d’un cathéter veineux central pour l’administration intraveineuse d’époprosténol ont justifié le développement d’analogues de la prostacycline délivrés sous d’autres formes (sous-cutanée, inhalée ou orale). Le tréprostinil (Remodulin®) est un analogue de la prostacycline dont la demi-vie est plus longue, ce qui permet une administration en continu par voie sous-cutanée à l’aide d’une minipompe semblable à celle utilisée pour la délivrance de l’insuline (14). Une étude contrôlée a démontré que ce traitement permettait d’améliorer les capacités à l’exercice et l’hémodynamique des patients en classe II, III ou IV de la NYHA (14). L’existence de douleurs au point d’injection observées chez 85 % des patients représente le principal effet secondaire. Ces douleurs constituent parfois un facteur limitant à l’augmentation des doses et conduisent à l’arrêt du traitement dans environ 8 % des cas (14). Les données à long terme sont encourageantes, avec un impact positif sur la survie (15, 16). Le tréprostinil par voie sous-cutanée est indiqué dans l’HTAP idiopathique de classe fonctionnelle III. Le tréprostinil peut également être utilisé comme l’époprosténol, par voie intraveineuse (il est approuvé aux États-Unis dans cette indication, mais aucune AMM n’est pour l’instant disponible en France). Des essais thérapeutiques avec le tréprostinil en inhalation et par voie orale sont en cours. L’iloprost (Ventavis®) est un analogue stable de la prostacycline, qui est administré par inhalation à l’aide d’un système produisant des particules d’un diamètre de 0,5 à 3 μm. La courte durée d’action de l’iloprost constitue le principal désavantage de ce mode d’administration, puisqu’il nécessite 6 à 9 inhalations La Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009 Pharmacologie P harmacologie par jour. Une étude contrôlée a permis de démontrer que le traitement par iloprost améliorait le test de marche et la classe fonctionnelle de patients souffrant d’HTAP et en classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA (17). La toux et les symptômes liés à la vasodilatation représentent les principaux effets secondaires observés (17). Les résultats à long terme obtenus avec l’iloprost en monothérapie sont malheureusement assez décevants (18). L’iloprost inhalé est approuvé dans l’HTAP idiopathique de classe fonctionnelle III. Antagonistes des récepteurs de l’endothéline L’ET-1 est un puissant vasoconstricteur et un facteur favorisant la prolifération des CML, contribuant ainsi à l’augmentation du tonus vasculaire pulmonaire et à l’hypertrophie des parois artérielles pulmonaires. Les antagonistes des récepteurs de l’ET-1 sont des médicaments utilisables par voie orale. Le bosentan (Tracleer®) est un antagoniste mixte des récepteurs de l’endothéline. Deux essais contrôlés contre placebo ont démontré son efficacité chez des patients présentant une HTAP idiopathique ou associée à une sclérodermie en classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA (19, 20). Ainsi, le bosentan améliore les capacités à l’effort, l’hémodynamique, et allonge le délai avant aggravation clinique (19, 20). L’évaluation à long terme des patients inclus dans les deux essais contrôlés est en faveur d’une amélioration de la survie sous bosentan par rapport à la survie théorique (21). Une étude récente a montré son efficacité dans des formes moins sévères d’HTAP chez des patients en classe fonctionnelle II de la NYHA (22). La dose recommandée est de 62,5 mg deux fois par jour pendant 4 semaines, puis de 125 mg deux fois par jour. Le principal effet secondaire est la cytolyse hépatique, toujours réversible, survenant dans environ 7 % des cas, ce qui nécessite une surveillance mensuelle des transaminases. Le traitement est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique modérée ou sévère ou en cas d’élévation des transaminases à plus de trois fois la normale. En dehors de l’HTAP idiopathique, familiale et associée aux connectivites, le bosentan a été utilisé avec succès dans d’autres formes d’HTAP, en particulier l’HTAP associée au VIH (23) et l’HTAP associée aux cardiopathies congénitales (24). Le bosentan est approuvé dans le traitement de l’HTAP en classe fonctionnelle III de la NYHA. Le sitaxentan (Thelin®) est un antagoniste sélectif des récepteurs A de l’ET-1, ce qui offre l’avantage théorique d’éviter la vasoconstriction induite par la liaison de l’ET-1 à son récepteur de type A situé sur les CML, tout en maintenant la liaison à son récepteur de type B responsable d’une vasodilatation et d’une augmentation de la clairance de l’ET-1 (25). Deux