MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
21
S
chématiquement, les traitements de la sclérodermie systé-
mique se divisent en deux groupes :
– les traitements de “fond”, qui sont susceptibles de modifier
l’évolutivité de la maladie en agissant comme un immunomodu-
lateur ou directement comme un inhibiteur de la fibrose,
– les traitements “symptomatiques” des complications viscérales
et vasculaires.
LES TRAITEMENTS DE “FOND”
(tableau I)
Les immunomodulateurs et immunosuppresseurs
Ces traitements sont essentiellement des immunomodulateurs qui
ont pour objectif de réduire l’hyperactivité fibroblastique et endo-
théliale. Ils agissent en bloquant la réaction immunitaire qui entre-
tient – et peut-être déclenche – la maladie.
La corticothérapie par voie générale
La corticothérapie n’est justifiée dans la sclérodermie que dans
deux situations :
– les formes débutantes aiguës œdémateuses,
– certaines manifestations ostéoarticulaires ou musculaires, voire
cardiaques, pulmonaires ou inflammatoires.
Les manifestations ostéoarticulaires et musculaires chroniques
peuvent bénéficier de petites doses de prednisone (5 à 10 mg/j).
Quoi qu’il en soit, la corticothérapie doit être, si possible, de
courte durée et à des doses maximales de 0,5 mg/kg/j de predni-
sone. Des doses plus élevées sont considérées comme un facteur
de risque de crise rénale. Des études sont justifiées pour évaluer
l’intérêt de la corticothérapie dans des formes inflammatoires
débutantes, voire pour le traitement de certaines manifestations
viscérales.
Le méthotrexate (Méthotrexate®)
Deux études contrôlées en double aveugle versus placebo ont
démontré que le méthotrexate pourrait apporter un bénéfice par
rapport au placebo. Dans la première étude, ce médicament (15 à
25 mg/semaine) semblait apporter un bénéfice cutané et pulmo-
naire assez modéré. Pope et al. (1) ont évalué de façon randomi-
Sclérodermie systémique
Seconde partie :
prise en charge et perspectives thérapeutiques
Scleroderma, therapies, immunotherapy
* Service de rhumatologie, CHU de Strasbourg.
La sclérodermie est une maladie dont le pronostic
peut être redoutable. Elle justifie une prise en charge
multidisciplinaire combinant surtout des traitements
symptomatiques et, en cas d’atteinte viscérale, un
traitement immunomodulateur.
Les traitements symptomatiques sont indispen-
sables pour contrôler les manifestations vasculaires
(acrosyndrome, HTA), les douleurs articulaires et
musculaires ou les manifestations digestives. De
nombreuses molécules ont été évaluées et certaines
ont démontré leur efficacité.
En cas de complication viscérale, seuls quelques
rares traitements sont efficaces :
les IEC ont révolutionné le pronostic des atteintes
rénales, limitant le risque sévère de crise rénale ;
un inhibiteur de l’endothélium qui vient d’être
commercialisé a démontré sa capacité à contrôler
l’HTA pulmonaire ;
le cyclophosphamide (Endoxan®) a probablement un
intérêt dans les complications pulmonaires intersti-
tielles, et peut-être dans les complications myocar-
diques. La démonstration de cette efficacité et les
modalités thérapeutiques (dose classique ou forte
dose aux autogreffes) sont en cours d’évaluation.
Dans l’état actuel des choses, il n’y a pas de théra-
peutique (D-pénicillamine, interférons anti-TGFß ou
anti-CTGF…) ou de procédure (photophérèse) ayant
démontré une efficacité pour bloquer la progression
parfois dramatique de la fibrose cutanée. Dans les
formes les plus sévères, l’utilisation de cyclophospha-
mide à forte dose est encore en cours d’évaluation.
Mots-clés :
Sclérodermie – Traitement – Biothérapie.
Keywords: Scleroderma – Therapies – Immunotherapy.
