SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1963
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du fonds monétaire international, mais ces indices ne sont pas
toujours très adaptés. Je parlais dernièrement avec un Français,
professeur à l'étranger, qui se trouvait en Turquie il y a
quelques années. Les indices du fonds monétaire international
étaient si peu adaptés à la situation qu'il a fallu prendre ceux
de la Socony vacuum oil company.
Il convient donc d'apprécier sur place suivant les postes,
l'importance du personnel à y affecter, le standing convenable
à leur donner aussi bien en ce qui concerne les bâtiments que
les émoluments. C'est là une suggestion que nous vous faisons,
monsieur le secrétaire d'Etat.
Il est important, par ailleurs, de travailler en liaison étroite
avec le ministère de la rue de Rivoli, ce qui n'est malheureuse-
ment pas toujours le cas. Si vous étoffiez votre inspection
générale des postes à l'étranger, il serait bon que, comme les
Anglais, vous prévoyiez la collaboration d'un fonctionnaire des
finances — qui ne soit pas un adversaire, un coupeur de crédits,
mais qui soit intéressé par la situation de nos représentations
à l'étranger — pour participer avec vous à ce contrôle.
Cela dit, pour en finir avec la question des postes à l'étranger,
vous avez inscrit dans votre budget des crédits considérables
pour les déplacements et les déménagements des agents en poste
à l'étranger. Un tiers ou un quart de ces crédits concernent les
déménagements, et il est un peu surprenant de voir ces mobi-
liers circuler à travers le monde ! Pour éviter ces frais, vous
avez commencé à faire un effort tendant à créer des logements
de fonctions dans certains postes. J'en connais, et il est indé-
niable que cela facilite beaucoup les choses, mais les réalisations
sont très lentes. Il s'agit de dépenses en capital, mais peut-être
pourrait-on activer la cadence et, grâce à certains procédés
financiers, activer la construction des logements pour les agents
à l'étranger.
Il y a quelques années, je suis arrivé à Vancouver, au
Canada, en même temps que le nouveau consul. Or, à Van-
couver, on ne trouve pas d'appartements à louer. Le prédécesseur
de ce consul avait été obligé d'acheter une maison et son
successeur se trouvait lui aussi dans l'obligation d'en acheter
une. Or, à Vancouver, une maison coûte cher et on ne peut tout
de même pas demander à chaque consul d'arriver avec le
nombre de millions d'anciens francs nécessaires pour acheter
un logement. Je suggère de mettre cette question également à
l'étude.
Après le rapport de M. Portmann, j'ajouterai quelques mots
sur la question de la presse et de l'information. Nous attachons,
tout comme la commission des finances, une grande importance
à ces services. On a souvent dit que la France n'avait pas le
génie de l'information ; je crois qu'elle l'a, ou qu'elle pourrait
l'avoir, mais qu'elle ne s'en est pas beaucoup occupé jusqu'à
présent. En effet, ce n'est que depuis peu que les services de
presse et de l'information du Quai d'Orsay ont un budget propre,
qui est passé, en quelques années, de
1
à 7 millions de francs
environ, crédit très inférieur à ceux dont dispose l'étranger.
A notre époque, à l'époque de la publicité, nous devons avoir
les moyens matériels d'expliquer notre politique et de la défendre,
quel que soit le gouvernement. Or, nous ne le pouvons pas du
fait de l'insuffisance de nos moyens.
Au moment de la rupture de Bruxelles et de la conférence
de presse du général de Gaulle, qui fit tant de bruit, les services
anglais, qui disposent de crédits importants — 230 millions de
francs, a-t-on dit, contre les 7 millions de francs du ministère
des affaires étrangères français -- ont inondé les Etats-Unis et
l'Allemagne de leur contre-propagande. Ce n'est pas la peine
d'avoir une politique si on ne peut pas la défendre
Nos représentants dans des postes lointains n'ont reçu d'expli-
cations de ces événements politiques que quatre ou cinq jours
après qu'ils se soient produit parce qu'ils ne disposent pas de
téléscripteurs. Nous en avons bien augmenté le nombre puisqu'il
y en a maintenant 58, mais il en faudrait 220. Comment voulez-
vous qu'un diplomate chargé de défendre notre position, nos
intérêts, puisse le faire s'il n'est pas renseigné, alors que le
journaliste ou l'homme d'Etat auquel il parle l'est avant lui ?
Aussi attachons-nous une importance capitale au développement
de nos services d'information.
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit le professeur Portmann
au sujet des affaires culturelles, sur le plan interrompu. Nous
avons néanmoins proposé, dans le rapport écrit, un plan quin-
quennal pour l'information étant donné les bons résultats du
plan pour les affaires culturelles, qui, malheureusement, a été
interrompu — et nous espérons que cette interruption ne sera
pas trop longue — jusqu'à l'élaboration du Ve plan.
En ce qui concerne les affaires culturelles, notre attention
a été particulièrement attirée sur la question du fonds culturel
et sur celle des bourses, mais M. le professeur Portmann en
a parlé avec trop d'autorité et d'éloquence pour que j'y revienne.
gulièrement facilitée. aissez-moi néanmoins vous entretenir de
quelques-unes des observations et des suggestions faites par votre
commission à propos de ce budget Je les ai exposées en détail dans
le rapport écrit ; je me bornerai donc à insister tout particu-
lièrement sur un certain nombre de points.