études ont démontré un effet positif de ce traitement sur le test de marche et l’hémodynamique (26, 27). La dose de sitaxentan est de 100 mg par jour. Comme pour le bosentan, les effets secondaires sont essentiellement hépatiques, même si la fréquence des cytolyses semble un peu plus faible. Une surveillance mensuelle du bilan hépatique est cependant nécessaire. Il existe une importante interaction médicamenteuse entre le sitaxentan et les antivitamines K, ce qui rend parfois très difficile l’équi51 Pharmacologie P harmacologie libration du traitement anticoagulant (risque important de surdosage). Le sitaxentan est approuvé dans l’HTAP de classe fonctionnelle III. L’ambrisentan (Volibris®), autre antagoniste sélectif des récepteurs A de l’ET-1, a été évalué dans deux essais contrôlés avec un effet bénéfique observé sur le test de marche et l’hémodynamique (28, 29). La fréquence des cytolyses semble plus faible et il n’y a pas d’interaction médicamenteuse avec l’ambrisentan. L’ambrisentan est approuvé dans l’HTAP de classes fonctionnelles II et III. Les résultats à long terme avec ces deux médicaments sont encore mal connus, en particulier en ce qui concerne leur impact sur la survie des malades. Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 L’inhibition de la PDE5 est à l’origine d’une augmentation de la concentration intracellulaire de GMP cyclique, avec pour conséquence une relaxation du muscle lisse vasculaire pulmonaire et une inhibition de la prolifération des cellules musculaires lisses (30, 31). Les inhibiteurs de la PDE5, comme le sildénafil (Revatio®) ou le tadalafil, ont l’avantage d’une administration par voie orale et de l’absence d’effets secondaires hépatiques. Un essai contrôlé a prouvé l’efficacité à court terme (12 semaines) du sildénafil chez des patients en classe fonctionnelle II ou III de la NYHA (amélioration de la distance parcourue au test de marche et amélioration des paramètres hémodynamiques) [32]. Aucun effet dose-réponse n’ayant pu être démontré, c’est la plus faible dose testée (20 mg trois fois par jour) qui a été retenue et approuvée par les autorités de santé. Le traitement par sildénafil était associé à la survenue d’effets secondaires mineurs comme des flushs, des troubles digestifs et des diarrhées. Aucune donnée n’est actuellement disponible, ni sur l’efficacité à long terme du sildénafil aux doses recommandées, ni sur la survie. Le sildénafil est approuvé dans le traitement de l’HTAP de classe fonctionnelle III de la NYHA. RECOMMANDATIONS ACTUELLES Malgré les avancées récentes dans la prise en charge des patients atteints d’HTAP, les traitements actuels ne permettent pas de guérir cette maladie grave. Néanmoins, ils permettent d’améliorer la qualité de vie des malades (meilleures capacités d’exercice, mise à disposition de traitements par voie orale, etc.). À l’exception de données pour les patients recevant de l’époprosténol (11, 12) et, plus récemment, du bosentan (21, 33, 34), l’efficacité à long terme des nouveaux traitements reste mal connue. Il apparaît donc nécessaire d’évaluer leur bénéfice à long terme en termes d’efficacité clinique et hémodynamique, de qualité de vie des malades, mais aussi en termes de survie, d’effets secondaires et de coût. En l’absence de données comparant les différents traitements, le choix du traitement initial dépend donc autant de l’expérience des équipes et des réglementations locales que de l’état clinique du patient et de ses préférences. Pour les HTAP sévères (classe 52 fonctionnelle IV), la plupart des experts recommandent un traitement de première intention par époprosténol en injection intraveineuse continue. En dehors de cette situation, les possibilités de traitement pour les malades en classe fonctionnelle III comprennent le bosentan ou le sildénafil administrés par voie orale, l’iloprost nébulisé, le tréprostinil sous-cutané, mais également l’époprosténol intraveineux, débutés sous surveillance dans un centre spécialisé dans la prise en charge des maladies vasculaires pulmonaires. Pour les formes moins sévères d’HTAP, des données sont maintenant disponibles, ce qui permet d’établir des recommandations thérapeutiques pour ces patients. Aussi, le bosentan, et plus récemment l’ambrisentan, ont obtenu une AMM pour les patients en classe fonctionnelle II de la NYHA. À partir des données actuelles, un algorithme résumant la prise en charge de l’HTAP a été proposé par les trois conférences d’experts publiées en 2004 (35-37) ; il a été modifié lors du dernier congrès mondial sur l’HTAP à Dana Point (Californie) en février 2008 (figure 2) [49]. PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES Si les stratégies thérapeutiques actuelles ont permis une amélioration substantielle de l’espérance et de la qualité de vie des malades, elles demeurent insuffisantes pour envisager aujourd’hui un traitement curatif de la maladie. L’objectif majeur pour les années futures est de passer d’une maladie invalidante et mortelle à une maladie chronique sans handicap majeur (“vivre avec sa maladie”). Afin d’améliorer le pronostic de l’HTAP, plusieurs pistes sont envisagées ou sont déjà en cours d’évaluation. Un diagnostic plus précoce L’objectif d’un diagnostic précoce est la possibilité d’un traitement pour une forme moins sévère de la maladie. Compte tenu de la rareté de la maladie, un diagnostic plus précoce ne peut s’envisager que pour des groupes à risque, c’est-à-dire dans lesquels la prévalence de l’HTAP est importante (formes familiales, sclérodermies, infection par le VIH, hypertension portale). Deux études portant sur le dépistage de l’HTAP au cours de la sclérodermie (38) et au cours de l’infection par le VIH (39) ont clairement montré que le dépistage échocardiographique de l’HTAP dans ces populations à risque permettait de diagnostiquer des formes moins graves de la maladie. Par ailleurs, l’étude EARLY, évaluant l’efficacité du bosentan chez des patients en classe II de la NYHA, a montré un allongement du temps avant détérioration clinique dans le groupe traité par bosentan par rapport à celui recevant le placebo (22). Les associations de traitements Selon les recommandations actuelles, la majorité des patients est actuellement traitée en première intention par une monothérapie. En pratique courante, de plus en plus de malades reçoivent des associations de traitements, soit d’emblée, soit le plus souvent après échec d’un traitement de première ligne. L’association de La Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009 Anticoagulants (E/B) – HTAPi/HTAPh Diurétiques (E/A) Oxygène (E/A) Digoxine (E/C) Réhabilitation à l’exercice (E/B) Pharmacologie P harmacologie Éviter l’exercice physique excessif (E/A) Contraception (E/A) Support psychologique et social (E/C) Prévention des infections (E/A) Traitement symptomatique et mesures générales Centre de référence ou de compétence (E/A) Test de vasoréactivité en aigu (A pour HTAP, E/C pour HTAPa) [2] RÉPONDEUR EN AIGU Degré de recommandation [1] CF NYHA I-IV Amlodipine, diltiazem, nifédipine (B) Réponse maintenue (NYHA I-II) [3] NYHA II NYHA III A Ambrisentan, bosentan, sildénafil Ambrisentan , bosentan, époprostenol i.v., sildénafil Époprostenol i.v. B Sitaxentan, tadalafil Iloprost inhalé, sitaxentan, tadalafil, tréprostinil s.c. Iloprost inhalé Beraprost Tréprostinil s.c. Iloprost i.v., tréprostinil i.v. Iloprost i.v., tréprostinil i.v. Traitement combiné d’emblée (cf. ci-dessous) C E/B Oui Non E/C Amlodipine, diltiazem, nifédipine (B) NYHA IV Ambrisentan, bosentan, sildénafil, sitaxentan, tadalafil Non approuvé Tréprostinil inhalé Tréprostinil inhalé RÉPONSE CLINIQUE INSUFFISANTE Traitement combiné séquentiel RÉPONSE CLINIQUE INSUFFISANTE Prostanoïdes + (B) iPDE-5 + (B) + (B) ARE Atrioseptostomie (E/B) et/ou transplantation pulmonaire (E/A) Figure 2. Algorithme de traitement de l’HTAP (d’après les conclusions du 4e congrès mondial sur l’HTAP, Dana Point, février 2008 [49]). [1]. Les recommandations présentées dans cet algorithme sont fondées sur un système de gradation permettant d’établir un degré de recommandation à partir de l’interaction de deux composantes : le niveau de preuve et le bénéfice potentiel des traitements (système de gradation de l’American College of Chest Physicians) : – A. Recommandation forte – B. Recommandation intermédiaire – C. Recommandation faible – D. Non-recommandation – I. Recommandation impossible (non conclusif) – E/A. Recommandation forte fondée uniquement sur l’opinion d’experts – E/B. Recommandation intermédiaire fondée uniquement sur l’opinion d’experts – E/C. Recommandation faible fondée uniquement sur l’opinion d’experts – E/D. Non-recommandation fondée uniquement sur l’opinion d’experts Les différents traitements ayant été évalués essentiellement dans l’HTAP idiopathique (HTAPi), dans l’HTAP héritable (HTAPh) et dans l’HTAP associée à la sclérodermie ou aux anorexigènes, l’extrapolation de cet algorithme aux autres types d’HTAP associée (HTAPa) à d’autres pathologies (connectivites hors sclérodermie, infection par le VIH, cardiopathies congénitales, hypertension portale) doit donc être faite avec prudence. [2]. Les substances utilisées pour tester la