16 | La Lettre du Cardiologue n° 424 - avril 2009
MISE AU POINT
L’hypertension de la femme :
trois phases clés du dépistage
à ne pas méconnaître
Women hypertension: three fundamental periods
for the diagnosis
C. Mounier-Vehier*, P. Delsart*, G. Rosey*, B. Letombe**
* Service de médecine vasculaire et
HTA, pôle de cardiologie et mala-
dies vasculaires, hôpital Jeanne-de-
Flandre, CHRU de Lille et faculté de
médecine Henri-Warembourg, uni-
versité de Lille-2.
** Service de médecine du couple,
pôle de gynécologie et obstétrique,
hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de
Lille et faculté de médecine Henri-
Warembourg, université de Lille-2.
L
es femmes se révèlent particulièrement
vulnérables à l’hypertension artérielle (HTA)
à trois périodes de leur vie : lors de la prise
d’une contraception orale, au cours de la grossesse
et à la ménopause. La vigilance s’impose donc à
ces phases clés. La femme jeune est en général
protégée par ses estrogènes naturels (1-3).
Selon le rapport NHANES III (4), la prévalence de
l’HTA augmente avec l’âge : moins de 10 % des
femmes de moins de 20 ans et plus de 70 % de
celles de plus de 70 ans. Après 60 ans, les femmes
sont aussi plus fréquemment touchées que les
hommes. En France, les données de la French League
Against Hypertension Survey du Comité français de
lutte contre l’HTA donnent des résultats similaires,
avec une prévalence de 15 % de femmes hyperten-
dues entre 35 et 44 ans et de 59 % après 70 ans
(www.comitehta.org). Enfin, le rapport de la Caisse
nationale d’assurance maladie paru en octobre 2007
sur Internet souligne la prévalence croissante de
l’HTA dans les deux sexes. Chez la femme, le rapport
fait ainsi état d’une prévalence de 45,3 % pour la
tranche d’âge 60-69 ans, de 62 % pour celle des
70-79 ans et de 70,4 % pour celle des plus de 80 ans
(www.ameli.fr, rapport du 19 octobre 2007). Les
accidents cardiovasculaires, dont l’HTA est un facteur
de risque, restent la première cause de mortalité
chez la femme après 65 ans (1, 4).
Les estrogènes ont des actions spécifiques sur le
système cardiovasculaire et agissent sur des récep-
teurs aux estrogènes localisés sur la cellule endothé-
liale et sur la cellule musculaire lisse vasculaire. Les
estrogènes agissent sur la vasodilatation endothélium-
dépendante, diminuent le tonus vasculaire, favorisent
la cicatrisation endothéliale, induisent une diminution
de la prolifération des cellules musculaires lisses et
ont un effet antiathérogène chez l’animal (5).
HTA et contraception orale
Trois références sur le sujet sont à retenir : l’article
de D.B. Petitti (6), le bulletin américain de l’ACOG
n° 73 (7) et les recommandations européennes sur
l’HTA parues en 2007 (2) [tableau I].
Selon l’Institut national d’études démographiques,
64 % des femmes en âge de procréer utilisent une
contraception. La contraception estroprogestative
(COP) est le premier mode de contraception utilisé
jusqu’à 40 ans, mais elle pose des problèmes de
sécurité, notamment sur le plan cardiovasculaire. Les
contraceptifs ont toutefois évolué avec le temps. Les
Tableau I. Recommandations de l’ACOG et de l’OMS sur l’usage de la contraception estropro-
gestative suivant le terrain (6).
Variable ACOG (2000) OMS (2000)
Fumeuse > 35 ans
< 15 cigarettes/j
> 15 cigarettes/j
Risque inacceptable
Risque inacceptable
Risque > bénéfice
Risque inacceptable
HTA
PA contrôlée
PA non contrôlée
Risque acceptable
Risque inacceptable
Risque > bénéfice
si PAS > 140-159 mmHg
ou PAD > 90-99 mmHg
Risque inacceptable
si PA > 160/100 mmHg
Antécédent AVC, coronaire,
thrombose veineuse
Risque acceptable
si pas d’autre FR et pas d’AOC
Bénéfice > risque
si < 20 ans et pas d’AOC
Hypercholestérolémie Risque acceptable
si LDL < 1,6 g/l et pas d’autre FR
Dépend des autres FR
AOC : atteinte d'un organe cible ; AVC : accident vasculaire cérébral ; FR : facteur de risque.
