La Lettre du Rhumatologue - n° 300 - mars 2004
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diation lymphoïde totale. Après un suivi médian de 14,7 mois,
12 patients avaient un score cutané amélioré (en moyenne de
43 %). Trois patients sont décédés en raison de la procédure thé-
rapeutique. Ces données suggèrent que cette procédure pourrait
être utile dans des sclérodermies sévères évolutives, menaçant
le pronostic vital. L’idéal serait d’envisager ce type de traitement
dans les formes débutantes avec l’objectif de ralentir ou de blo-
quer la maladie dans sa phase d’agressivité initiale. En France,
après une première étude proposée par le groupe interdiscipli-
naire français ISAMAIR, un protocole européen (ASTIS) est en
cours dans les sclérodermies sévères récentes (3).
✓ La ciclosporine (Neoral®)
Quelques observations ont suggéré l’intérêt de cette molécule.
Morton et al. ont démontré, dans une étude ouverte chez
10 patients, que la ciclosporine pouvait améliorer l’état cutané,
mais sans bénéfice viscéral (4). L’apparition d’une insuffisance
rénale aiguë et de syndromes hémolytiques a été rapportée, limi-
tant l’intérêt de cette molécule dans la sclérodermie.
✓ Le tacrolimus, ou FK506 (Prograf ®), et les autres immu-
nomodulateurs (azathioprine, 5 fluoro-uracile, chlorambucil,
sulfasalazine) n’ont pas démontré de bénéfice significatif (4).
✓ Les anti-TNFα(etanercept, infliximab)
Ces molécules ont potentiellement une efficacité à la phase aiguë
de la sclérodermie, mais, en dehors de quelques observations iso-
lées, il n’y a pas actuellement d’élément permettant d’évaluer leur
intérêt. L’impact thérapeutique sur l’inflammation et la fibrose
varie probablement en fonction de la phase de la maladie. Des
études complémentaires sont nécessaires pour évaluer le rôle du
TNFαdans les différentes phases de la sclérodermie.
Les immunoglobulines
✓ Les immunoglobulines antilymphocytaires
Les immunoglobulines antilymphocytaires avaient fait preuve
d’une certaine efficacité dans les essais préliminaires, mais celle-
ci n’a pas été formellement démontrée. De plus, ce traitement est
responsable de complications sévères (infections, réactions d’hy-
persensibilité) rendant son utilisation au long cours extrêmement
difficile. Dans une étude récente, des immunoglobulines anti-
lymphocytaires ont été combinées avec du mycophénolate mofé-
til avec une certaine efficacité.
✓ Les immunoglobulines intraveineuses (Ig IV)
Les Ig IV ont démontré un effet antifibrosant dans des modèles
expérimentaux de sclérodermie (souris Tight Skin [TSK]). L’ef-
fet se traduit par une inhibition du TGFß et de l’IL-4 et par une
réduction de l’expression de l’ARNm du collagène 1. Néanmoins,
les Ig IV, qui contiennent des anticorps anti-Fas, sont aussi
capables d’induire l’apoptose de fibroblastes cutanés. Dans une
étude ouverte,Amital et al. (5) ont démontré l’efficacité des Ig IV
chez 8 patients atteints d’affections fibrosantes diverses, dont
3 sclérodermies systémiques. L’efficacité a surtout été cutanée,
mais, chez l’un d’entre eux, une amélioration du transfert du CO
(DLCO) a été observée.
Les plasmaphérèses
Cette thérapeutique invasive pourrait avoir une efficacité,
comme le suggèrent des études ouvertes ayant inclus des sclé-
rodermies diffuses. Cette efficacité, en association avec du
cyclophosphamide et des corticoïdes, porte surtout sur
les lésions cutanées, mais potentiellement aussi sur les lésions
viscérales. En fait, cette procédure est très peu utilisée dans
la sclérodermie.
Les immunomodulateurs à action antifibrosante
✓ La D-pénicillamine
La D-pénicillamine (Trolovol®) a été considérée comme le trai-
tement de référence des sclérodermies diffuses, malgré l’ab-
sence d’étude contrôlée versus placebo. Dans les années 1980-
1990, d’importantes séries non contrôlées ont suggéré une
amélioration de l’état cutané ainsi qu’une diminution des crises
rénales et de l’atteinte pulmonaire, mais avec, assez souvent,
d’importants effets indésirables attribués aux doses utilisées
(600 à 900 mg/j) (6). Récemment, Clements et al. ont démon-
tré, dans une étude randomisée en double aveugle de 143 sclé-
rodermies de moins de 18 mois d’évolution, que de fortes doses
de D-pénicillamine (750 à 1 000 mg/j) étaient équivalentes à de
faibles doses (125 mg 1 jour sur 2), mais moins bien tolérées
(7). Cette étude ne permet pas une évaluation pertinente de
l’efficacité, en l’absence de groupe placebo, mais elle est sou-
vent considérée comme une démonstration de l’inefficacité de
la D-pénicillamine. Néanmoins, l’ensemble des études n’exclut
pas l’intérêt de cette molécule dans certaines formes cutanées
ou viscérales lentement progressives.
✓ Les interférons (α, ß ou γ)
L’interféron γ(Imukin®) : cette cytokine Th1 (IFNγ1-b), capable
de réduire l’expression du TGFß, a été utilisée avec succès dans
la fibrose pulmonaire idiopathique (8). Dans les années 1990,
6 études ouvertes ont suggéré l’efficacité de l’interféron γ,sur-
tout sur les lésions cutanées sclérodermiques, mais parfois aussi
sur le syndrome de Raynaud et l’atteinte œsophagienne. Dans
une première étude contrôlée versus placebo, des auteurs ont
démontré un bénéfice cutané modéré, sans amélioration des
lésions viscérales. Cette efficacité n’a pas été confirmée dans une
autre étude contrôlée évaluant l’IFNγen injection intralésion-
nelle dans des sclérodermies localisées.
L’interféron α(Roferon®, Introna®, Viraferon®) : cette cytokine a
été évaluée dans une étude randomisée à la dose de 4,5 MUI
3 fois par semaine versus placebo. Black et al. n’ont pas démon-
tré d’amélioration des lésions cutanées ou viscérales après
12 mois de traitement (9).
L’interféron ß : cette cytokine, qui n’a pas été réellement évaluée,
va être étudiée prochainement dans un essai contrôlé.
✓ Les anticorps anti-TGFß et anti-CTGF
Le TGFß et le CTGF sont deux cytokines majeures impli-
quées dans l’activation des fibroblastes. Des études prélimi-
naires sont en cours afin d’évaluer l’intérêt des anticorps
monoclonaux capables de bloquer le TGFß et éventuellement
le CTGF (10).
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