birmans, il a montré que le rituel n'est pas une catégorie distincte de comportement,
mais un aspect possible de toute activité humaine. Certaines activités servent à « faire
des choses », à altérer l'état physique du monde ; ou, comme le dit J. Goody, la relation
entre les moyens et les fins est « intrinsèque » et rationnelle (ainsi, se couvrir s'il fait
froid). D'autres activités servent à « dire des choses » (ainsi, le type de vêtements choisi
pour se couvrir) ; elles communiquent de l'information, qui peut être comprise par autrui.
Le premier aspect est l'aspect technique (« instrumental »), le second l'aspect
esthétique ou communicatif, lequel est dominant dans le rituel, même si le premier n'en
est pas entièrement absent, comme on le voit à travers les rituels qui, dans toutes les
sociétés, encadrent les activités de subsistance (s'alimenter, produire, etc.). De
nombreux autres auteurs ont insisté sur le côté expressif du rituel, tels R. Firth - pour qui
celui-ci est une « activité modélisée (patterned), orientée vers le contrôle des affaires
humaines, avant tout de caractère symbolique » - et J. Beattie.
Leach affirme que comprendre la signification d'un rituel revient à comprendre celle des
« règles grammaticales d'un langage inconnu » ; il assimile nettement le rituel à un code
de communication de type linguistique, impliquant de même une connaissance et une
acceptation partagées par les acteurs des règles de ce code. Même s'il ne nie pas que
le rituel « fasse » aussi des choses dans l'esprit des participants (il mentionne à ce sujet
les rituels thérapeutiques et les « rituels de rébellion » cathartiques), même s'il admet
que la persistance du rituel tient à des conceptions relatives à des puissances
inobservables ou séculières, l'analyse de Leach se réduit à une découverte des règles
du code. En cela, il n'est pas éloigné de la perspective de Claude Lévi-Strauss, lequel
d'ailleurs ne s'est pas vraiment intéressé au rituel : dans le finale de L'Homme nu, il
compare les mythes à la musique, puis aux rites, dans lesquels il en vient à voir une
« tentative de refaire du continu à partir du discontinu », un « abâtardissement de la
pensée » humaine telle qu'elle se manifeste dans la structure des mythes. Il analyse
cette pensée, on le sait, en y dégageant des oppositions distinctives structurales, des
paires contrastives, comme celles que l'on peut repérer entre les phonèmes de la
langue. Leach, lui aussi, considère que les séquences rituelles doivent être analysées
en termes de contrastes binaires, qui font émerger la signification. Ainsi, il montre que,
dans les représentations symboliques du temps et dans les rituels calendaires,
apparaissent trois types fondamentaux de comportements : le « formalisme »
(ascétisme, respect), la « mascarade » et l'« inversion des rôles » (rites extatiques)
temporaire. Ces comportements ne peuvent être compris que si l'on y voit des « paires
d'oppositions contrastées », partout présentes puisque nécessaires d'un point de vue
logique. Comme pour la langue, c'est le contraste entre ces phases opposées deux à
deux qui permet le fonctionnement du code communiqué par les séquences. Les
« performances rituelles », les éléments de ce système de communication non verbale
n'ont donc pas de signification isolément, pas plus que les éléments d'une langue ; ils
valent seulement en tant que parties de systèmes ; un symbole n'a de signification que
mis en contraste avec d'autres symboles. Ainsi fonctionnent les rites de passage :
proclamant et induisant sous une forme mystique une discontinuité temporelle et un
changement de statut, ils se présentent comme comprenant trois phases
caractéristiques, car ils sont fondés sur une logique des contrastes (entre position
antérieure et position ultérieure ; entre présence et absence de vêtements ; entre saleté
et ablutions ; entre cheveux et tête rasée ; etc.).