Points forts
J. Sibilia*
La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
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sée contre placebo l’effet du méthotrexate (10 à 17,5 mg/semaine)
chez 71 patients atteints de sclérodermie systémique évoluant
depuis moins de 3 ans. Après 6 mois, seul un effet cutané favo-
rable minime a été observé. Ce médicament mérite d’autres éva-
luations qui permettraient de préciser son intérêt dans différentes
formes de sclérodermie. Dans l’état actuel des choses, il paraît
surtout utile dans le traitement des complications articulaires et
musculaires inflammatoires, mais son utilisation est discutée en
cas d’atteinte pulmonaire en raison du risque de pneumopathie
d’hypersensibilité.
Le cyclophosphamide (Endoxan®) à dose “classique”
Plusieurs études rétrospectives avaient suggéré l’efficacité du
cyclophosphamide, en particulier dans les atteintes pulmonaires.
Des auteurs avaient démontré, par l’analyse rétrospective de
107 sclérodermies systémiques, que le taux de survie à 16 mois
était de 89 % dans le groupe cyclophosphamide, versus 71 % en
l’absence de ce traitement. L’amélioration du taux de survie était
corrélée à l’amélioration de la capacité vitale et de la DLCO. En
fait, l’analyse de ces différentes études rétrospectives est délicate,
car elles sont difficiles à comparer, mais on observe globalement
une amélioration des anomalies pulmonaires mesurées. Récem-
ment, les résultats d’une étude ouverte prospective ayant inclus
14 patients avec une atteinte pulmonaire interstitielle sévère et
traités par cyclophosphamide (15 mg/kg) et méthylprednisolone
(10 mg/kg) tous les mois pendant 6 mois ont été publiés (2). Cette
étude a permis d’observer une stabilité transitoire des lésions pul-
monaires, qui s’aggravent après l’arrêt du traitement. En revanche,
le score cutané de Rodnan s’est amélioré d’au moins 35 % chez
la plupart des patients. D’autres modalités d’utilisation, notam-
ment de fortes doses, sont en cours d’évaluation dans des études
prospectives randomisées.
Le cyclophosphamide pourrait aussi avoir un bénéfice dans
d’autres complications plus rares (atteinte cardiaque, atteinte neu-
rologique), sans qu’il existe d’étude contrôlée pour le démontrer.
Le cyclophosphamide (Endoxan®) à fortes doses avec auto-
greffe de cellules souches périphériques
L’objectif est l’immuno-ablation, c’est-à-dire de détruire le plus
drastiquement possible les lymphocytes T autoréactifs, en espé-
rant que la reconstitution du répertoire se fera de façon plus “phy-
siologique”. En fait, ce traitement est probablement efficace par
son effet immunosuppresseur, permettant de réduire les lésions
inflammatoires tissulaires. L’utilisation de fortes doses (150 à
200 mg/kg) de cyclophosphamide, éventuellement associées à
du sérum antilymphocytaire et à une irradiation lymphoïde, est
possible grâce à des techniques de reconstitution hématologique
(autogreffe de cellules souches périphériques) et à l’utilisation
de facteurs de croissance (G-CSF). Cette intensification théra-
peutique a été évaluée dans une étude ouverte pilotée par le Euro-
pean Group for Blood and Marrow Transplantation (EBMT) et
la European League Against Rheumatism (EULAR). De janvier
1996 à août 2001, 66 sclérodermies systémiques évoluant en
moyenne depuis 2,4 ans (0,2-13) ont été conditionnées et 58 ont
bénéficié d’une intensification (cyclophosphamide), suivie d’une
autogreffe. Quarante et un de ces patients ont été analysés dans
le registre de l’EBMT. La durée moyenne de survie après la greffe
est de 12 mois (3-55). Une amélioration du score cutané de plus
de 25 % a été observée chez 20 des 29 patients évaluables. Chez
la majorité des patients, l’atteinte pulmonaire interstitielle et
l’hypertension pulmonaire sont stabilisées, mais ne s’améliorent
pas. Douze patients sont décédés, 6 de ces décès étant direc-
tement liés à la procédure thérapeutique. Au total, un an en
moyenne après le traitement, on peut considérer que, sur
l’ensemble des patients évaluables, 30 se sont améliorés, dont
11 se sont améliorés puis ont progressé et 4 se sont aggravés
en moyenne après 67 jours (49-253). Dans une autre étude,
19 patients atteints de sclérodermie sévère ont été enrôlés de jan-
vier 1997 à août 2000. Le traitement associait du cyclophos-
phamide (120 mg/kg) à du sérum antilymphocytaire et à une irra-
MISE AU POINT
Tableau I. Les traitements de “fond” de la sclérodermie systémique.