La Lettre du Cardiologue n° 424 - avril 2009 | 17
Résumé
Mots-clés
Hypertension artérielle
Contraception orale
Prééclampsie
Ménopause
Traitement
Summary
Women are subject to hyper-
tension during three stages
of their life: while taking oral
contraceptives, during a preg-
nancy and after menopause.
5% of women using oral contra-
ceptives will develop hyperten-
sion, sometimes years after the
initial prescription. Its develop-
ment is all the more likely that
the patient possesses a family
history of hypertension, suffers
from obesity or is aged over 35.
It is recommended to begin
treatment by using low doses of
estrogen and a new generation
progesterone derivative.
Hypertension during pregnancy is
the consequence of multifactorial
abnormal placenta implantation.
Treatment of this hypertension
during pregnancy should only
be initiated so as to protect the
mother from the consequences
of heightened blood-pressure.
Renin-angiotensin system
blockers have a teratogenic
effect and should be stopped
before beginning a pregnancy.
Finally, hypertension should be
detected during menopause.
The loss of vascular protective
pro perties of female hormones is
not its sole cause but adds on to
the effects of aging, obesity and
dyslipidemia. Cases of difficult-
to-manage climateric symptoms
permit the use of transdermic
Hormonal Substitutive.
Keywords
Hypertension
Women
Oral contraceptive
Postmenopausal hormone
replacement therapy
Preeclampsia
Treatment
Gestational hypertension
doses d’estrogènes ont diminué, passant de 50 µg
dans les premières formulations à 25 à 30 µg dans
les spécialités les plus récentes.
La nature du progestatif a aussi évolué, et l’on
distingue la COP de première, de deuxième et de
troisième génération. La mise en route d’une COP
peut être l’occasion de diagnostiquer une HTA
méconnue ou un état préhypertensif. La contra-
ception orale, lorsqu’il s’agit d’une combinaison
estroprogestative, augmente la pression artérielle
systolique (PAS) de 5 à 8 mmHg en moyenne, ainsi
que, dans une moindre mesure, la pression dias-
tolique. Cette augmentation n’est pas observée
avec la contraception progestative pure ni avec la
contraception “mécanique” (6, 8). Seules 5 % des
femmes exposées vont développer une HTA. Il s’agit
de la forme d’HTA secondaire la plus fréquente chez
la jeune femme. L’HTA ne survient pas toujours au
début du traitement, mais parfois après plusieurs
années de prescription. Trois circonstances favorisent
son apparition : l’hérédité hypertensive, l’obésité
et l’âge (> 35 ans) [1, 6, 8]. Le diagnostic d’HTA
peut être confirmé par une mesure ambulatoire ou
une automesure de la PA. L’HTA est le plus souvent
modérée et asymptomatique ; elle se normalisera
dans les 3 mois suivant l’arrêt de la COP. Plus rare-
ment, le tableau sera celui d’une HTA maligne.
