Échos des congrès Congrès Cœur et Diabète 2012 Hypertension artérielle et syndrome coronarien aigu : nouvelles recommandations1 Paris, 10-11 février 2012 © Fabien R.C. Louis Potier* Cette 7e édition du congrès Cœur et Diabète, organisée par le Pr Michel Komajda et le Pr Bernard Charbonnel, a cette année encore connu un franc succès, permettant de réunir en un même lieu diabétologues, cardiologues et tous ceux intéressés par la prise en charge des maladies cardiovasculaires (CV) et des facteurs de risque du patient diabétique. Les prestigieux orateurs ont ainsi pu aborder l’ensemble de la pathologie CV du patient diabétique de type 1 et de type 2, de l’accident vasculaire cérébral à l’artériopathie des membres inférieurs, en passant bien évidemment par la pathologie coronarienne. Les très récentes recommandations de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA), de la Société francophone du diabète (SFD) et de la Société française de cardiologie (SFC) ont notamment fait l’objet de présentations. La mesure ambulatoire de la pression artérielle (Mapa) (d’après la communication de X. Girerd) Cette conférence a été l’occasion pour le Pr Girerd de présenter les dernières recommandations de la SFHTA, dont il est le président, sur la mesure de la pression artérielle (PA) pour le diagnostic et le suivi du patient hypertendu (www.sfhta.org). La première recommandation importante est de privilégier la mesure électronique de la PA dans le cadre du diagnostic et du suivi des hypertendus au cabinet médical et en ambulatoire, l’usage des appareils de bras validés, avec brassard adapté, étant préférable à celui des appareils de poignet. Il est également recommandé, avant de commencer un traitement antihypertenseur, de confirmer l’hypertension artérielle (HTA) en mesurant la PA en dehors du cabinet médical (sauf en cas d’HTA sévère). Cette recommandation a pour but d’écarter les sujets ayant un effet blouse blanche. Il est d’ailleurs à noter que l’HTA blouse blanche nécessite un suivi au long cours, car ces patients présentent un risque plus élevé de développer une HTA à distance. Elle permet également de dépister l’HTA masquée, qui est définie par une PA normale au cabinet médical, associée à une PA élevée en dehors. La mesure de la PA en dehors du cabinet peut se faire par une automesure tensionnelle (AMT) ou par une mesure ambulatoire de la pression artérielle (Mapa). La Mapa constitue actuellement le gold standard pour le dépistage de l’HTA, l’AMT et la mesure médecin ayant tendance à surestimer la présence d’une HTA (1). Un des grands intérêts de la Mapa est de permettre de mesurer la variabilité de la PA sur l’ensemble du nycthémère. En effet, la tension diminue physiologiquement la nuit et l’absence de diminution (patients non dippers), malgré une tension diurne normale, a un effet négatif sur le pronostic CV (2). Il convient également de noter que l’AMT et la Mapa sont toutes 2 plus fortement corrélées à l’atteinte des organes cibles et au risque de complications CV que la PA au cabinet médical. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 4 - avril 2012 1 © La Lettre du Cardiologue nos 452-453, février-mars 2012. * Unité Inserm U872, centre de recherche des Cordeliers, Paris. 107 Références 1. Hodgkinson J, Mant J, Martin U et al. Relative effectiveness of clinic and home blood pressure monitoring compared with ambulatory blood pressure monitoring in diagnosis of hypertension: systematic review. BMJ 2011; 342:d3621. des congrès La normalité tensionnelle en AMT ou en Mapa est différente de la mesure au cabinet médical. Chez l’adulte, les valeurs normales au cabinet médical sont : pression artérielle systolique (PAS) inférieure à 140 mmHg et pression artérielle diastolique (PAD) inférieure à 90 mmHg. Les valeurs normales en automesure ou pendant la période diurne de la MAPA sont : PAS inférieure à 135 mmHg et PAD inférieure à 85 mmHg. Les valeurs normales de sommeil sont : PAS inférieure à 120 mmHg et PAD inférieure à 70 mmHg. L’utilisation de la Mapa est recommandée dans les situations suivantes : ✓✓ pour poser le diagnostic d’une HTA en l’absence d’AMT ; ✓✓ en cas de discordance entre la PA au cabinet médical et en AMT ; ✓✓ devant la constatation d’une PA normale et d’une atteinte des organes cibles ; ✓✓ en cas de suspicion d’hypotension artérielle. Dans le cadre du suivi du patient hypertendu, il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical, en particulier lorsqu’elle n’est pas efficacement contrôlée en consultation. En conclusion, le dépistage de la PA doit se faire actuellement sur des mesures répétées (position assise avec 3 mesures le matin au petit déjeuner, 3 mesures le soir avant le coucher, 3 jours de suite [règle des 3], les mesures étant espacées de quelques minutes), à domicile, à l’aide d’appareils d’AMT. 2. Verdecchia P, Porcellati C, Schillaci G et al. Ambulatory blood pressure. An independent predictor of prognosis in essential hypertension. Hypertension 1994;24:793-801. 