• Les corticoïdes
• Les immunosuppresseurs
– cyclophosphamide “dose classique”
cyclophosphamide “forte dose” avec autogreffe de cellules
souches
– chlorambucil
– 5 fluoro-uracile
– azathioprine
– immunoglobulines antilymphocytaires
• Les immunomodulateurs
– méthotrexate
– ciclosporine
– tacrolimus
– mycophénolate mofétil
– anti-TNFα
– immunoglobulines intraveineuses polyvalentes
• Les immunomodulateurs à action antifibrosante
– D-pénicillamine
– bucillamine
– interféron α,γ
• Les autres antifibrosants
– bosentan
– fibrinolytiques intraveineux
– relaxine humaine recombinante
– halofuginone
– kétotifène
– calcitriol
– colchicine
– extraits d’avocat et de soja
– vitamine E
• Les plasmaphérèses
• La photochimiothérapie extracorporelle
Certains traitements ont une efficacité sur les lésions cutanées, mais
aucun n’a pour l’instant formellement démontré son efficacité sur
les complications viscérales de la sclérodermie.
La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
23
diation lymphoïde totale. Après un suivi médian de 14,7 mois,
12 patients avaient un score cutané amélioré (en moyenne de
43 %). Trois patients sont décédés en raison de la procédure thé-
rapeutique. Ces données suggèrent que cette procédure pourrait
être utile dans des sclérodermies sévères évolutives, menaçant
le pronostic vital. L’idéal serait d’envisager ce type de traitement
dans les formes débutantes avec l’objectif de ralentir ou de blo-
quer la maladie dans sa phase d’agressivité initiale. En France,
après une première étude proposée par le groupe interdiscipli-
naire français ISAMAIR, un protocole européen (ASTIS) est en
cours dans les sclérodermies sévères récentes (3).
La ciclosporine (Neoral®)
Quelques observations ont suggéré l’intérêt de cette molécule.
Morton et al. ont démontré, dans une étude ouverte chez
10 patients, que la ciclosporine pouvait améliorer l’état cutané,
mais sans bénéfice viscéral (4). L’apparition d’une insuffisance
rénale aiguë et de syndromes hémolytiques a été rapportée, limi-
tant l’intérêt de cette molécule dans la sclérodermie.
Le tacrolimus, ou FK506 (Prograf ®), et les autres immu-
nomodulateurs (azathioprine, 5 fluoro-uracile, chlorambucil,
sulfasalazine) n’ont pas démontré de bénéfice significatif (4).
Les anti-TNFα(etanercept, infliximab)
Ces molécules ont potentiellement une efficacité à la phase aiguë
de la sclérodermie, mais, en dehors de quelques observations iso-
lées, il n’y a pas actuellement d’élément permettant d’évaluer leur
intérêt. L’impact thérapeutique sur l’inflammation et la fibrose
varie probablement en fonction de la phase de la maladie. Des
études complémentaires sont nécessaires pour évaluer le rôle du
TNFαdans les différentes phases de la sclérodermie.
Les immunoglobulines
Les immunoglobulines antilymphocytaires
Les immunoglobulines antilymphocytaires avaient fait preuve
d’une certaine efficacité dans les essais préliminaires, mais celle-
ci n’a pas été formellement démontrée. De plus, ce traitement est
responsable de complications sévères (infections, réactions d’hy-
persensibilité) rendant son utilisation au long cours extrêmement
difficile. Dans une étude récente, des immunoglobulines anti-
lymphocytaires ont été combinées avec du mycophénolate mofé-
til avec une certaine efficacité.