Le diagnostic est indispensable, car l’arrêt de la
COP permet la plupart du temps de normaliser les
chiffres tensionnels. Le pronostic à moyen terme
est bon. Le syndrome hémolytique et urémique
(SHU) est au contraire une complication rarissime
mais gravissime. Il peut s’agir de la reprise contre-
indiquée d’une COP après un SHU lié à la grossesse
(8). Avec les estrogènes, l’HTA apparaît quelle que
soit la dose (30 µg, 50 µg, etc.), contrairement aux
progestatifs, dont l’effet toxique dépend plus de la
dose et de la nature de la combinaison. Un composé
progestatif récent, la drospirénone, douée d’une
activité antiminéralocorticoïde, pourrait d’ailleurs
avoir un effet moins important sur la PA (1, 8). L’HTA
liée à la COP est multifactorielle, et fait intervenir
la stimulation de la synthèse de rénine et d’angio-
tensinogène, une dysfonction endothéliale et une
rétention hydrosodée. Il est conseillé de débuter par
de faibles doses d’estrogène (25-30 µg) en utilisant
un progestatif de nouvelle génération et de mesurer
la PA tous les 6 mois, lors du renouvellement de
l’ordonnance. Si la PA augmente significativement
sur 3 consultations, il est recommandé d’arrêter
la COP et de proposer une alternative. Si la PA ne
se normalise pas à 3 mois, un traitement de l’HTA
pourra être proposé après un bilan approprié, car
la COP a pu démasquer une préhypertension. En
France, l’usage de la COP n’est pas recommandé
chez la femme hypertendue. Il s’agit même d’une
prescription expressément formulée “hors AMM”
(3, 8). La situation est différente aux États-Unis :
si aucune autre contraception n’est possible, les
Américains admettent l’usage de la COP chez les
femmes de moins de 35 ans, non fumeuses et ayant
une HTA contrôlée sous traitement (7).
Le risque de la COP est par ailleurs “acceptable”
chez la femme diabétique si elle n’a pas d’autre
facteur de risque associé ni d’atteinte d’organe
cible. De même, l’hypercholestérolémie n’est pas
une contre-indication si elle s’intègre dans un faible
risque cardiovasculaire.
Le risque de la COP est unanimement jugé inaccep-
table et contre-indique sa prescription si l’HTA est
non contrôlée ou compliquée, si la jeune femme
présente des antécédents de prééclampsie ou d’ac-
cidents artériels ou veineux, et si elle fume après
35 ans, même si sa consommation est inférieure à
15 cigarettes par jour. Les femmes ayant fait une HTA
de la COP feront l’objet d’une surveillance accrue au
moment d’une grossesse et lors de la ménopause
pour ne pas méconnaître une récidive d’HTA (6-8)
(tableau I).
Syndromes hypertensifs
de la grossesse
L’HTA de la grossesse est définie par une PA supérieure
ou égale à 140/90 mmHg, à n’importe quel terme,
lors de 2 consultations successives. Il s’agit d’une
pathologie encore fréquente, puisqu’elle concerne
10 à 15 % des grossesses. Une prééclampsie modérée
est observée dans 2 % des grossesses. Même si la
prééclampsie est devenue un accident rare, elle est
encore responsable de 30 % des décès maternels
et de 20 % de la mortalité fœtale et néonatale
(1, 9-11).
Les femmes peuvent développer une hypertension artérielle (HTA) à trois périodes de leur vie : lors de la prise
d'une contraception orale, au cours de la grossesse et à la ménopause.
Seulement 5 % des femmes sous contraception estroprogestative vont développer une HTA, qui pourra ne survenir
qu’après plusieurs années de prescription et qui est favorisée par l’hérédité hypertensive, l’obésité et l’âge (supérieur à
35 ans). Le traitement indiqué consiste en de faibles doses d’estrogène et un progestatif de nouvelle génération.
Au cours d’une grossesse, l’HTA est la traduction clinique tardive d’une anomalie de la placentation. Le traitement
antihypertenseur est indiqué pour éviter à la mère les complications de l’HTA. Les bloqueurs du système rénine-
angiotensine, tératogènes, sont contre-indiqués.
À la ménopause, la disparition des hormones féminines n’est pas l’unique cause de l’HTA : l’âge, l’obésité et la
dyslipidémie sont aussi impliqués. Le THM n’est pas contre-indiqué mais sera prescrit par voie transdermique si
l’HTA et le risque cardiovasculaire sont maîtrisés.
Panier 1
Panier 2
Bêtabloquant ARA II IEC
ICA
HTA vasculaire ++
Déconseillé
diabète
+ SM
Diurétiques thiazidiques
HTA systolique ++
SM : syndrome métabolique ; ARA II : antagoniste des récepteurs à l'angiotensine II ; IEC : inhibiteur de l'enzyme de conversion ;
ICA : inhibiteur calcique (classe des dihydropyridines).
