Gènéthique - n°134 – Février 2011
Au cours du débat, M. Le Fur a dénoncé
l’hypocrisie de la formule : "l’affirmation
d’un principe n’est que le masque dont on
s’affuble pour organiser la dérogation". "Le
vrai débat, c’est : soit l’embryon est un
être humain en devenir et, dans ce cas, la
recherche avec destruction n’est pas licite,
(…), soit il ne s’agit pas d’un être humain
et, à ce moment, la logique peut être celle
de l’autorisation". Il a fait remarquer que le
20 septembre 2010, l’Europe avait dans
une directive (directive 2010-63 UE),
interdit la recherche sur les embryons des
grands primates.
De leur côté, Xavier Breton et Dominique
Souchet ont rappelé qu’aucun résultat
scientifique pertinent n’avait été atteint
avec ces recherches et que, depuis 2004,
"des méthodes alternatives ont été
découvertes, tant pour les perspectives
d’application thérapeutique, avec les
cellules souches adultes et issues du
cordon ombilical, que pour la recherche
pharmaceutique, avec les cellules
pluripotentes induites".
Jean Léonetti et Xavier Bertrand ont
rappelé que ceux-là même qui réclament
un régime d’autorisation -Marc Peschanski
et Philippe Menasché – ont reconnu dans
le cadre de la mission d’information sur la
révision de la loi de bioéthique, que les
dispositions de la loi de 2004 n’ont
nullement gêné les chercheurs. Lors de
son audition, P. Menasché avait indiqué
qu’il souhaitait un régime d’autorisation
pour permettre un développement
commercial et industriel plus important.
Un vrai débat d’idées
Si la majorité a largement approuvé le
texte, plus de 70 députés (UMP, NC et
MPF) l’ont refusé. Parmi eux Marc Le Fur,
Hervé Mariton, Christian Vanneste,
Philippe Gosselin, Jean-Marc Nesme,
Xavier Breton. J.-M. Nesme a expliqué les
raisons de son vote : "J’ai voté contre
l’hypocrisie d’un texte qui interdit la
recherche sur l’embryon tout en admettant
des dérogations, contre l’ambiguïté d’un
texte qui tend à organiser un eugénisme
d’Etat en cas de diagnostic prénatal (…).
J’ai également voté contre le silence d’un
texte sur les conflits d’intérêts potentiels
entre la communauté scientifique et
l’industrie pharmaceutique". De leur côté,
Véronique Besse et Dominique Souchet
(MPF), estiment que "les quelques
amendements adoptés en séance ne
parviennent pas à masquer l’ampleur des
nouvelles transgressions contenues dans
le texte". Ils refusent l’approbation de la
vitrification d’ovocytes, qui va "permettre
d’accroître encore le nombre d’embryons
humains congelés dans notre pays" et
"encourager les dérives vers l’eugénisme".
Ils dénoncent enfin les dispositions de la
recherche sur l’embryon : "Seules les
considérations idéologiques et des intérêts
financiers qui n’ont rien à voir avec les
besoins de la science ont pu inspirer le
maintien et l’élargissement de cette
expérimentation."
Les députés socialistes ont voté
majoritairement contre le projet de loi (196
sur 204), dénonçant eux, l’interdiction de
la recherche sur l’embryon humain. Alain
Claeys, président de la commission
spéciale sur la bioéthique a demandé à
Jean Léonetti, rapporteur de la
commission, de "convaincre son groupe"
d’évoluer sur ce point pendant la navette
parlementaire.
Diagnostic prénatal : large mobilisation contre l’eugénisme
Alors que se sont ouverts, le 8 février
dernier, les débats parlementaires sur le
projet de loi relatif à la bioéthique, de
nombreuses voix se sont élevées pour
dénoncer les dérives eugéniques du
diagnostic prénatal (DPN). Le projet de loi
soumis en première lecture aux députés
renforçait en effet sensiblement le
caractère obligatoire du DPN en stipulant,
dans son article 9, que les examens "sont
proposés à toute femme enceinte".
Malaise des professionnels
Rassemblant des professionnels de la
grossesse (gynécologues, obstétriciens,
généticiens, biologistes, sages-femmes,
infirmiers, etc.), le Comité pour sauver la
médecine prénatale (CSMP) n’a eu de
cesse d’alerter "les pouvoirs publics et les
citoyens français sur l’évolution du
diagnostic prénatal".
Acteurs de la mise en œuvre du DPN, les
800 professionnels signataires de l’appel
du CSMP ont évoqué "le malaise
croissant" ressenti dans l’exercice de leur
métier. "Nous sommes entrés dans une
’traque’ généralisée du handicap", ont-ils
dénoncé, constatant le détournement de
l’objectif thérapeutique initial du diagnostic
prénatal. Ainsi, "nombre de couples se
sentent pris dans un engrenage qui aboutit
à l’IMG, sans véritable réflexion, ni
alternative". Rappelant que "les femmes
enceintes, les couples, l’assurance
maladie, les pouvoirs publics et les
professionnels de la médecine prénatale
sont enfermés dans un processus collectif
qui les dépasse", ils ont appelé de leurs
vœux une autre politique de santé
publique, laquelle desserrerait la contrainte
du dépistage généralisé. Le CSMP a reçu
le soutien de Jean-François Mattéi, ancien
Ministre de la Santé, du Pr Levy, président
de la Commission d’éthique du Collège
national des gynécologues obstétriciens
français et de Didier Sicard, ancien
président du Comité consultatif national
d’éthique (CCNE). Dans Le Monde du 9
février, d’autres personnalités dont
Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace
éthique de l’AP-HP et Israël Nisand, chef
du service de gynécologie obstétrique au
CHU de Strasbourg, ont réclamé une
meilleure information de la femme dans le
cadre du DPN. Pour eux, la proposition
systématique du DPN tel que le projet de
loi le prévoyait comportait "le risque de
donner lieu à une information dont le seul
but est la recherche du consentement de
la femme" alors qu’il a été démontré que
"la plupart des femmes enceintes sont loin
de connaître les enjeux du test de
dépistage".
Les associations se mobilisent
Parallèlement à ces réactions, plusieurs
associations se sont regroupées pour
dénoncer d’une même voix les dérives
eugéniques dont sont victimes les
personnes trisomiques. Dans une pleine
page du Figaro et des Echos du 8 février
la Fondation Jérôme Lejeune, le Collectif
contre l’handiphobie, Regards 21, Down
Up, le Collectif des Amis d’Eléonore et
l’Association française pour la recherche
sur la trisomie 21 ont demandé aux
parlementaires de faire appliquer l’article
16-4 du Code civil selon lequel "toute
pratique eugénique tendant à
l’organisation de la sélection des
personnes est interdite" et ils ont appelé,
d’une part, les élus à refuser de voter
l’article 9 du projet de loi de bioéthique et,
d’autre part, l’Etat à soutenir la recherche
thérapeutique sur la trisomie 21.
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