Les immunoglobulines intraveineuses (Ig IV)
Les Ig IV ont démontré un effet antifibrosant dans des modèles
expérimentaux de sclérodermie (souris Tight Skin [TSK]). L’ef-
fet se traduit par une inhibition du TGFß et de l’IL-4 et par une
réduction de l’expression de l’ARNm du collagène 1. Néanmoins,
les Ig IV, qui contiennent des anticorps anti-Fas, sont aussi
capables d’induire l’apoptose de fibroblastes cutanés. Dans une
étude ouverte,Amital et al. (5) ont démontré l’efficacité des Ig IV
chez 8 patients atteints d’affections fibrosantes diverses, dont
3 sclérodermies systémiques. L’efficacité a surtout été cutanée,
mais, chez l’un d’entre eux, une amélioration du transfert du CO
(DLCO) a été observée.
Les plasmaphérèses
Cette thérapeutique invasive pourrait avoir une efficacité,
comme le suggèrent des études ouvertes ayant inclus des sclé-
rodermies diffuses. Cette efficacité, en association avec du
cyclophosphamide et des corticoïdes, porte surtout sur
les lésions cutanées, mais potentiellement aussi sur les lésions
viscérales. En fait, cette procédure est très peu utilisée dans
la sclérodermie.
Les immunomodulateurs à action antifibrosante
La D-pénicillamine
La D-pénicillamine (Trolovol®) a été considérée comme le trai-
tement de référence des sclérodermies diffuses, malgré l’ab-
sence d’étude contrôlée versus placebo. Dans les années 1980-
1990, d’importantes séries non contrôlées ont suggéré une
amélioration de l’état cutané ainsi qu’une diminution des crises
rénales et de l’atteinte pulmonaire, mais avec, assez souvent,
d’importants effets indésirables attribués aux doses utilisées
(600 à 900 mg/j) (6). Récemment, Clements et al. ont démon-
tré, dans une étude randomisée en double aveugle de 143 sclé-
rodermies de moins de 18 mois d’évolution, que de fortes doses
de D-pénicillamine (750 à 1 000 mg/j) étaient équivalentes à de
faibles doses (125 mg 1 jour sur 2), mais moins bien tolérées
(7). Cette étude ne permet pas une évaluation pertinente de
l’efficacité, en l’absence de groupe placebo, mais elle est sou-
vent considérée comme une démonstration de l’inefficacité de
la D-pénicillamine. Néanmoins, l’ensemble des études n’exclut
pas l’intérêt de cette molécule dans certaines formes cutanées
ou viscérales lentement progressives.
Les interférons (α, ß ou γ)
L’interféron γ(Imukin®) : cette cytokine Th1 (IFNγ1-b), capable
de réduire l’expression du TGFß, a été utilisée avec succès dans
la fibrose pulmonaire idiopathique (8). Dans les années 1990,
6 études ouvertes ont suggéré l’efficacité de l’interféron γ,sur-
tout sur les lésions cutanées sclérodermiques, mais parfois aussi
sur le syndrome de Raynaud et l’atteinte œsophagienne. Dans
une première étude contrôlée versus placebo, des auteurs ont
démontré un bénéfice cutané modéré, sans amélioration des
lésions viscérales. Cette efficacité n’a pas été confirmée dans une
autre étude contrôlée évaluant l’IFNγen injection intralésion-
nelle dans des sclérodermies localisées.
L’interféron α(Roferon®, Introna®, Viraferon®) : cette cytokine a
été évaluée dans une étude randomisée à la dose de 4,5 MUI
3 fois par semaine versus placebo. Black et al. n’ont pas démon-
tré d’amélioration des lésions cutanées ou viscérales après
12 mois de traitement (9).