Figure. Traitement de l’HTA selon les recommandations de la HAS (2005) et de l’ESH-ESC
(2007). Particularités chez la femme ménopausée.
18 | La Lettre du Cardiologue n° 424 - avril 2009
L’hypertension de la femme :
trois phases clés du dépistage à ne pas méconnaître
MISE AU POINT
Normalement, au cours d'une grossesse, l'en-
dothélium maternel ne rejette pas, sur le plan
immunologique, l'implantation trophoblastique. La
colonisation trophoblastique des artères spiralées
du myomètre entraîne de profondes modifications
de la structure histologique des artères : désendo-
thélialisation, disparition du tissu élastique et perte
des récepteurs hormonaux. Les artères utérines
acquièrent des caractéristiques d’artères élastiques
permettant une vasodilatation artérielle majeure.
La PA va alors baisser au cours des deux premiers
trimestres pour remonter à son niveau initial au
cours du troisième trimestre. Le primum movens
des “syndromes hypertensifs” de la grossesse
est la survenue, vers 16 semaines d’aménorrhée
(SA), d’une ischémie placentaire à la suite d’un
défaut de l’invasion trophoblastique artérielle. Les
lésions d’ischémie placentaire apparaissent à la
fin du premier trimestre avec la libération dans la
circulation de débris fibroblastiques responsables
d’une réaction inflammatoire maternelle. Il s’agit
bien d’une véritable maladie artérielle, à l’origine
des symptômes cliniques et biologiques qui n’ap-
paraîtront qu’au cours du deuxième trimestre de
la grossesse ; ceux-ci associent de façon variable
HTA, protéinurie, vasospasmes artériels (hépatique,
rénal, cérébral), activations pro-coagulante et pro-
inflammatoire. L’HTA nest ainsi qu’un symptôme
de l’ischémie placentaire et non sa cause réelle
(figure) [9-11]. Dans la mesure du possible, il faut
essayer de différencier l’HTA préexistante de l’HTA
apparaissant au cours d’une grossesse, car les prises
en charge seront différentes.
On distingue l’HTA préexistante diagnostiquée
avant la 20
e
SA, l’HTA gestationnelle isolée”,
apparaissant après la 20e SA et régressant sous
42 jours après l’accouchement, et la prééclampsie,
qui ne survient qu’après la 20e SA et associe HTA,
protéinurie et/ ou cytolyse hépatique et throm-
bopénie (le HELPP syndrome). Une prééclampsie
peut aussi compliquer une HTA préexistante.
Une nouvelle entité, l’“HTA anténatale non clas-
sable”, a été définie récemment. Son diagnostic est
rétrospectif et doit être confirmé dans les 42 jours
après l’accouchement : si, passé ce délai, l’HTA
a disparu, il s’agissait d’une HTA gestationnelle ;
si elle persiste, il s’agit d’une HTA préexistante
(tableau II) [9-11].
La surveillance de ces grossesses nécessite une
prise en charge dans un centre obstétrical disposant
d’un service de réanimation néonatale. La mesure
ambulatoire de la PA montre tout son intérêt dans
le diagnostic, l’évaluation pronostique (protéinurie,
retard de croissance, prématurité, complications
maternelles) et la surveillance thérapeutique, car elle
permet d’éviter des hypotensions iatrogènes délétères
pour le fœtus. L’automesure tensionnelle a également
sa place, car elle permet la surveillance à domicile : la
moyenne des 18 mesures à effectuer doit être infé-
rieure à 125/85 mmHg, quel que soit le terme de la
grossesse. Il est aussi conseillé aux mères d’effectuer
régulièrement, à partir du deuxième trimestre, un test
sur bandelette urinaire ; s’il est positif (> 2 croix de
protéine dans les urines), un dosage de la protéinurie
des 24 heures sera effectué (pathologique si supérieur
à 300 mg/l ou supérieur à 500 mg/24 h) [2, 9-11]. La
prise en charge repose sur des règles hygiéno-diété-
tiques bien conduites, avec une information des
mères, notamment sur la diminution des activités
fatigantes et le régime normosodé. Le régime amai-
grissant est déconseillé chez la femme enceinte obèse,
car il peut induire une hypotrophie fœtale. Pour les
femmes hypertendues “chroniques”, la programma-
tion des grossesses est recommandée, pour arrêter
Tableau II. Classification des syndromes hypertensifs de la grossesse.
