100 | La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 2 - février 2011
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre
(hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand
(hôpital Saint-Antoine, Paris)
// Nature
Pattern
et dynamique
de l’instabilité génomique
du cancer pancréatique
métastatique
> Campbell PJ, Yachida S, Mudie LJ et al. The patterns and
dynamics of genomic instability in metastatic pancreatic cancer.
Nature 2010;467(7319):1109-13.
L
e cancer du pancréas est une pathologie extrê-
mement agressive dont le taux de survie à cinq
ans ne dépasse guère les 2 %. Divers travaux
ont montré que les tumeurs pancréatiques
ainsi que leurs métastases se caractérisent par
des réarrangements génomiques complexes.
Néanmoins, la nature exacte de ces réarran-
gements reste peu explorée.
Dans cet article, P.J. Campbell et al. utilisent les
dernières technologies en matière de séquençage
à haut débit pour annoter les réarrangements
chromosomiques chez 13 patients atteints de
cancer du pancréas et déterminer le lien phylo-
génétique existant entre tumeurs primaires et
métastases. Pour cela, ils ont partiellement
séquencé par la technique de
“parallel paired-
end sequencing”
le génome de lignées cellu-
laires établies à partir de tumeurs primaires
ou métastatiques de ces différents patients.
Leur approche a consisté à séquencer
37 paires de bases présentes de part et
d’autres de fragments d’ADN génomique
de 500 paires de bases. Cela a conduit, pour
chaque échantillon, à environ 100 millions de
lectures. Cette approche est certes insuf-
fisante pour déterminer les mutations
ponctuelles mais elle permet d’identifier
les éventuels réarrangements chromoso-
miques survenus. En effet, en alignant à
l’aide de l’algorithme MAQ les données de
séquençage obtenues pour chaque fragment
de 500 paires de bases avec la séquence
humaine de référence (NCBI build 36), les
auteurs ont pu identifi er des
clusters
d’ano-
malie de lecture suggérant l’existence de
réarrangements chromosomiques. Chaque
anomalie a ensuite été amplifi ée par réaction
en chaîne par polymérase (
Polymerase Chain
Reaction
[PCR]) sur de l’ADN issu de cellules
tumorales ou normales. Les produits de PCR
ont alors été séquencés, ce qui a permis
de différencier entre artéfacts, réarrange-
ments somatiques ou réarrangements déjà
présents dans la lignée germinale. Par cette
approche, P.J Campbell et al. ont identifi é
un total de 381 réarrangements somatiques.
Entre chaque patient, l’hétérogénéité est très
importante, le nombre de réarrangements pour
un patient donné pouvant varier de 3 à 65. De
même, le type de réarrangement varie. Par
exemple, le patient PD3640 présente des
réarrangements qui touchent l’ensemble
du génome tandis que 80 % des points de
cassure présents chez le patient PD3641 impli-
quent le chromosome 8. À l’inverse, 17 % de
l’ensemble des réarrangements répertoriés sont
d’un type particulier, que les auteurs ont nommés
fold-back inversions
. Ces réarrangements se
caractérisent par des portions de génomes
dupliquées dont les 2 copies sont orientées
en sens opposé. Les auteurs suggèrent que ce
type de réarrangement provient de cycles de
cassure-fusion-pontage
(break-fusion-bridge)
des chromo-
somes. Ce
phénomène
est souvent
associé avec
un point de
contrôle G1/S
défectueux et
une instabilité
des télomères.
Pour mieux comprendre les liens unissant
tumeurs primaires et métastases, les
chercheurs ont génotypé 206 réarrange-
ments dans les différentes lésions cancé-
reuses présentes chez 10 patients. Trois types
de réarrangements ont ainsi été identifi és :
présents dans toutes les lésions, présents
seulement dans certaines d’entre elles et,
enfin, uniques à certaines métastases. La
plupart des réarrangements de type
fold-back
inversion
se retrouvent dans la première catégorie.
Cela suggère que ce phénomène est précoce dans le
développement de la pathologie et survient avant
la dissémination des cellules tumorales. Dans la
deuxième catégorie, on retrouve des réarran-
gements présents dans la tumeur primaire
mais pas dans l’ensemble des métastases
du patient. Ce phénomène provient certai-
nement du fait que différents clones indépen-
dants de la tumeur primaire sont responsables
de l’établissement des métastases. Enfi n, la
troisième catégorie, dans laquelle certains
Évolution et phylogénie
des tumeurs pancréatiques
et de leurs métastases
réarrangements ne se retrouvent que dans
certaines lésions métastatiques, suggère
que l’évolution clonale se poursuit au sein des
métastases et que les cellules métastatiques
peuvent elles-mêmes disséminer pour former
de nouvelles lésions. L’établissement d’arbres
phylogénétiques, se fondant sur l’annotation des
différents types de réarrangements, présents ou
non, dans les lésions d’un même patient, montre
une signature génomique spécifi que de l’organe
colonisé. Ainsi, P.J. Campbell et al. montrent-ils
que les métastases pulmonaires ou abdomi-
nales forment des groupes phylogénétiques
indépendants, chaque groupe étant lui-même
phylogénétiquement distinct l’un de l’autre
de la tumeur primaire. Deux hypothèses non
exclusives peuvent expliquer ce phénomène :
des mutations spécifiques facilitent la
colonisation de tel ou tel organe ou le
processus métastatique est un phénomène
séquentiel dans
lequel la dissé-
mination intra-
organe est plus
efficace qu’une
dissémination
interorgane.
Ce travail montre
que malgré une
extrême hétérogénéité et adaptabilité des cellules
tumorales, dues en partie aux diverses pressions
de sélection auxquelles elles sont soumises,
plus de 50 % des réarrangements observés sont
présents à la fois dans la tumeur primaire et dans
les métastases. Ces résultats, en complet accord
avec un second article publié dans le même
numéro de
Nature (1)
et dont les auteurs
ont quant à eux mesuré le temps nécessaire
à l’établissement de tumeurs secondaires,
suggèrent que les métastases apparaissent
tardivement dans l’histoire évolutive du cancer du
pancréas et qu’un dépistage précoce devrait,
en conséquence, sensiblement accroître le
taux de survie à 5 ans.
Alexandre Escargueil
Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris
Référence bibliographique
1. Yachida S, Jones S, Bozic I et al. Distant metastasis
occurs late during the genetic evolution of pancreatic
cancer. Nature 2010;467(7319):1114-7.
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