3. Norhammar A et al. Glucose metabolism in patients with acute myocardial infarction and no previous diagnosis of diabetes mellitus: a prospective study. Lancet 2002;359:2140-4. 4. Vergès B, Zeller M, Dentan G et al. Impact of fasting glycemia on short-term prognosis after acute myocardial infarction. J Clin Endocrinol Metab 2007;92:2136-40. Stratégies thérapeutiques au décours d’un infarctus (d’après la communication de P. Gourdy et P.G. Steg) La prévalence du diabète ou d’une hyperglycémie est très élevée chez les patients qui présentent un syndrome coronarien aigu (SCA). En effet, parmi les patients hospitalisés pour un SCA, 30 à 40 % présentent un diabète et 25 à 36 % une hyperglycémie à jeun (IFG) ou une intolérance au glucose (IGT) [3]. De plus, le diabète diminue le pronostic après un SCA (4). La prise en charge Tableau. Critères diagnostiques des troubles du métabolisme glucidique. Glycémie à jeun en mg/dl (mmol/l) < 110 (6,1) 110-125 (6,1-6,9) ≥ 126 (7,0) 108 2 heures après charge en glucose (75 g) en mg/dl (mmol/l) < 140 (7,8) 140-199 (7,8-11,0) ≥ 200 (≥ 11,1) Normal Anomalie de la glycémie à jeun Diabète Intolérance au glucose Anomalie de la glycémie à jeun Intolérance au glucose Diabète Diabète Diabète Diabète de ces patients pendant et au décours d’un SCA est donc une q ­ uestion majeure. Elle vient de faire l’objet de recommandations conjointes de la SFD et de la SFC (http://www.sfcardio.fr/recommandations), qui ont été présentées durant ce symposium. La mesure de la glycémie à l’admission doit être systématique chez tout patient présentant un SCA. Cependant, elle n’est pas reconnue comme un critère diagnostique de diabète. La glycémie à jeun et l’HbA1c doivent également être mesurées le premier jour après l’admission pour un SCA chez tous les patients. La validité de l’HbA1c comme test diagnostique n’est pas complètement montrée. Néanmoins, les sujets avec une HbA1c supérieure ou égale à 6,5 % peuvent être considérés comme diabétiques. La très forte prévalence de troubles du métabolisme glucidique après un SCA justifie une approche très systématique du dépistage. Tout patient sans diabète connu et avec une HbA1c inférieure à 6,5 % doit ainsi bénéficier du dépistage par HGPO − la glycémie à jeun seule sous-diagnostique les états dysglycémiques − 7 à 28 jours après le SCA dans des conditions stables (tableau). Concernant le traitement, en cas de diabète non connu, une insulinothérapie en perfusion continue i.v. est systématique lorsque la glycémie à l’admission est supérieure ou égale à 180 mg/­dl. En cas de diabète connu, tous les traitements antidiabétiques doivent être arrêtés et une insulinothérapie i.v. doit être commencée si la glycémie à l’admission est supérieure ou égale à 180 mg/dl. En cas de diabète connu sous insuline avec une glycémie à l’admission inférieure à 180 mg/dl, le traitement par insuline utilisé avant l’hospitalisation peut être maintenu. Une glycémie cible entre 140 à 180 mg/­dl est recommandée pour la plupart des patients. La mise en place d’une insulinothérapie en unité de soins intensifs nécessite une équipe expérimentée comprenant un diabétologue. En cas de diabète découvert durant l’hospitalisation, de diabète très déséquilibré (HbA1c supérieure ou égale à 8 %), d’introduction d’une insulinothérapie ou d’hypoglycémies répétées et/ou sévères, les patients doivent être référés à un diabétologue avant leur sortie de l’hôpital. La place du diabétologue est déterminante en cas de rééducation cardiaque, durant laquelle l’adaptation thérapeutique et l’ensemble des mesures d’éducation thérapeutique peuvent être mises en place. En résumé, la prise en charge d’un patient présentant un SCA, au-delà du temps majeur de la désobstruction artérielle, nécessite le traitement précis de l’hyperglycémie et est l’occasion d’un dépistage systématique de fréquents troubles du métabolisme glucidique. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 4 - avril 2012 P o i nt s f o rt s Échos