HTA avant la grossesse Protéinurie significative
> 300 mg/24 h
Non Oui
Non* HTA gravidique isolée Prééclampsie
Oui** HTA préexistante HTA préexistante
+ prééclampsie
*HTA gravidique isolée et prééclampsie : après la 20e SA et jusqu’à 42 jours après l’accouchement.
**HTA préexistante : avant la 20e SA.
La Lettre du Cardiologue n° 424 - avril 2009 | 19
MISE AU POINT
les traitements tératogènes (bloqueurs du système
rénine-angiotensine). Un allègement, voire un arrêt,
du traitement est même souvent proposé au début
de la grossesse. Dans les autres cas, le traitement
hypotenseur est indiqué dans le seul but de protéger
la mère si la PAS est supérieure ou égale à 150 mmHg
et/ou la PAD supérieure ou égale à 95 mmHg, ainsi
que dans les tableaux de prééclampsie. Il convient de
ne pas descendre en dessous de 140/90 mmHg. Les
traitements de première intention sont les antihyper-
tenseurs centraux (alpha-méthyldopamine, clonidine),
puis, en deuxième intention, les alpha-bêtabloquants
(labétalol) et les inhibiteurs calciques (nicardipine). Les
bêtabloquants peuvent être éventuellement utilisés,
mais avec un risque de retard de croissance intra-
utérine et de bradycardie fœtale. Les diurétiques sont
déconseillés, car ils peuvent aggraver l’hypovolémie.
L’aspirine, à la dose de 100 mg/j, est indiquée en trai-
tement préventif à partir de 16 SA jusqu’à 2 semaines
avant l’accouchement pour les femmes ayant des
antécédents vasculo-placentaires. Le seul traitement
curatif restera l’accouchement, avec le retrait du
placenta ischémié (2, 9-11) ! Tous les antihyperten-
seurs passent à faibles doses dans le lait maternel.
Seuls le propanolol et la nifédipine passent à pleines
doses dans le lait. La bromocriptine, bloqueur de la
lactation, peut induire une hypertension (2, 10, 11).
Après l’accouchement, la surveillance de la PA sera
rapprochée. Si cette dernière reste élevée après
6 semaines, il s’agira d’une HTA permanente. Une
consultation spécialisée est alors justifiée pour
rechercher une cause méconnue d’HTA (néphro-
pathie, dysplasie artérielle). Le risque de récidive
de la pré éclampsie est de 70 % environ (10, 11).
La pré éclampsie est un marqueur de risque cardio-
vasculaire indépendant, avec un risque relatif
d’accident coronaire multiplié par 1,7 à 2 chez la
femme pré éclamptique par rapport à la femme non
pré éclamptique (12). Elle est enfin un facteur de risque
d’HTA chronique pour 1 femme sur 4 et justifie un
suivi régulier à distance (2, 10, 12).
HTA, ménopause et traitement
hormonal de la ménopause
(THM)
Dernière phase clé du dépistage, la ménopause. Elle
survient en moyenne à 50,5 ans en France. Les deux
signes les plus évidents de la ménopause sont l’im-
possibilité de concevoir et la carence en estrogènes.
La ménopause est synonyme d’altération de la qualité
de vie, surtout pour les 70 % de femmes présentant
des symptômes climatériques. Ces symptômes s’es-
tompent néanmoins avec le temps et les femmes
s’adaptent à leur nouvel état. C’est aussi à cette
période que la prévalence de l'hypertension augmente
significativement chez les femmes. La disparition des
hormones féminines nest pourtant pas l’unique cause
de l’HTA. D’autres facteurs confondants concourent à
l’apparition, voire à l’aggravation, de l’HTA avec l’âge,
tels que l’obésité abdominale (périmètre abdominal
> 88 cm) et la dyslipidémie. Certains parlent même de
“syndrome métabolique de la ménopause”. Il y a aussi
des facteurs d’influence, comme l’âge à la survenue
de la ménopause ou la prise d’un THM (1, 8).
