La Lettre du Psychiatre • Vol. X - no 3 - mai-juin 2014 | 81
Points forts
»Il existe de nombreux arguments en faveur de l’implication de facteurs génétiques dans la genèse
du trouble de la personnalité borderline (TPB).
»Les facteurs génétiques et environnementaux interagissent dans l’étiologie du TPB.
»
Il y a très peu d’études d’associations génétiques concernant le TPB au regard de sa prévalence élevée.
»
Les méta-analyses n’ont pas permis de mettre en évidence d’association statistiquement significative
avec un polymorphisme génétique.
»Notre modèle considère que les gènes de vulnérabilité sont plutôt des gènes de plasticité.
Mots-clés
Trouble
delapersonnalité
borderline
Génétique
Interaction gène-
environnement
Gènes de plasticité
Highlights
»
Nosographic progress has
allowed to defi ne precisely the
borderline personality disorder
(BPD).
»
Neurobiological research
is increasingly important
regarding BPD.
»
The role of a genetic vulner-
ability at the root of BPD is
largely supported.
»
Gene-environment interac-
tions had a high likelihood in
the genesis of BPD.
»
Association studies are
sparse regarding high
frequency of BPD.
»
Meta-analysis revealed an
absence of statistically signifi -
cant association.
»
Our model conceptualizes
genes as plasticity genes rather
than vulnerability genes.
Keywords
Borderline personality
disorder
Genetics
Gene-environment interaction
Plasticity genes
Les études de jumeaux
Des études de jumeaux, permettant de différen-
cier les facteurs génétiques et environnementaux,
ont été réalisées. Elles montrent une concordance
plus élevée (35 %) chez les jumeaux monozygotes
(partageant le même patrimoine génétique) que
chez les dizygotes (7 %), ce qui est donc en faveur
de l’implication de facteurs génétiques dans l’étio-
logie du trouble. C’est également à partir d’études
de jumeaux que l’héritabilité (poids des facteurs
génétiques) est calculée. Elle est estimée à environ
40 % dans le TPB.
Identifi er les gènes impliqués :
les études d’association
L’étape suivante est d’identifi er les gènes impliqués.
Le mode de transmission du trouble n’étant pas
connu, les techniques utilisées sont des méthodes
dites non paramétriques (sans modèle de trans-
mission a priori). Il s’agit notamment d’études qui
consistent à rechercher une association entre une
maladie (ici, le TPB) et un nombre limité de poly-
morphismes localisés sur un gène dit “candidat” en
comparant les fréquences alléliques de ces polymor-
phismes dans une population de patients et une
population de témoins sains (ou sujets contrôles).
Les études d’association en vue d’identifier des
gènes dans le TPB sont récentes (depuis 2006)
et peu nombreuses. Elles s’intéressent quasiment
toutes aux gènes impliqués dans la régulation des
systèmes monoaminergiques, notamment séro-
toninergique et dopaminergique. Les résultats de
ces études sont peu signifi catifs et les conclusions
contradictoires des rares études de réplication réali-
sées ont conduit à effectuer des méta-analyses.
En effet, les méthodes statistiques utilisées dans
les méta-analyses permettent de synthétiser les
résultats de plusieurs études afi n de réaliser une
analyse plus précise des données grâce à l’augmen-
tation du nombre de cas étudiés et d’en tirer une
conclusion globale. En recourant à ces méthodes,
aucune association statistiquement signifi cative n’a
pu être mise en évidence entre un polymorphisme
génétique et le TPB.
Discussion et perspectives
Alors qu’il est fort probable que des facteurs géné-
tiques soient impliqués dans l’étiopathogénie du
TPB, les études d’association ayant pour objectif
d’identifi er des gènes de vulnérabilité sont, à l’heure
actuelle, rares et assez décevantes.
Plusieurs explications peuvent rendre compte de ce
manque de résultats : d’abord, les études publiées
comportent des échantillons assez faibles. Ensuite,
le TPB est marqué par une hétérogénéité clinique
importante, pouvant potentiellement être sous la
dépendance de plusieurs gènes. Finalement, dans
ces études, l’infl uence de l’environnement est rare-
ment prise en compte alors que la probabilité d’une
interaction entre des facteurs génétiques et environ-
nementaux est très importante dans l’étiologie du
TPB. Ces résultats peu concluants pourraient être
liés au choix des gènes candidats.
Par exemple, les gènes impliqués dans la régula-
tion de l’axe hypothalamo-hypophyso-adréner-
gique (hypothalamic-pituitary-adrenal axis [HPA]),
également appelé l’axe du stress, semblent être de
très bons gènes candidats. Cependant, malgré de
nombreux indices de dérégulation de cet axe dans
le TPB (5, 6), aucune étude n’explore génétiquement
cette voie. Il a par exemple été remarqué que la corti-
solémie était plus élevée chez les patients ayant un
TPB que chez des témoins sains. L’hypothèse d’une
hyperactivité de l’axe HPA a alors été formulée
et, pour la confi rmer, des expériences utilisant le
test à la dexaméthasone ont été réalisées. Ce test
étudie la production endogène de cortisol dans les
contextes d’hyperproduction de cortisol (syndrome
de Cushing). En situation normale, la cortisolémie
diminue après la prise de dexaméthasone (corticoïde
de synthèse), on dit qu’il y a freinage. En cas d’hy-
perproduction de cortisol, la cortisolémie n’est pas
modifi ée par cette prise de dexaméthasone, on parle
alors de freinage négatif. Plusieurs études montrent
ce freinage négatif au test à la dexaméthasone chez
les sujets atteints de TPB, ce qui signale qu’il existe
une hyperactivité de l’axe HPA chez ces patients (7).
Concernant le choix des gènes candidats, une autre
piste consisterait à changer de paradigme sur l’impli-
cation des facteurs génétiques dans l’étiologie des
troubles psychiatriques. En effet, les gènes pour-