D'abord, comme l'a souligné M. le professeur Portmann, ce
budget est en augmentation apparente de 11 p. 100 mais il est
pratiquement en diminution et en diminution considérable en
ce qui concerne le fonctionnement des services français, en
particulier des services à l'étranger, en une période où il est
particulièrement difficile d'expliquer notre politique aussi bien
à nos amis qu'à nos adversaires.
En effet,
ce
budget, s'il était assez satisfaisant au mois de juin,
quand il était à l'état de projet, a été amputé d'autorité de 10 mil-
lions de francs dans le cadre des mesures de stabilisation. Incon-
testablement, il faut faire des économies, nous le reconnaissons
bien volontiers et nous sommes prêts à joindre nos efforts à ceux
du Gouvernement pour rétablir la situation, mais nous sommes
un peu choqués de voir qu'il n'y a aucune espèce d'économie
et, bien au contraire, des augmentations sur les cotisations obli-
gatoires des différents organismes internationaux dont nous fai-
sons partie, qui constituent plus du quart du budget du minis-
tère des affaires étrangères. En effet, ces dépenses sont portées
de 231 à 261 millions de francs, soit, en tenant compte d'un
transfert de 7 millions de francs, une augmentation de 23 mil-
lions de francs par rapport à l'année dernière, ce qui est consi-
dérable. Nous ne pouvons pas intervenir directement sur ces
dépenses, mais ne pourrait-on pas, monsieur le secrétaire d'Etat,
agir auprès de ces organismes pour qu'ils participent également
un peu aux économies ? Ne pourrait-on pas proposer, par exemple,
un vote pondéré de façon que ce ne soit pas la multitude des petits
pays, dont la contribution est faible, qui forment la majorité
pour voter des augmentations dont nous, en particulier, suppor-
tons la conséquence.
En tout cas, les diminutions de crédits de ce budget portent
uniquement sur les services français dont un tiers sur les postes à
l'étranger. A l'époque actuelle, cela semble particulièrement
grave car, si les crédits de ces postes à l'étranger sont augmentés
dans le budget, du fait de l'augmentation des prix, de plus de
5 millions de francs, ils sont en même temps diminués de 3 mil-
lions 300.000 francs sur cinq chapitres dont deux sont communs.
Cette situation paraît un peu incohérente et, en tout cas, on ne
voit pas, puisqu'on avait jugé d'abord que, pour travailler, il leur
fallait une augmentation de 5 millions de francs, comment ils
vont pouvoir le faire avec une augmentation de 2 millions de
francs.
A ce sujet, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse à propos de
situation actuelle des postes à l'étranger et de votre ministère
en général. C'est une situation qui est commune à presque tous
les ministères de l'après-guerre : elle provient de l'augmenta-
tion considérable des représentations à l'étranger, du gonflement
des services centraux, phénomène auquel nous ne pouvons rien,
qui tient à l'évolution du monde et des méthodes et, en ce qui
nous concerne en particulier, la diversité d'origine des agents
des affaires étrangères : ancien concours, cadre latéral, contrô-
leurs d'Afrique du Nord, anciens fonctionnaires d'outre-mer,
école nationale d'administration. De ce fait, il se produit une
espèce de distorsion intérieure et vous vous devez, monsieur le
secrétaire d'Etat, de créer ou de renforcer l'homogénéité de votre
personnel. II est indispensable également d'adopter des règles
cohérentes pour nos postes à l'étranger. En effet, nous pouvons
constater, nous, surtout, les sénateurs des Français de l'étranger
qui voyageons beaucoup, des différences sensibles entre les
ambassades. Certaines sont assez bien pourvues alors que d'au-
tres le sont mal. Il y a donc des mesues à prendre pour apporter
plus d'homogénéité et l'on pense tout de suite à l'inspection
générale des postes à l'étranger. C'est la solution qui a été
adoptée par les Anglais et, je dois le reconnaître, avec une cer-
taine efficacité : ils ont « gonflé » leur inspection générale, ils
en ont fait quelque chose de très important qui travaille en
liaison étroite avec le chancelier de l'Echiquier et la Board of
Trade ; les inspecteurs vont passer deux ou trois semaines dans
des postes pour qu'ils doivent apprécier le rôle qu'il faut jouer
et le standing leur donner et, éventuellement, pour conseiller
les jeunes agents.
Chez nous, notre inspection générale des postes à l'étranger
est restée, à deux ou trois agents près, ce qu'elle était avant la
guerre, ce qui est tout à fait insuffisant, et je vous demande,
monsieur le ministre, de bien vouloir en faire étudier le renfor-
cement pour lui permettre de remplir le rôle que l'on pourrait
attendre d'elle.
Actuellement, les allocations financières accordées aux diffé-
rentes missions sont fixées par une commission présidée par
un magistrat de la Cour des comptes, qui fixe les indemnités et
les traitements dans les différents postes en fonction des indices