8 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009
Prédispositions génétiques au cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
lièrement suivie, avec une mammographie (plus ou
moins une échographie) annuelle. Si sa maladie est
récente et que la tumeur était porteuse de récepteurs
hormonaux, elle peut être encore sous hormono-
thérapie.
Le but de cette consultation n’est pas de se substituer
aux interlocuteurs oncologues habituels, mais, au
contraire, de clarifier un certain nombre d’éléments.
Deux points seront importants : la prévention au
niveau ovarien du cancer de l’ovaire et les modalités
de surveillance mammaire ultérieures.
Prévention au niveau ovarien
La présence d’une mutation BRCA1, et de façon
moindre BRCA2, expose au risque de survenue du
cancer de l’ovaire, justifiant la recommandation d’une
annexectomie prophylactique. Celle-ci est habituelle-
ment recommandée aux alentours de 40 ans, permet-
tant dans ce cas d’espérer une réduction du risque
mammaire ultérieur (voir dossier Lettre du Sénologue,
décembre 2008). Proposer une annexectomie à une
patiente qui a déjà été malade doit être fait avec tact
et connaissance antérieure du dossier. L’impact de
ce geste sera évidemment différent en fonction de
l’âge de la patiente et surtout de son statut hormonal
actuel : ménopausée ou non ménopausée.
La patiente est ménopausée, ses ovaires sont donc au
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repos et les conséquences de l’annexectomie devraient
être inexistantes sur le plan des effets indésirables, ce
qui ne veut pas dire que cela soit facile à accepter pour
certaines femmes. La perspective d’une nouvelle inter-
vention n’est jamais très agréable à considérer et il ne
faut pas banaliser le geste même s’il s’agit d’une “simple”
cœlioscopie. La proposition de cette annexectomie
sera modulée en fonction de l’âge et des antécédents
familiaux : une patiente de 70 ans chez laquelle il n’y a
jamais eu de cancer de l’ovaire et qui est porteuse d’une
mutation BRCA2 sera moins candidate qu’une patiente
de 45 ans dont la tante a été traitée pour un cancer de
l’ovaire et qui a une mutation BRCA1.
Si la patiente n’est pas ménopausée, elle peut être
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sous traitement par tamoxifène, mais elle peut aussi
n’avoir aucun traitement, si sa tumeur n’exprimait
pas de récepteurs hormonaux ou bien parce que le
traitement antihormonal est terminé, et la perspec-
tive d’une annexectomie, bouleversant un équilibre
hormonal actuel, peut être très difficilement vécue.
Celle-ci peut l’être d’autant plus qu’avoir conserver ses
cycles peut laisser espérer une grossesse ultérieure, à
laquelle la patiente n’a pas forcément renoncé, même
si elle s’est peu exprimée à ce sujet.
C’est la raison pour laquelle il est primordial, avant
de proposer ces modalités prophylactiques, de
connaître l’histoire de la maladie, les traitements
appliqués et, si possible, les attentes de la patiente
face à l’avenir.
Chez une femme non ménopausée, il faut savoir
que l’annexectomie va entraîner une ménopause
brutale avec des signes secondaires climatériques
possibles et souvent désagréables.
Cette annexectomie, si elle protège de la survenue d’un
cancer ovarien et si elle permet d’espérer une diminution
du risque ultérieur de cancer du sein, en modifiant le statut
hormonal de la patiente, peut induire une modification
de son traitement d’hormonothérapie, avec notamment
un passage aux antiaromatases. Cette option thérapeu-
tique doit être discutée par les oncologues et non pas
décidée de façon automatique sans prendre en compte
le profil de la patiente. En effet, les antiaromatases ne
peuvent être prescrites avant la ménopause, et le faire dès
l’avènement d’une ménopause précoce peut induire des
effets indésirables loin d’être anodins, qui s’ajouteront à
l’ovariectomie à moyen terme, voire à long terme, et qui
doivent être pris en considération.
Dans de rares cas et bien que le bilan préopératoire
ait été négatif, il arrive qu’on trouve des anomalies,
telles qu’un cancer de la trompe asymptomatique ou
une métastase ovarienne occulte du cancer du sein.
Prévention au niveau mammaire
Il est maintenant admis que les patientes mutées
doivent être surveillées, en sus de la mammographie
et de l’échographie, par une IRM annuelle couplée
avec les examens précédents. Celle-ci va donc se
surajouter au bilan habituel. Elle sera effectuée quel-
ques jours au préalable afin de préciser d’emblée
en échographie des aspects qui pourraient paraître
suspects. Cela permet la réalisation de microbiopsies
sous échographie si nécessaire.
Il n’est pas rare que les patientes demandent si le traite-
ment conservateur effectué est suffisant et si, compte
tenu de l’existence de cette mutation, il n’est pas souhai-
table de le compléter par une mastectomie totale.
Certaines évoquent d’emblée, avant qu’il en soit fait
mention, l’hypothèse d’une mastectomie bilatérale.
En ce qui concerne la radicalisation d’un traitement
conservateur en mastectomie totale, il n’y a pas d’in-
dication, en l’absence d’anomalie, à la pratiquer (voir
dossier Lettre du Sénologue, décembre 2008). En effet,
aucune augmentation d’incidence du taux de récidive
n’est observée dans les séries de femmes mutées.
La mastectomie prophylactique, si elle doit être évoquée,
n’est pas standard dans la pratique française, alors
qu’elle est beaucoup plus pratiquée dans les pays
anglo-saxons. Des recommandations strictes en
matière de chirurgie prophylactique sont en cours