Téléchargez le PDF

publicité
33514_2009.qxp
12.9.2008
9:21
Page 1
avancée thérapeutique
Décryptage moléculaire du cancer :
nouvelles lumières
O
n pourra, au choix, dire que les
très ambitieuses et très patientes entreprises de décryptage,
cellulaire et moléculaire, des processus
cancéreux commencent à fournir leurs
premiers résultats ; et ce grâce aux nouvelles et puissantes technologies de séquençage à haut débit du matériel génétique. On pourra aussi, au vu des premiers résultats fournis dans ce domaine,
soulever une nouvelle fois la question,
fondamentale, des liens et des priorités
entre la chose observée et l’enchaînement sous-jacent des causalités.
L’affaire n’est certes pas neuve. Elle
est pour autant chaque jour nourrie des
multiples avancées de ceux qui s’attachent à servir cette science définitivement multiforme qu’est la biologie appliquée à la médecine. Le dernier épisode
en date tient aux résultats de deux études internationales qui viennent d’être
conjointement publiées sur les sites des
revues Nature et Science ; des résultats
qui ouvrent peut-être de nouvelles et radicales perspectives dans la compréhension des mécanismes impliqués dans la
formation de deux cancers dont – on ne
le sait que trop – sont parmi les moins
curables. Dirigés par D. Williams Parsons
et Bert Vogelstein (Howard Hughes Medical Center, université Johns Hopkins
Kimmel Cancer Center, Baltimore, Maryland), les auteurs de ces travaux ont,
schématiquement, cherché à analyser la
somme des anomalies génétiques présentes au sein des cellules cancéreuses
des glioblastomes multiformes et des cancers pancréatiques.
En pratique, ils ont séquencé l’expression ARN de 20 661 gènes dans les cellules cancéreuses de 24 patients atteints
d’un cancer du pancréas et de 22 souffrant d’un glioblastome. Ils ont ainsi pu
identifier des centaines de mutations génétiques et découvert que, dans de nombreux cas, les cellules cancéreuses possédaient deux ou plusieurs copies supplémentaires d’un même gène. Ils ont
aussi découvert diverses anomalies impliquant des gènes qui n’avaient pas été
jusqu’ici associés à un processus cancéreux. Les techniques de séquençage
à haut débit leur ont également permis
d’analyser les modifications des niveaux
d’expression des gènes dans les cellules
cancéreuses. Dans le cas du glioblastome, une première corrélation a notamment
pu être établie entre une mutation spécifique (sur le gène de l’isocitrate déshydrogénase 1) et une forme de glioblastome
à moindre degré de malignité.
00
Usant de la même technologie, les
amplifications de gènes ou leur délétion
chercheurs ont également procédé au
dans le cas des gliomes et à des techséquençage du matériel génétique préniques d’analyse à grande échelle des
sent dans des cellules issues de vingtpolymorphismes dans les cancers du panquatre cancers du pancréas. Ils expliquent
créas. Les données les plus pertinentes
avoir pu identifier, dans 70% des tumeurs,
et originales sont apportées par les techdes altérations génétiques au sein d’un
niques de séquençage et identifient dans
faisceau de douze voies de signalisation
les deux types de tumeurs des gènes
ou de régulation du métabolisme cellunon encore connus pour être impliqués
laire. Selon eux, ces dysfonctionnements
dans ces tumeurs. En particulier, le gène
pourraient être directement à l’origine du
de l’isocitrate déshydrogénase 1 dans les
développement du processus cancéreux.
gliomes qui a une mutation fonctionnelle
Ils en concluent que
retrouvée dans 12%
«… Ces données sont de des tumeurs surtout
les progrès thérapeutiques pourraient résichez les enfants. Dans
nature à encourager la
der dans la découverte
les cancers du panpoursuite de ce type
d’agents capables de
créas, les mutations
d’approche pour classer
corriger ces dysfonctrès nombreuses reles tumeurs et proposer
tionnements. «Ces rétrouvées dans les tude nouvelles cibles thésultats laissent aussi
meurs affectent des
espérer une amélioragènes que l’on peut
rapeutiques …»
tion des techniques
regrouper par fonction
diagnostiques, une priorité absolue, puis(cluster fonctionnel) impliqués dans la
que la survie moyenne des cancers du
prolifération, les transitions du cycle celpancréas n’est que de 5% à cinq ans du
lulaire, la réparation, la signalisation de
fait, pour l’essentiel de diagnostics trop
certains récepteurs de membrane... plus
tardifs», a déclaré au Monde Dominique
de mille gènes ont été retrouvés mutés.»
Maraninchi, président de l’Institut national
M. Calvo précise que ces mêmes
français du cancer (Inca).
techniques de séquençage du génome
Les chercheurs ont aussi mis à jour que
tumoral ont été parfois mises en doute
les tumeurs de chaque patient avaient
en raison de leur coût et de leur lourdeur,
une distribution de variations génétiques
les données rapportées ici sont en faqui lui était propre. «Si vous avez cent
veur de la poursuite de ce type d’appropatients, vous avez cent différents types
che pour classer les tumeurs et proposer
de cancer, a expliqué le Dr Vogelstein
de nouvelles cibles thérapeutiques, qui
dans une déclaration reprise par l’Agence
seront complexes à mettre en œuvre. Un
France-Presse. Cela ne surprendra pas
consortium international auquel la France
les cancérologues qui constatent comn’est pas étrangère s’est engagé dans
bien chaque patient et chaque cancer
ce type d’approche pour 50 types tumorépondent différemment au même traiteraux différents.
ment. Le cancer est très complexe, plus
Jean-Yves Nau
complexe que ce que nous pensions. De
ce fait, cela ne va pas être facile de développer des thérapies.» Sur ce dernier
point il a ajouté que la complexité dévoilée par la carte génétique détaillée de
ces deux cancers laisse penser que les
futures thérapies, qualifiées de «ciblées»,
risquent fort d’être particulièrement difficiles à élaborer. Peut-être vaudrait-il mieux
selon lui se concentrer sur des réseaux
de gènes responsables de la croissance
et de la propagation des cellules cancéreuses, jugent ces chercheurs.
«En toute hypothèse, ces deux articles
constituent des avancées passionnantes,
estime pour sa part Fabien Calvo, directeur général adjoint de la recherche à
l’Inca. Les technologies nouvelles de séquençage à haut débit des ARN ont été
associées à des techniques d’hybridation à haute définition pour détecter des
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2008
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 17 septembre 2008
2009
Téléchargement