L’interféron ß : cette cytokine, qui n’a pas été réellement évaluée,
va être étudiée prochainement dans un essai contrôlé.
Les anticorps anti-TGFß et anti-CTGF
Le TGFß et le CTGF sont deux cytokines majeures impli-
quées dans l’activation des fibroblastes. Des études prélimi-
naires sont en cours afin d’évaluer l’intérêt des anticorps
monoclonaux capables de bloquer le TGFß et éventuellement
le CTGF (10).
MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
24
La bucillamine
C’est un dérivé de la D-pénicillamine qui semble aussi avoir une
efficacité prometteuse dans les atteintes pulmonaires intersti-
tielles. Des études complémentaires sont nécessaires.
Le collagène (type 1) par voie orale
Expérimentalement, le collagène 1 administré par voie orale est
capable d’induire une tolérance dans des modèles expérimentaux
de fibrose. Cette approche, bien tolérée, est en cours d’évalua-
tion dans un essai contrôlé chez l’homme.
Les antifibrosants
La relaxine humaine recombinante
Cette hormone, présente en grandes quantités chez la femme
enceinte, peut avoir un effet bénéfique au cours de la scléro-
dermie, car, in vitro, elle est capable de réduire la synthèse fibro-
blastique du collagène 1. Des résultats préliminaires semblent
démontrer un bénéfice dans les formes systémiques, en parti-
culier sur la qualité de vie, mais sans effet significatif sur les
lésions cliniques (11). Des études complémentaires sont en
cours.
L’halofuginone
Cet alcaloïde est un agent antifibrosant qui a démontré son
intérêt dans la sténose post-angioplastie et postopératoire
(abdominale et tendineuse), les cirrhoses hépatiques, la réac-
tion du greffon contre l’hôte et d’autres affections fibrosantes.
Chez l’animal, il est utilisé couramment en pratique vétéri-
naire pour le traitement de la cryptosporidiose du veau. Expé-
rimentalement, cette molécule a de multiples actions béné-
fiques, car elle peut inhiber la synthèse du collagène de type 1
et diminuer la prolifération musculaire lisse des vaisseaux ainsi
que l’hyperplasie intimale. L’halofuginone agit comme un
inhibiteur du TGFß en bloquant la phosphorylation de molé-
cules intracellulaires (Smad3) induites par l’activation des
récepteurs du TGFß (12).
Les traitements fibrinolytiques intraveineux
(urokinase)
Ils ont obtenu des résultats encourageants dans une étude contrô-
lée contre placebo, mais cela n’a pas été confirmé par des travaux
complémentaires.
Le bosentan (Tracleer®)
Cet inhibiteur non spécifique des récepteurs de l’endothéline (ET-
1) est efficace dans l’HTAp. Cette molécule a aussi potentielle-
ment des vertus antifibrosantes, pour l’instant non démontrées
dans la sclérodermie.
Les autres traitements antifibrosants
La colchicine, la vitamine E, le calcitriol (1-25 dihydroxyvita-
mine D3, Rocaltrol®), le facteur XIII, le kétotifène (Zaditen®), les
extraits d’avocat et de soja (Piasclédine®) n’ont pas démontré une
efficacité suffisante. La plupart d’entre eux ont été évalués dans
des études ouvertes ou des études contrôlées méthodologique-
ment critiquables (13).
La photochimiothérapie extracorporelle
Ce traitement s’effectue en irradiant les lymphocytes du patient
avec des ultraviolets (UVA) grâce à un circuit extracorporel qui
permet de les isoler. Le patient peut être préalablement sensibi-
lisé en ingérant du méthoxypsoralène (14). Les UVA sont
capables de réduire l’activité des cellules de Langerhans, des mas-
tocytes et des lymphocytes T cutanés. Cet effet immunomodula-
teur est associé à un effet antifibrosant, qui s’explique par l’acti-
vation de différentes métalloprotéinases (MMP1, MMP3, MMP9)
et par la répression de la synthèse du procollagène, en interagis-
sant avec le signal cellulaire induit par le TGFß. Cette technique,
utilisée dans les lymphomes T cutanés, pourrait être efficace sur
les lésions cutanées sclérodermiques, mais peut-être aussi sur cer-
taines atteintes viscérales, sans que cela soit formellement démon-
tré. En fait, des travaux récents démontrent que cette photothé-
rapie UVA est surtout efficace dans les sclérodermies localisées,
et plus rarement dans les formes systémiques.