vasoréactivité sont des agents de courte demi-vie comme l’époprosténol i.v., l’adénosine i.v. ou le NO inhalé. Un traitement par inhibiteurs calciques ne doit être entrepris que chez les patients “répondeurs” au test de vasoréactivité (baisse de la PAPm > 10 mmHg aboutissant à un niveau < 40 mmHg, associée à un débit cardiaque conservé ou augmenté). [3]. Une réponse persistante aux inhibiteurs calciques est définie par une classe fonctionnelle I ou II de la NYHA, avec des paramètres hémodynamiques proches de la normale après 1 an de traitement, sans recours à un traitement spécifique de l’HTAP. La Lettre du Pharmacologue - vol. 23 - n° 2 - avril-mai-juin 2009 53 Pharmacologie P harmacologie médicaments de mécanismes d’action différents a été envisagée dans le but de potentialiser leurs effets et ainsi d’augmenter leur bénéfice clinique, si possible sans majoration des effets secondaires. L’initiation d’une association thérapeutique de première intention et l’adjonction d’un nouveau traitement en cas d’échec du traitement précédent (combinaison thérapeutique séquentielle) sont deux approches différentes du traitement combiné (40). Le seul essai contrôlé ayant comparé un traitement combiné en première intention à une monothérapie (époprosténol + bosentan versus époprosténol + placebo) n’a malheureusement pas permis de conclure à une supériorité du traitement combiné (41). Plusieurs essais contrôlés ont montré des résultats encourageants avec diverses associations médicamenteuses débutées après échec ou résultats insuffisants d’un traitement de première intention : il s’agit des études STEP (bosentan + iloprost versus bosentan + placebo) [42] et PACES-1 (époprosténol + sildénafil versus époprosténol + placebo) [43]. L’association d’antagonistes des récepteurs de l’endothéline et d’inhibiteurs de la PDE5, médicaments disponibles sous forme orale, offre une solution intéressante (44) mais n’a jamais été correctement évaluée dans un essai contrôlé. Les interactions potentielles entre ces deux classes thérapeutiques ne semblent pas avoir de conséquences en pratique courante. Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur la place du traitement combiné dans l’HTAP. Il est, en règle générale, discuté en deuxième intention après échec d’un traitement de première ligne. L’impact de ces associations de traitement sur la survie des malades reste inconnu à ce jour. Les innovations thérapeutiques ciblant d’autres voies physiopathologiques En dehors de la dysfonction endothéliale, cible des traitements actuels de l’HTAP, d’autres voies physiopathologiques dysfonctionnelles peuvent être envisagées pour développer de nouvelles thérapeutiques. Il s’agit en particulier de médicaments agissant sur le métabolisme de la sérotonine (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) ou bien de thérapeutiques ciblant directement la prolifération anormale des cellules musculaires lisses vasculaires pulmonaires. C’est le cas, en particulier, de l’imatinib, inhibiteur des tyrosines kinases, qui bloque l’action d’un facteur de croissance impliqué dans le remodelage vasculaire, le PDGF (Platelet-Derived Growth Factor). Si les données expérimentales avec l’imatinib sont impressionnantes, avec, en particulier, régression de l’HTAP induite par la monocrotaline chez le rat (45), les résultats chez l’homme sont encore très limités (46-48). Ainsi, nous avons pu montrer une amélioration de l’HTAP chez deux patients recevant de l’imatinib dans une autre indication (glycogénose et leucémie myéloïde chronique). Une étude contrôlée est actuellement en cours pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi de l’imatinib dans l’HTAP. physiopathologiques de l’HTAP. Cela a conduit à la mise au point de nouveaux traitements ayant pour cible principale la dysfonction des cellules endothéliales des artères pulmonaires. Le résultat le plus spectaculaire observé avec ces nouvelles thérapeutiques a sans doute été l’allongement de l’espérance de vie des malades, avec une médiane de survie qui a plus que doublé au cours des 15 dernières années. Cependant, malgré ces avancées thérapeutiques indéniables, il n’existe pas à ce jour de traitement curatif de la maladie. La recherche de molécules ciblant directement la prolifération anormale des cellules endothéliales et musculaires lisses vasculaires pulmonaires représente un nouvel espoir. De telles avancées pourraient faire envisager l’émergence d’un traitement curatif de cette maladie orpheline. ■ RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. 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