La ménopause se caractérise par un changement
structurel et fonctionnel du système artériel, qui
n’est plus “protégé” par les estrogènes naturels. La
paroi artérielle (épaisseur intima-média) s’épaissit,
devient plus rigide en raison d’une modification de
structure de la média, qui est alors plus riche en
collagène. Il s’y associe une dysfonction endothéliale
et une augmentation du tonus des fibres musculaires.
Ces modifications artérielles vont se traduire par
une augmentation marquée de la vitesse de
l’onde de pouls, ce d’autant plus qu’il s’agira physio-
logiquement d’artères courtes et fines. L’HTA de
la ménopause est de “phénotype” métabolique et
vasculaire à prédominance systolique (1, 2, 8).
Cette connaissance physiopathologique va guider le
choix de la stratégie thérapeutique. Car si, en termes
d’efficacité, toutes les classes d’antihypertenseurs
sont comparables chez la femme et chez l’homme, le
contexte clinique conduira à préférer certaines asso-
ciations (2, 3). Il s’agira de l’association inhibiteurs
calciques-bloqueurs du système rénine-angiotensine
ou encore de l’association diurétiques thiazidiques-
bloqueurs du système rénine-angiotensine. L’avantage
des diurétiques thiazidiques est leur effet positif sur
la densité osseuse et l’ostéoporose ; mais celui-ci est
contrebalancé par des troubles ioniques plus fréquents
chez la femme âgée (hyponatrémie et hypokaliémie).
Le choix des traitements sera aussi guidé par la tolé-
rance clinique des médicaments, les femmes se plai-
gnant plus souvent que les hommes d’effets adverses
(1). Avant 80 ans, l’objectif tensionnel sera une PA
inférieure à 140/80 mmHg ; après 80 ans, une PA
inférieure à 150/90 mmHg (2, 3).
Qu’en est-il du traitement hormonal de la ménopause ?
En 2002, plusieurs publications, dont l’essai WHI, ont
semé l’agitation en rapportant une augmentation du
risque de cancer du sein après 5 ans de THM, quelle
que soit la voie d’administration, en particulier chez
les femmes qui prenaient des progestatifs de synthèse.
Ce risque s’estompait à l’arrêt du traitement et n’était,
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L’hypertension de la femme :
trois phases clés du dépistage à ne pas méconnaître
MISE AU POINT
en revanche, pas retrouvé en cas d’utilisation d’estro-
gènes seuls (femmes hystérectomisées) ni lorsque le
progestatif était la progestérone naturelle. Les femmes
sous THM présentaient aussi une augmentation du
risque de maladie thrombo-embolique. Ce risque était
maximal durant la première année du traitement et se
poursuivait tout au long de celui-ci. Il était particuliè-
rement éle au-dede 60 ans. Le type destrogènes
et le mode d’administration pourraient être en cause.
Le risque d’accident artériel (accidents coronaire et
vasculaire cérébral) est surtout lié à l’association d’es-
trogènes (a fortiori par voie orale) et de progestatifs
de synthèse. La voie orale aurait un effet néfaste de
premier passage hépatique, et augmenterait le risque
d’accidents vasculaires thrombotiques, liés à une
augmentation des triglycérides, de la protéine C réactive
et de l’angiotensinogène, et à la baisse de l’antithrom-
bine et de la protéine S. La voie transdermique, plutôt
utilisée en France, évite ces effets hépatiques. Il reste
les effets incertains du THM, avec un impact méconnu
sur la démence et les fonctions cognitives, le cancer
ovarien, la mortalité par cancer du sein, la mortalité
par maladies cardiovasculaires et la mortalité totale.
Chez la femme normotendue, le THM n’augmente
pas la PA, et peut même l’abaisser. Chez la femme
hypertendue, aucune étude prospective randomisée
n’a été réalisée, mais il semblerait qu’il n’y ait pas de
variation significative de la PA. La prise d’estrogènes
par voie percutanée n’induirait pas d’augmentation de
la rénine, contrairement à la prise par voie orale.
