Revue Médicale Suisse
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17 septembre 2008 2009
Décryptage moléculaire du cancer :
nouvelles lumières
Usant de la même technologie, les
chercheurs ont également procédé au
séquençage du matériel génétique pré-
sent dans des cellules issues de vingt-
quatre cancers du pancréas. Ils expliquent
avoir pu identifier, dans 70% des tumeurs,
des altérations génétiques au sein d’un
faisceau de douze voies de signalisation
ou de régulation du métabolisme cellu-
laire. Selon eux, ces dysfonctionnements
pourraient êtredirectement à l’origine du
développement du processus cancéreux.
Ils en concluent que
les progrès thérapeu-
tiques pourraient rési-
der dans la découverte
d’agents capables de
corriger ces dysfonc-
tionnements. «Ces ré-
sultats laissent aussi
espérer une améliora-
tion des techniques
diagnostiques, une priorité absolue, puis-
que la survie moyenne des cancers du
pancréas n’est que de 5% à cinq ans du
fait, pour l’essentiel de diagnostics trop
tardifs», a déclaré au Monde Dominique
Maraninchi, président de l’Institut national
français du cancer (Inca).
Les chercheurs ont aussi mis à jour que
les tumeurs de chaque patient avaient
une distribution de variations génétiques
qui lui était propre. «Si vous avez cent
patients, vous avez cent différents types
de cancer, a expliqué le Dr Vogelstein
dans une déclaration reprise par l’Agence
France-Presse. Cela ne surprendra pas
les cancérologues qui constatent com-
bien chaque patient et chaque cancer
répondent différemment au même traite-
ment. Le cancer est très complexe, plus
complexe que ce que nous pensions. De
ce fait, cela ne va pas êtrefacile de dé-
velopper des thérapies.» Sur ce dernier
point il a ajouté que la complexité dévoi-
lée par la carte génétique détaillée de
ces deux cancers laisse penser que les
futures thérapies, qualifiées de «ciblées»,
risquent fort d’êtreparticulièrement diffi-
ciles à élaborer. Peut-être vaudrait-il mieux
selon lui se concentrer sur des réseaux
de gènes responsables de la croissance
et de la propagation des cellules cancé-
reuses, jugent ces chercheurs.
«En toute hypothèse, ces deux articles
constituent des avancées passionnantes,
estime pour sa part Fabien Calvo, direc-
teur général adjoint de la recherche à
l’Inca. Les technologies nouvelles de sé-
quençage à haut débit des ARN ont été
associées à des techniques d’hybrida-
tion à haute définition pour détecter des
amplifications de gènes ou leur délétion
dans le cas des gliomes et à des tech-
niques d’analyse à grande échelle des
polymorphismes dans les cancers du pan-
créas. Les données les plus pertinentes
et originales sont apportées par les tech-
niques de séquençage et identifient dans
les deux types de tumeurs des gènes
non encoreconnus pour être impliqués
dans ces tumeurs. En particulier, le gène
del’isocitrate déshydrogénase 1 dans les
gliomes qui a une mutation fonctionnelle
retrouvée dans 12%
des tumeurs surtout
chez les enfants. Dans
les cancers du pan-
créas, les mutations
très nombreuses re-
trouvées dans les tu-
meurs affectent des
gènes que l’on peut
regrouper par fonction
(cluster fonctionnel) impliqués dans la
prolifération, les transitions du cycle cel-
lulaire, la réparation, la signalisation de
certains récepteurs de membrane... plus
de mille gènes ont été retrouvés mutés.»
M. Calvo précise que ces mêmes
techniques de séquençage du génome
tumoral ont été parfois mises en doute
en raison de leur coût et de leur lourdeur,
les données rapportées ici sont en fa-
veur de la poursuite de ce type d’appro-
che pour classer les tumeurs et proposer
de nouvelles cibles thérapeutiques, qui
seront complexes à mettreen œuvre. Un
consortium international auquel la France
n’est pas étrangère s’est engagé dans
ce type d’approche pour 50 types tumo-
raux différents.
Jean-Yves Nau
Onpourra, au choix, dire que les
très ambitieuses et très patien-
tes entreprises de décryptage,
cellulaire et moléculaire, des processus
cancéreux commencent à fournir leurs
premiers résultats; et ce grâce aux nou-
velles et puissantes technologies de sé-
quençage à haut débit du matériel géné-
tique. On pourra aussi, au vu des pre-
miers résultats fournis dans ce domaine,
soulever une nouvelle fois la question,
fondamentale, des liens et des priorités
entre la chose observée et l’enchaîne-
ment sous-jacent des causalités.
L’affaire n’est certes pas neuve. Elle
est pour autant chaque jour nourrie des
multiples avancées de ceux qui s’atta-
chent à servir cette science définitive-
ment multiforme qu’est la biologie appli-
quée à la médecine. Le dernier épisode
en date tient aux résultats de deux étu-
des internationales qui viennent d’être
conjointement publiées sur les sites des
revues Natureet Science ;des résultats
qui ouvrent peut-êtrede nouvelles et ra-
dicales perspectives dans la compréhen-
sion des mécanismes impliqués dans la
formation de deux cancers dont – on ne
le sait que trop – sont parmi les moins
curables. Dirigés par D. Williams Parsons
et Bert Vogelstein (Howard Hughes Me-
dical Center, université Johns Hopkins
Kimmel Cancer Center,Baltimore, Mary-
land), les auteurs de ces travaux ont,
schématiquement, cherché à analyser la
somme des anomalies génétiques pré-
sentes au sein des cellules cancéreuses
des glioblastomes multiformes et des can-
cers pancréatiques.
En pratique, ils ont séquencé l’expres-
sion ARN de 20 661 gènes dans les cel-
lules cancéreuses de 24 patients atteints
d’un cancer du pancréas et de 22 souf-
frant d’un glioblastome. Ils ont ainsi pu
identifier des centaines de mutations gé-
nétiques et découvert que, dans de nom-
breux cas, les cellules cancéreuses pos-
sédaient deux ou plusieurs copies sup-
plémentaires d’un même gène. Ils ont
aussi découvert diverses anomalies im-
pliquant des gènes qui n’avaient pas été
jusqu’ici associés à un processus can-
céreux. Les techniques de séquençage
àhaut débit leur ont également permis
d’analyser les modifications des niveaux
d’expression des gènes dans les cellules
cancéreuses. Dans le cas du glioblasto-
me, une premièrecorrélation a notamment
pu être établie entre une mutation spécifi-
que (sur le gène de l’isocitrate déshydro-
génase 1) et une forme de glioblastome
àmoindre degré de malignité.
«… Ces données sont de
nature à encourager la
poursuite de ce type
d’approche pour classer
les tumeurs et proposer
de nouvelles cibles thé-
rapeutiques …»
avancée thérapeutique
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