incarnée dans un seul corps suprême de gouvernement, qui pouvait être soit un
seul (le roi), soit le petit nombre (l’aristocratie), soit l’assemblée du plus grand
nombre (le peuple). Mais Bodin comme Hobbes penchait nettement en faveur de
la souveraineté royale qu’il tenait pour la forme la plus achevée, parce qu’elle
signifiait qu’une seule personne pouvait exprimer à la fois l’unité de l’entité
politique et résoudre tous les désaccords en son sein.
Deux aspects de la théorie de la souveraineté de Bodin la distinguent des
conceptions antérieures et en font la modernité. Premièrement, au lieu de dresser
une liste des prérogatives du souverain et de lui opposer les prérogatives des
autres puissances autonomes, Bodin analyse le concept de souveraineté en lui-
même et recherche ses fonctions essentielles et ses caractéristiques.
Deuxièmement, Bodin modifie la signification juridique de la souveraineté en la
distinguant de l’idée médiévale d’une loi découverte et interprétée, d’une
souveraineté juridique qui serait affaire de juridiction et de résolution de litiges.
Au contraire, influencé en cela par la renaissance des conceptions romanistes de
la loi, il affirme que la loi est faite par des êtres humains, et fait de la souveraineté
juridique la législation d’une instance politique. En conséquence, exercer la
souveraineté ne consiste plus tant à rendre la justice qu’à faire la loi et la volonté
souveraine devient l’unique source de la loi dans le corps politique. Cela signifie
que l’ordre juridique tout entier, y compris les puissances subordonnées
détenues par d’autres personnes ou groupes « publics », dérive de la volonté du
souverain.
Les traits essentiels de la doctrine moderne de la souveraineté tirent leur
origine de ce monopole de la fonction législative : la souveraineté est absolue,
indivisible, compétente dans tous les domaines. Il est vrai que Bodin rappelle
que, même si le souverain est la seule source de la loi humaine, il reste lié par la
loi naturelle aussi bien que divine. Il pense aussi qu’il est sage que le souverain
respecte les droits de propriété et les droits coutumiers. Après tout, la société sur
laquelle s’exerce ce pouvoir souverain n’est pas, comme chez Hobbes, une
société civile d’individus mais cette société d’ordres désormais constituée en un
corps politique. Néanmoins, il n’y a pas de cours d’appel humaine supérieure à