La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 4 - juillet-août 2012 | 99
MISE AU POINT
On estime que le microbiote humain est constitué
de 400 à 1 000 espèces bactériennes différentes, et
que la totalité de ce microbiote représente environ
10
14
cellules pour un individu qui, lui, ne comporte
que 10
13
cellules. Le microbiote colonise le tractus
gastro-intestinal, la cavité orale, le nez, la gorge, les
yeux, la peau et le tractus urogénital. La majorité du
microbiote est localisée dans l’intestin, plus parti-
culièrement au niveau du côlon, où l’on dénombre
jusqu’à 1012 micro-organismes par gramme de contenu.
Le séquençage du microbiote intestinal (3,3 millions
de gènes) a montré que celui-ci était 150 fois plus
grand que le génome humain (6). Si l’on ne considère
que les grands groupes microbiens et leur abondance
relative, le microbiote est sensiblement le même au
sein de l’espèce humaine. Cependant, si l’on observe
la diversité des espèces bactériennes, chaque indi-
vidu a un microbiote qui lui est propre. Celui-ci est
constitué en partie de micro-organismes résidents qui
sont tolérés par le système immunitaire. Le microbiote
“normal” et “équilibré”, appelé “eubiose”, est celui qui
est présumé remplir toutes les conditions pour nous
faire bénéficier de ses effets positifs sur la santé. Il joue
un rôle crucial dans l’établissement de la tolérance
aux antigènes. Malheureusement, dans certains cas,
on rencontre des microbiotes “déviants”, ou dysbiose,
qui ont pu être modifiés par différents facteurs, parmi
lesquels : le mode d’accouchement (voies naturelles
ou césarienne), la prématurité, l’alimentation, l’envi-
ronnement, l’administration d’antibiotiques ou les
traitements antiacides. Outre les infections oppor-
tunistes, diverses pathologies ont été corrélées à des
modifications caractéristiques de la composition du
microbiote. La plupart de ces affections sont associées
à des phénomènes allergiques ou inflammatoires et
comportent donc vraisemblablement une composante
immunitaire. Parmi les pathologies associées à une
dysbiose, les plus fréquemment décrites sont l’obé-
sité, les cancers colorectaux, les maladies atopiques
(AA, asthme, etc.), le syndrome du côlon irritable et
les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
comme la rectocolite hémorragique et la maladie de
Crohn. L’étiologie de ces manifestations est multifac-
torielle, impliquant des facteurs immunitaires, géné-
tiques, environnementaux, alimentaires et microbiens
interconnectés.
Le rôle du microbiote altéré
dans la survenue des allergies
Aujourd’hui, les scientifiques tentent de déterminer
les relations entre les changements de nos modes
de vie depuis ces dernières décennies, notre micro-
biote, et la forte augmentation de la prévalence des
allergies dans les pays développés (7). Pour expliquer
ces relations, D.P. Strachan a proposé l’“hypothèse
de l’hygiène” (8). Cette hypothèse est fondée sur
différentes observations évidentes :
➤
les citadins sont exposés à une gamme plus
étroite de microbes que les personnes vivant dans
les zones rurales et ils développent plus d’allergies ;
➤
les enfants vivant en milieu rural au Burkina Faso,
où les allergies sont rares et le régime alimentaire
riche en fibres, ont un profil microbien fécal très
différent des enfants vivant en Europe ;
➤
l’augmentation rapide des maladies allergiques
dans les pays occidentaux pourrait coïncider avec
l’utilisation généralisée des antibiotiques. Ceux-ci,
en détruisant une grande partie du microbiote intes-
tinal, pourraient favoriser la survenue d’allergies.
K. Wickens et ses collaborateurs ont en effet montré
que l’utilisation d’antibiotiques pouvait être asso-
ciée à une augmentation du risque de développer
un asthme (9) ;
➤
les microbiotes des patients allergiques et des
individus sains sont différents. En effet, B. Björksten
et al. (10) ont mis en évidence une faible colonisation
par des bactéries anaérobies (bifidobactéries) et
une proportion élevée de certaines espèces aéro-
bies (coliformes) chez les enfants développant une
tendance allergique à l’âge de 2 ans. Il semble donc
y avoir un lien entre le microbiote intestinal et la
survenue d’allergies.
Notre sensibilité aux allergies n’est pas seule-
ment façonnée par le microbiote intestinal mais
peut aussi être modulée par d’autres microbiotes,
comme le microbiote cutané (11). L’épithélium bron-
chique possède un microbiote très caractéristique,
différent chez les individus sains et chez les asth-
matiques (12). Certaines infections bactériennes
pulmonaires peuvent aggraver les AR. En effet, les
nourrissons, dont les poumons sont infectés par des
bactéries pathogènes peu après la naissance, sont
plus susceptibles de développer de l’asthme. De plus,
les poumons des adultes asthmatiques contiennent
beaucoup plus de bactéries que les poumons des
personnes sans asthme. Par ailleurs, les individus
développant un asthme sévère présentent une plus
grande diversité bactérienne que les patients atteints
d’asthme modéré (7). Cependant, la bactérie Helico-
bacter pylori, vivant dans l’estomac et provoquant
des ulcères et des cancers, semble être bénéfique
contre l’asthme. Des études montrent que les
enfants infectés par H. pylori étaient 40 à 60 % moins
susceptibles de souffrir d’asthme que les enfants non
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