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La RTT médicale ou comment résoudre
une équation complexe ?
● L. Omnes*
L
e début de l’année nouvelle est placé sous le signe de
l’aménagement et de la réduction du temps de travail
(RTT) pour l’ensemble des personnels, des praticiens
hospitaliers et des internes.
Le caractère réglementaire et global du dispositif (39 000 médecins sont concernés) conduit les directions et les communautés
de professionnels des hôpitaux publics à résoudre une équation
complexe visant à garantir en continuité la qualité du service
public sous contrainte de ressources humaines plus limitées.
Pour trouver les solutions, il nous faut adopter une méthode
pragmatique de résolution de problème, s’inscrivant dans une
démarche négociée plutôt stimulante pour l’esprit, car elle
associe à la certitude d’un bénéfice individuel en termes de
loisirs, l’incertitude d’un bénéfice collectif en termes de santé.
Quelle peut être la méthode ?
Dans un premier temps, il nous faut intégrer les nouvelles données de base qui vont enrichir le thésaurus de l’organisation du
temps de travail médical, mis en sommeil depuis de nombreuses années. Le repos de sécurité, l’épargne temps, le
temps de travail hebdomadaire maximum … font partie de ce
nouveau florilège.
Après cette phase d’acculturation collective, nous pourrons
alors aborder le vaste chantier d’une analyse partagée des
organisations de travail et des pratiques professionnelles. La
RTT médicale n’est pas, en effet, sans conséquence sur les
modes d’organisation des hôpitaux. Plusieurs voies sont à
explorer :
– le travail médical ne se conçoit qu’en équipe. Il se développe
dans un environnement sociétal plus exigeant et dans un environnement technique en permanente évolution. L’aspiration
des usagers à connaître le médecin référent, de jour comme de
nuit, pour des traitements simples ou complexes, renvoie à une
réflexion sur la redistribution des rôles et sur la coordination
des tâches au sein des équipes où la plupart des acteurs seront
dorénavant moins présents à l’hôpital ;
* Directeur de l’hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris.
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– la confusion dans les organisations de travail et dans l’affectation des ressources en lits et en équipements entre les soins
urgents et les soins programmés n’est plus d’actualité. L’optimisation recherchée conduira, sans doute, à dissocier encore
plus les moyens et les capacités d’hospitalisation affectés aux
séjours diurnes ou nocturnes, ou aux séjours hebdomadaires de
5 jours voire de 4 jours, aux séjours plus longs correspondants
en général à des soins plus lourds, plus continus. Cette plus
grande spécification dans l’organisation du travail médical ne
trouvera toutefois sa pleine efficacité qu’en recherchant plus
de fluidité dans le circuit du patient à l’intérieur de l’hôpital,
plus d’effort de programmation du temps de séjour dès
l’admission du patient, plus de coordination avec les compétences externes des différents réseaux de soins ;
– le plafonnement de la durée hebdomadaire de travail
(48 heures maximum) et l’intégration des gardes dans le temps
de travail effectif constituent, par ailleurs, des données qui
vont singulièrement accentuer les rapprochements entre services au sein d’un même hôpital et entre les établissements
d’une même zone géographique qui développent les mêmes
spécialités. Cette nécessaire mutualisation des ressources
humaines dans les périodes de congés et pendant les horaires
“non confortables” aboutira vraisemblablement, pour la gynécologie comme pour les autres spécialités, à privilégier par le
système de garde alternée la qualité du soin par rapport à la
proximité du soin.
Enfin, une fois franchies toutes ces étapes de réflexion et de
négociation locale, viendra sans doute le temps (non
décompté) d’une réflexion philosophique plus fondamentale
sur le sens de la vie et de l’engagement professionnel en
milieu hospitalier et sur le caractère approprié (ou non) d’un
système de comptage du temps appliqué à l’exercice d’un
métier à haute responsabilité qui requiert beaucoup d’autonomie sur le plan décisionnel et beaucoup de temps non plafonné d’investissement intellectuel.
En fait, la seule certitude qui nous habite en ce début d’année
est que la maladie, dans son développement, continuera à ne
pas se préoccuper des spécificités calendaires de l’organisation
de notre offre de soins.
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La Lettre du Gynécologue - n° 269 - février 2002
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