La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 297 - décembre 2003
II
I
l y a quelques décennies, les traités de médecine
donnaient à l’évolution de la spondylarthrite anky-
losante l’aspect inquiétant d’un patient cyphotique
marchant courbé en deux, en s’aidant d’une canne. Cette
image est aujourd’hui dépassée du fait d’une prise en
charge précoce et active de ce rhumatisme inflammatoire
chronique. Et s’il est vrai que la restriction de mobilité du
rachis, du thorax et, dans une moindre mesure, des articu-
lations des membres est l’élément vers lequel tend parfois
l’évolution spontanée de ce rhumatisme, la majorité des
patients atteints de spondylarthrite ankylosante arrivent à
maintenir une activité physique et professionnelle séden-
taire normale. Ce n’est que dans de rares cas et souvent
négligés, que s’observent des ankyloses dans des positions
anormales (attitudes vicieuses) telles qu’une flexion de
hanche et une cyphose cervico-dorsolombaire incompa-
tibles avec une vie socioprofessionnelle normale. De ce
fait, le terme de “pelvispondylite”, qui recouvre la notion
d’une inflammation du bassin (en latin, pelvis) et des liga-
ments qui entourent les vertèbres (en grec, spondylos), est
plus approprié aujourd’hui que celui de “spondylarthrite
ankylosante”.
PRINCIPES GÉNÉRAUX DU TRAITEMENT
Les objectifs du traitement sont multiples : soulager les
douleurs, combattre l’inflammation, limiter la raideur des
articulations des membres et du rachis ou, tout du moins,
prévenir leur enraidissement en mauvaise position.
L’évolution spontanée de ce rhumatisme inflammatoire
chronique s’effectue par poussées, plus rarement de
manière continue. De ce fait, on fait appel à des médica-
ments d’action rapide, les anti-inflammatoires, pour
vaincre les douleurs et l’inflammation. On y associe, dans
les formes actives, des traitements de fond qui sont censés
influer sur l’évolution de la maladie.
Le traitement doit être adapté à la forme du rhumatisme
(localisation axiale, forme périphérique, atteintes extra-
articulaires), à sa sévérité et à son stade évolutif. En effet,
la spondylarthrite revêt un grand polymorphisme sympto-
matique allant de formes douloureuses mais peu invali-
dantes avec peu ou pas d’ankylose, à des formes touchant
la colonne vertébrale et le bassin (formes axiales) volon-
tiers ankylosantes, sans oublier des formes essentiellement
périphériques (arthrites des membres) ou associées à des
atteintes de certains organes (oculaires et cardiaques).
Efficacité remarquable des anti-inflammatoires
l Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (dépourvus
de cortisone) sont, avec la rééducation, une des pierres
angulaires du traitement. La sensibilité des spondylarthro-
pathies à ces médicaments est remarquable, supérieure à
celle observée dans d’autres rhumatismes inflammatoires.
Prescrits à l’occasion des poussées douloureuses, à bonnes
doses, ils atténuent les douleurs, réduisent la raideur mati-
nale et améliorent la mobilité articulaire. Par ces actions,
ils évitent que le sujet adopte spontanément une position
antalgique (dos rond par exemple) qui prédispose à une
ankylose en mauvaise position.
Parmi les différentes familles d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS), les pyrazolés sont réputés être les plus
efficaces. Le seul encore commercialisé à ce jour, la phé-
nylbutazone, est d’ailleurs réservé à cette indication, son
efficacité dans la spondylarthrite contrebalançant des
effets secondaires rares mais potentiellement sévères (tolé-
rance digestive médiocre, risque de baisse des globules
blancs). Il ne constitue toutefois qu’un recours dans les
rares cas où aucun autre AINS (dont l’indométacine) n’ap-
porte de soulagement notable.
La tolérance digestive des AINS donnés au long cours
peut poser problème, et nécessiter une protection gastrique
à leur prescription. La venue de nouveaux anti-inflamma-
toires, les coxibs, qui possèdent une faible toxicité pour
l’estomac et le duodénum, est une alternative intéressante
qui devrait se développer.
l Les corticoïdes administrés par voie orale occupent peu
de place dans le traitement des manifestations rachi-
diennes de la spondylarthrite. On peut y avoir recours dans
les formes périphériques (arthrites) ou pour traiter les
atteintes oculaires (uvéite) ou cardiaques.
TRAITEMENTS ADJUVANTS
l Les antalgiques sont d’un apport appréciable en cas de
mauvaise tolérance des anti-inflammatoires ; mais ils peuvent
aussi y être associés pour renforcer leur action antalgique.
l Les myorelaxants sont des médicaments qui, en relâ-
chant la tension musculaire, aident à lutter contre la rai-
deur rachidienne.
l Les traitements à visée anti-ostéoporotique (calcium-
vitamine D, bisphosphonates) sont justifiés dans certains
cas car la spondylarthrite s’accompagne souvent d’une
augmentation de la fragilité des vertèbres du fait, notam-
ment, de l’immobilisation à laquelle elle conduit.
Des plages de repos peuvent être proposées au moment
des poussées inflammatoires.
TRAITEMENTS DE FOND
Ils se distinguent des anti-inflammatoires par trois caracté-
ristiques essentielles :
DOSSIER PATIENTS