Les progestatifs ne semblent pas remettre en question
l’effet favorable ou neutre des estrogènes, sauf peut-
être avec la médroxyprogestérone. Ils ont, en revanche,
un effet délétère sur le métabolisme des glucides et
des lipides qu’il ne faut pas négliger (1, 6, 8, 13).
Le médecin se trouve donc aujourd’hui dans une situa-
tion délicate et redoute les conséquences médico-
légales de sa prescription. Pour faciliter la pratique
médicale, un premier rapport, américain, l’US Preven-
tive Services Task Force (14), a fait un état des lieux des
principaux bénéfices du THM. Le THM améliore les
symptômes climatériques temporaires et la qualité
de vie avec un effet net sur les bouffées de chaleur, les
sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale. Il prévient
l’ostéoporose en augmentant la minéralisation osseuse
et en réduisant le risque fracturaire. Cet effet perdure
pendant toute la durée du traitement mais, à son arrêt,
la perte osseuse reprend son rythme. Enfin, le THM
réduit le risque de cancer du côlon. LUS Preventive
Services Task Force reconnaît l’absence d’effet “tensio-
gène” des formes percutanées, ne recommande pas le
THM en protection cardiovasculaire et contre-indique
le THM si la femme a des antécédents cardiovasculaires
graves. En revanche, l’HTA non compliquée nest pas
une contre-indication. Les formes orales sont décon-
seillées chez la femme hypertendue ou à risque cardio-
vasculaire. En France, l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (Afssaps) a rédigé un
premier rapport d’étape en 2003 (15), puis un second
en 2006 (16) sur le THM. Les indications actuelles du
THM en France sont limitées aux symptômes clima-
tériques, si la femme le souhaite, à la dose minimale
efficace, et ce tant que durent les symptômes. Il est
nécessaire de corriger l’HTA et l’hyperlipidémie avant
d’entreprendre le THM. Ce traitement reste contre-
indiqué si la femme est à haut risque cardiovascu-
laire. Une information objective de la patiente sur les
bénéfices et les risques du THM est nécessaire. Une
fenêtre thérapeutique annuelle est recommandée pour
réévaluer l’intérêt du traitement.
Quand réaliser un bilan
d’HTA chez la femme ?
Il est recommandé d’adresser la femme hyper-
tendue à un spécialiste pour un bilan exhaustif
dans les situations suivantes : HTA sous contra-
ception orale ; au décours d’une HTA gravidique
(attendre alors un délai de 4 à 6 mois) ; HTA résis-
tante à une trithérapie (PA > 140/90 mmHg sous
trois traitements, dont un diurétique thiazidique
à pleines doses) ; HTA de grade 3 récente, surtout
en présence d’un contexte clinique évocateur ; HTA
maligne ou accélérée (1-3).
Conclusion
L’HTA de la femme a d’abord été peu, voire pas du
tout, prise en compte comparativement à celle de
l’homme, comme de nombreuses autres pathologies
cardiovasculaires. La femme avait la réputation d’être
protégée par ses hormones. La femme jeune est en
effet moins hypertendue que l’homme. À la méno-
pause, le problème semble s’inverser. Les récentes
controverses sur le bénéfice du THM ont remis à l’ordre
du jour l’HTA de la ménopause, avec des travaux
récents qui ont permis une meilleure connaissance
de son épidémiologie et de sa physiopathologie. Il
manque encore des essais thérapeutiques ciblés sur
l’HTA de la femme pour valider l’absence de spécificité
sur les doses thérapeutiques préconisées, déterminer
les associations thérapeutiques les plus pertinentes et
évaluer l’efficacité des traitements antihypertenseurs
sur les organes cibles.
L'auteur remercie Christophe Hurt
pour la traduction du résumé.
1. Rosenthal T, Oparil S. Hyper-
tension in women. Review article.
J Hum Hypertens 2000;14:691-
704.
2. Mancia G, De Backer G, Domini-
czak A et al. 2007 Guidelines for the
Management of Arterial Hyperten-
sion: The Task Force for the Manage-
ment of Arterial Hypertension of the
European Society of Hypertension
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Retrouvez les références
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