LES TRAITEMENTS “SYMPTOMATIQUES”
(tableau II)
Ces traitements comprennent essentiellement des mesures pré-
ventives, mais aussi la prise en charge de toutes les complications
vasculaires et viscérales de la sclérodermie.
Les traitements locaux
Des exercices d’assouplissement des extrémités, des orthèses et
des mesures ergothérapiques peuvent être extrêmement utiles pour
améliorer le confort des patients. Une approche multidisciplinaire,
intégrant notamment l’information du malade et une aide psycho-
thérapique, est importante pour soutenir les patients. Globalement,
un confort de vie est nécessaire pour le bon contrôle de la maladie.
Des mesures générales, en particulier préventives, sont aussi très
utiles pour éviter l’aggravation de la sclérodermie :
– la recherche et l’éviction de facteurs potentiellement toxiques
(résines, trichloréthylène, solvants organiques, benzène) doivent
être envisagées, même si cette situation est relativement rare ;
– il est indispensable d’arrêter le tabac, qui a des effets vaso-
constricteurs et carcinogènes, ce qui est extrêmement délétère
chez les patients sclérodermiques ;
– des mesures d’hygiène et de protection des extrémités fragili-
sées contre le froid et les microtraumatismes sont indispensables.
Les vasodilatateurs
Les inhibiteurs calciques
Les inhibiteurs calciques sont habituellement utilisés pour le trai-
tement du syndrome de Raynaud sclérodermique (nifédipine
[Adalate®], diltiazem [Tildiem®], nicardipine [Loxen®] et amlo-
dipine [Amlor®]). Des études ouvertes et contrôlées ont confirmé
l’efficacité de ces médicaments (15). Seule la nifédipine a une
AMM dans le traitement symptomatique du syndrome de Ray-
naud à la dose de 30 mg/j. En fait, le diltiazem, qui a aussi prouvé
son efficacité, respecte mieux le péristaltisme œsophagien, ce qui
est très important dans la sclérodermie.
MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
25
Les antagonistes spécifiques du récepteur de l’angiotensine
Des études préliminaires avec le losartan (Cozaar®), un antago-
niste spécifique du récepteur de l’angiotensine, ont démontré un
effet supérieur à celui de la nifédipine dans le syndrome de Ray-
naud sclérodermique, mais son utilisation en pratique est assez
décevante (16).
La prostacycline et ses dérivés
La prostacycline et ses dérivés sont de puissants vasodilatateurs
qui ont aussi des propriétés antiagrégantes plaquettaires.
L’iloprost (Ilomédine®) par voie intraveineuse diminue la fré-
quence des crises et accélère la guérison des ulcérations distales
(17). Dans les ulcérations ischémiques digitales sévères, l’ilo-
prost a une AMM, avec un protocole comportant 5 perfusions
quotidiennes (chacune d’une durée de 6 heures) à la dose maxi-
male tolérée (0,5 à 2 ng/kg/mn), éventuellement renouvelé tous
les mois. Ce traitement est contre-indiqué en cas d’hémorragie
ou d’insuffisance cardiaque coronaire et de grossesse. Ce médi-
cament a également été utilisé avec succès en aérosol dans l’hy-
pertension artérielle de la sclérodermie (HTAp). Il aurait aussi un
effet sur la fibrose, car il est capable de réduire la production de
CTGF par les fibroblastes sclérodermiques. Il est intéressant de
signaler que l’iloprost a été utilisé en combinaison avec la ciclo-
sporine (2,5 mg/kg/j), ce qui semble améliorer la tolérance rénale,
même sur une durée prolongée (12 mois).
