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de
presse
Coordination : Anne Vincent-Salomon (Paris)
Quels sont les événements essentiels
de la carcinogenèse colorectale ?
Quels sont
les événements essentiels
de la carcinogenèse
colorectale ?
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Deux publications parues dans la revue Nature cet
été nous apportent des informations sur le profil des
altérations génétiques des cancers colorectaux et les
voies de signalisation dérégulées dans ces tumeurs.
On considère que ces cancers constituent un modèle
en termes d’oncogenèse, avec 2 voies identifiées par
le type d’instabilité génétique associée : instabilité des
séquences microsatellites ou instabilité chromosomique.
Le consortium américain réuni dans le but de créer un
atlas du génome des cancers a réalisé le séquençage
de l’ADN exonique de 224 cancers colorectaux et des
tissus non tumoraux appariés. Cette analyse a été complétée par l’étude du nombre de copies des gènes, de la
méthylation des promoteurs, de l’expression des ARN
messagers et des microARN ainsi que par le séquençage
du génome entier de 97 tumeurs afin d’obtenir une
vision globale des altérations génétiques et épigénétiques dans ces cancers (1). Le groupe de F. de Sauvage
(Genentech) a, quant à lui, réalisé le séquençage de
l’ADN exonique de 72 cancers coliques et des tissus
non tumoraux appariés, et associé cette analyse au
séquençage des transcrits et à l’étude du nombre de
copies des gènes (2). Les principaux résultats obtenus
par ces analyses à très haut débit sont les suivants :
✓✓ Le taux de mutations somatiques non silencieuses
permet de distinguer 3 grands groupes de tumeurs : les
tumeurs ayant un phénotype microsatellite stable avec
peu de mutations (médiane du nombre de mutations :
58 [1]), les tumeurs ayant un phénotype d’instabilité
microsatellitaire, souvent associé à la méthylation du
promoteur MLH1, “hypermutées” (médiane : 728 [1]) et
un troisième groupe, très minoritaire, ayant un taux de
mutations exceptionnellement élevé, mais sans instabilité microsatellitaire. Ce dernier groupe de cancers
présente des mutations du gène de l’ADN polymérase ε
(POLE) associées à des mutations des gènes du système
MisMatch Repair (1) et se caractérise par un taux élevé
de transversions A > C ou G > T peu présentes dans les
autres groupes de tumeurs (2). Les gènes ciblés, qui diffèrent dans les groupes peu mutés et hypermutés, sont
déjà largement connus pour les plus fréquents d’entre
eux. Néanmoins, ces 2 études révèlent des mutations de
gènes qui ne sont pas connus pour être impliqués dans
ces pathologies, comme SOX9, régulateur essentiel de la
différenciation des cellules souches intestinales (1), ou
des mutations des gènes TET1, TET2 et TET3, qui codent
pour des enzymes modifiant les cytosines méthylées (2).
✓✓ Le profil global de variations du nombre de copies
des gènes, de méthylation des promoteurs et d’expression des ARNm ou des microARN ne montre pas de
différences majeures entre les cancers coliques et les
cancers du rectum, quand l’analyse est restreinte aux
tumeurs peu mutées ; les tumeurs hypermutées sont
le plus souvent localisées au niveau du côlon droit,
comme on pouvait s’y attendre (1).
✓✓ L’activation de la signalisation Wnt est presque “obligatoire” dans les tumeurs colorectales, puisqu’elle est
observée dans presque toutes les tumeurs (97 % des cas
peu mutés, 92 % des cas hypermutés) [1]. Des fusions
géniques récurrentes impliquant les gènes de la famille
R-spondine (RSPO2 ou RSPO3) sont observées dans 10 %
des tumeurs (2). Ces altérations génétiques surviennent
de façon mutuellement exclusive des mutations du
gène APC, et activent cette voie de signalisation. La
voie de signalisation du TGFβ (Transforming Growth
Factor β) est inactivée dans la plupart (87 %) des tumeurs
hypermutées, alors que l’inactivation de p53 est plus fréquente dans le groupe des tumeurs peu mutées (65 %).
On notera la mise en évidence d’une amplification
focale en 11p15.5 incluant le gène IGF2 et le microARN
miR-483, qu’il héberge dans 7 % des tumeurs (1). La
surexpression du gène IGF2 peut être observée en
l’absence d’amplification génique (15 % des tumeurs)
et s’inscrit dans un processus d’activation de la voie de
signalisation PI3K. Celle-ci est observée dans 50 % des
tumeurs, et semble résulter d’anomalies mutuellement
exclusives : surexpression du ligand IGF2, surexpression
d’un intermédiaire de signalisation IRS2, mutation ponctuelle des gènes PIK3CA ou PIK3R1, mutation ou délétion
de PTEN. De même, l’activation de la voie RTK (récepteur
à activité tyrosine kinase)/RAS/MAP kinase implique des
altérations génétiques mutuellement exclusives des
gènes KRAS, NRAS et BRAF dans 55 % des tumeurs peu
mutées ainsi que des mutations ou des amplifications
des gènes de la famille EGFR (Epidermal Growth Factor
Receptor), notamment ERBB2 (1) et ERBB3 (2). L’activation
concurrente des voies PI3K et RAS est observée dans
un tiers des tumeurs.
Commentaire. Ces études à très haut débit apportent une
masse d’informations qu’il est parfois difficile d’ordonner. Elles
ont l’intérêt de mettre en évidence les grandes voies dérégulées
et/ou les protéines spécifiques qui devront être ciblées pour
que le traitement de ces cancers gagne encore du terrain.
K. Leroy (Créteil)
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1. Cancer Genome Atlas Network. Comprehensive molecular characterization of human colon and rectal cancer. Nature 2012;487(7407):330-7.
2. Seshagiri S, Stawiski EW, Durinck S et al. Recurrent R-spondin fusions in
colon cancer. Nature 2012;488(7413):660-4.
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012
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