20 | La Lettre du Cardiologue • n° 424 - avril 2009
L’hypertension de la femme :
trois phases clés du dépistage à ne pas méconnaître
MISE AU POINT
en revanche, pas retrouvé en cas d’utilisation d’estro-
gènes seuls (femmes hystérectomisées) ni lorsque le
progestatif était la progestérone naturelle. Les femmes
sous THM présentaient aussi une augmentation du
risque de maladie thrombo-embolique. Ce risque était
maximal durant la première année du traitement et se
poursuivait tout au long de celui-ci. Il était particuliè-
rement élevé au-delà de 60 ans. Le type d’estrogènes
et le mode d’administration pourraient être en cause.
Le risque d’accident artériel (accidents coronaire et
vasculaire cérébral) est surtout lié à l’association d’es-
trogènes (a fortiori par voie orale) et de progestatifs
de synthèse. La voie orale aurait un effet néfaste de
premier passage hépatique, et augmenterait le risque
d’accidents vasculaires thrombotiques, liés à une
augmentation des triglycérides, de la protéine C réactive
et de l’angiotensinogène, et à la baisse de l’antithrom-
bine et de la protéine S. La voie transdermique, plutôt
utilisée en France, évite ces effets hépatiques. Il reste
les effets incertains du THM, avec un impact méconnu
sur la démence et les fonctions cognitives, le cancer
ovarien, la mortalité par cancer du sein, la mortalité
par maladies cardiovasculaires et la mortalité totale.
Chez la femme normotendue, le THM n’augmente
pas la PA, et peut même l’abaisser. Chez la femme
hypertendue, aucune étude prospective randomisée
n’a été réalisée, mais il semblerait qu’il n’y ait pas de
variation significative de la PA. La prise d’estrogènes
par voie percutanée n’induirait pas d’augmentation de
la rénine, contrairement à la prise par voie orale.
Les progestatifs ne semblent pas remettre en question
l’effet favorable ou neutre des estrogènes, sauf peut-
être avec la médroxyprogestérone. Ils ont, en revanche,
un effet délétère sur le métabolisme des glucides et
des lipides qu’il ne faut pas négliger (1, 6, 8, 13).
Le médecin se trouve donc aujourd’hui dans une situa-
tion délicate et redoute les conséquences médico-
légales de sa prescription. Pour faciliter la pratique
médicale, un premier rapport, américain, l’US Preven-
tive Services Task Force (14), a fait un état des lieux des
principaux bénéfices du THM. Le THM améliore les
symptômes climatériques temporaires et la qualité
de vie avec un effet net sur les bouffées de chaleur, les
sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale. Il prévient
l’ostéoporose en augmentant la minéralisation osseuse
et en réduisant le risque fracturaire. Cet effet perdure
pendant toute la durée du traitement mais, à son arrêt,
la perte osseuse reprend son rythme. Enfin, le THM
réduit le risque de cancer du côlon. L’US Preventive
Services Task Force reconnaît l’absence d’effet “tensio-
gène” des formes percutanées, ne recommande pas le
THM en protection cardiovasculaire et contre-indique
le THM si la femme a des antécédents cardiovasculaires
graves. En revanche, l’HTA non compliquée n’est pas
une contre-indication. Les formes orales sont décon-
seillées chez la femme hypertendue ou à risque cardio-
vasculaire. En France, l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (Afssaps) a rédigé un
premier rapport d’étape en 2003 (15), puis un second
en 2006 (16) sur le THM. Les indications actuelles du
THM en France sont limitées aux symptômes clima-
tériques, si la femme le souhaite, à la dose minimale
efficace, et ce tant que durent les symptômes. Il est
nécessaire de corriger l’HTA et l’hyperlipidémie avant
d’entreprendre le THM. Ce traitement reste contre-
indiqué si la femme est à haut risque cardiovascu-
laire. Une information objective de la patiente sur les
bénéfices et les risques du THM est nécessaire. Une
fenêtre thérapeutique annuelle est recommandée pour
réévaluer l’intérêt du traitement.
Quand réaliser un bilan
d’HTA chez la femme ?
Il est recommandé d’adresser la femme hyper-
tendue à un spécialiste pour un bilan exhaustif
dans les situations suivantes : HTA sous contra-
ception orale ; au décours d’une HTA gravidique
(attendre alors un délai de 4 à 6 mois) ; HTA résis-
tante à une trithérapie (PA > 140/90 mmHg sous
trois traitements, dont un diurétique thiazidique
à pleines doses) ; HTA de grade 3 récente, surtout
en présence d’un contexte clinique évocateur ; HTA
maligne ou accélérée (1-3).
Conclusion
L’HTA de la femme a d’abord été peu, voire pas du
tout, prise en compte comparativement à celle de
l’homme, comme de nombreuses autres pathologies
cardiovasculaires. La femme avait la réputation d’être
protégée par ses hormones. La femme jeune est en
effet moins hypertendue que l’homme. À la méno-
pause, le problème semble s’inverser. Les récentes
controverses sur le bénéfice du THM ont remis à l’ordre
du jour l’HTA de la ménopause, avec des travaux
récents qui ont permis une meilleure connaissance
de son épidémiologie et de sa physiopathologie. Il
manque encore des essais thérapeutiques ciblés sur
l’HTA de la femme pour valider l’absence de spécificité
sur les doses thérapeutiques préconisées, déterminer
les associations thérapeutiques les plus pertinentes et
évaluer l’efficacité des traitements antihypertenseurs
sur les organes cibles. ■
L'auteur remercie Christophe Hurt
pour la traduction du résumé.
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Retrouvez les références
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Références
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