Un analogue synthétique de la prostacycline, l’époprosténol
(Flolan®), a été utilisé en intraveineuse continue sur 24 heures
dans l’HTAp de la sclérodermie, avec accessoirement un effet
bénéfique sur les lésions distales (18).
Des prostacyclines synthétiques, administrées par voie orale
(beraprost [Beradrak®] en ATU nominative et cisaprost [non dis-
ponible en France]), peuvent être utilisées avec un certain succès
sur les lésions nécrotiques distales, mais les résultats de deux
études contrôlées contre placebo sont contradictoires (19, 20). Le
beraprost pourrait aussi avoir un effet bénéfique sur l’HTAp de
la sclérodermie.
Récemment, un autre analogue de la prostacycline, le trépros-
tinil (non disponible en France), a été administré avec efficacité
en sous-cutané chez des patients souffrant d’HTAp, dont certains
atteints de sclérodermies (21).
La PGE1-α-cyclodextrine (non disponible en France) est aussi
capable d’améliorer des syndromes de Raynaud sévères. Elle agit
en favorisant la synthèse de NO (monoxyde d’azote) endothé-
liale, qui est un puissant vasodilatateur.
Les inhibiteurs non sélectifs des récepteurs de l’endothé-
line
Le bosentan (Tracleer®) est un inhibiteur non spécifique des récep-
teurs ET1A et B de l’endothéline (ET). Ce médicament, utilisé
per os, a démontré son efficacité dans l’HTAP primitive et sclé-
rodermique dans une étude randomisée contre placebo (22).
Récemment, ce médicament a démontré aussi qu’il était capable
d’éviter la survenue d’ulcérations digitales sclérodermiques (23).
Le bosentan pourrait également avoir un effet antifibrosant, car
il a été démontré que l’endothéline est un activateur des fibro-
blastes sclérodermiques.
MISE AU POINT
Tableau II. Les traitements “symptomatiques” et les mesures préven-
tives dans la sclérodermie systémique.
L’ensemble de ces mesures, qui doivent s’intégrer dans une prise en
charge globale, sont utiles dans la sclérodermie. Néanmoins, toutes
ces mesures n’ont pas démontré formellement leur efficacité.
• Les mesures préventives :
éviter les facteurs aggravants toxiques, médicamenteux et
le tabac
– protéger les extrémités
– améliorer le confort de vie et la prise en charge sociale et psycho-
thérapique
• Les vasodilatateurs :
les inhibiteurs calciques
les antagonistes du récepteur de l’angiotensine
la prostacycline et ses dérivés
les inhibiteurs des phosphodiestérases IV et V
les inhibiteurs des récepteurs de l’endothéline
les α-bloquants
les inhibiteurs de la sérotonine
les antioxydants
les autres vasculotropes
Les techniques vasodilatatrices physiques et chirurgicales
(sympathectomie)
• Les traitements de l’HTAp :
les inhibiteurs des récepteurs de l’endothéline
la prostacycline et ses dérivés (intraveineux, aérosols)
les inhibiteurs des phosphodiestérases V
• Les traitements de l’HTA et de la crise rénale : les inhibiteurs
de l’enzyme de conversion
• Les antiagrégants et anticoagulants
• Les traitements des manifestations digestives :
mesure préventive du reflux œsophagien
– prokinétiques
analogues de la somatostatine
antibiothérapie (en cas de pullulation bactérienne)
– renutrition
• Les traitements de la calcinose sous-cutanée :
– colchicine
– AINS
– inhibiteur calcique (diltiazem)
• Les traitements des manifestations articulaires et musculaires :
– AINS
– corticoïdes
– méthotrexate
• Les traitements des lésions cutanées sclérodermiques :
– rétinoïdes
– calcitriol
– PUVAthérapie
extraits d’avocat et de soja
– IFNγintralésionnel
• La transplantation d’organes (rein, poumons)
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