Théorèmes de Sylow Launoy Valentin Grelier Léo 23 mars 2012 Table des matières 1 2 3 Enoncé du Théorème 1.1 Pré-requis . . 1.2 Enoncés . . . Démonstration . . . 2.1 Théorème 1 . 2.2 Théorème 2 et Applications . . . . . . . . . . . . . . . 3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2 2 2 3 3 4 1 Enoncé du Théorème 1.1 Pré-requis Définition 1 (p-groupe). Soit p un nombre premier. On appelle p-groupe un groupe dont tout élément a pour ordre une puissance de p. Définition 2 (p-Sylow). Soit p un nombre premier et G un groupe fini ; on définit un p-sous-groupe de Sylow (ou p-Sylow) de G comme un élément maximal de l’ensemble des p-sous-groupes de G, au sens de l’inclusion. Autrement dit, c’est un p-sousgroupe de G qui n’est contenu dans aucun autre p-sous-groupe de G. Tout p-sousgroupe de G est inclus dans un p-sous-groupe maximal, ce qui garantit l’existence de p-Sylow. L’ensemble (non vide, donc) de tous les p-Sylow pour un entier premier p donné est parfois noté Sylp G. 1.2 Enoncés Soit G un groupe d’ordre pn s, où p est un nombre premier, n ∈ N et p ne divise pas s, alors : Théorème 1. Il existe un p-Sylow de G d’ordre pn . Théorème 2. Tous les p-Sylow de G sont conjugués entre eux, i.e. si H et K sont deux p-Sylow de G, alors il existe un élément g dans G vérifiant gHg −1 = K. Théorème 3. Soit np le nombre de p-Sylow de G. Alors : 1. np divise s. 2. np ≡ 1 (mod p). 2 Démonstration La démonstration des théorèmes de Sylow repose sur des propriétés de l’action par conjugaison du groupe G sur lui-même et sur l’ensemble de ses parties, ainsi que de la restriction de cette action à un sous-groupe H : P 1. l’équation aux classes de G, |G| = |Z(G)| + i [G : Zi ], où (a) Z(G) est le centre de G, (b) chaque Zi est un sous-groupe strict de G, d’indice [G : Zi ] > 1 ; 2. |Cl(S)| = [G : N (S)], où (a) S est n’importe quel sous-ensemble de G, (b) Cl(S) est sa classe de conjugaison, dont les éléments sont les parties de G de la forme gSg −1 , pour chaque g dans G, (c) le sous-groupe N (S) est le normalisateur de S dans G ; 3. de même, |ClH (S)| = [H : NH (S)], où (a) ClH (S) est la classe de conjugaison de S par les éléments de H, c’est-àdire l’ensemble des hSh−1 , pour chaque h dans H, (b) NH (S) = H ∩ N (S). 2 2.1 Théorème 1 On procède par récurrence sur l’ordre de G. Si cet ordre vaut 1 (ou plus généralement si n = 0, i.e. si p ne divise pas l’ordre de G), le groupe trivial est bien un sous-groupe de G d’ordre pn = 1. Supposons désormais que G est non trivial, et que le théorème 1 est vérifié pour tout groupe d’ordre strictement plus petit que celui de G. – Si G a un sous-groupe strict d’indice premier à p alors, d’après l’hypothèse de récurrence, ce sous-groupe a un sous-groupe d’ordre pn ; ainsi, il en est de même pour G. – Si au contraire tous les sous-groupes stricts de G sont d’indice divisible par p alors, dans l’équation aux classes, |G| et tous les [G : Zi ] sont divisibles par p, donc |Z(G)| aussi. Comme de plus Z(G) est abélien, il a un sous-groupe H d’ordre p. Ce sous-groupe H étant normal dans G (car inclus dans le centre de G), on peut considérer le groupe quotient G/H, dont l’ordre est pn−1 s. D’après l’hypothèse de récurrence, G/H possède alors un sous-groupe L d’ordre pn−1 . Soit K l’image réciproque de L par la projection canonique de G sur G/H : c’est un sous-groupe de G contenant H, et K/H est isomorphe à L (d’après le premier théorème d’isomorphisme). Puisque H est d’ordre p, alors K est d’ordre pn . 2.2 Théorème 2 et 3 Soient K un p-Sylow de G, nK le nombre de ses conjugués, et H un p-Sylow quelconque de G. Alors la classe de conjugaison Cl(K), orbite de K pour l’action du groupe G, est naturellement P partitionnée en sous-orbites pour l’action (restreinte) du groupe H. Ainsi nK = i |ClH (Li)|, où l’on a choisi un élément Li dans chaque sous-orbite. Or le cardinal [H : NH (L)] de toute sous-orbite d’un élément L de Cl(K) : – est une puissance de p, comme tout indice fini d’un sous-groupe dans un pgroupe ; – est égal à 1 (si et) seulement si H = L. En effet, si 1 = [H : NH (L)] = [H : H ∩ N (L)] alors H est inclus dans N (L), si bien que HL est un groupe dans lequel L est normal. De plus, d’après le deuxième théorème d’isomorphisme, le groupe quotient de HL par L est isomorphe au groupe H/(H ∩ L), donc c’est un p-groupe. Comme L est également un p-groupe, il en va de même pour HL. Par maximalité de H et L on en déduit : H = HL = L. En appliquant ce qui précède au cas particulier H = K, on en déduit que nK est une somme de puissances de p dont exactement une vaut 1, donc que nK est congru à 1 modulo p. En particulier, nK n’est pas divisible par p. Donc en appliquant ensuite ce qui précède à un p-Sylow H quelconque, on en déduit qu’il existe au moins un L dans Cl(K) tel que H = L, autrement dit : que H est un conjugué de K. Par conséquent, le nombre np de p-Sylow de G est exactement nK . L’autre fait concernant np suit presque immédiatement : puisque np = nK est congru à 1 modulo p, il est premier avec pn . Or par ailleurs nK = [G : N (K)] divise |G| = pn s. On en déduit qu’il divise s. 3 Remarque. Une grande partie des arguments utilisés ci-dessus reste valable aussi longtemps que |Cl(K)| = [G : N (K)] est fini ; ainsi nous pouvons énoncer de façon analogue le Théorème de Sylow pour les groupes infinis : Si l’un des p-Sylow de G n’a qu’un nombre fini de conjugués, alors tous les p-Sylow de G sont conjugués, et leur nombre est congru à 1 modulo p. Dans ce théorème, l’hypothèse est cruciale : il existe des groupes (nécessairement infinis) possédant des p-Sylow non conjugués et même non isomorphes, par exemple le produit libre de deux p-groupes non isomorphes et non triviaux, ou encore le « groupe symétrique dénombrable », i.e. le sous-groupe du groupe symétrique S(N) constitué des permutations à support fini. 3 Applications Dans cette partie, G désigne un groupe d’ordre pn s, où p est un nombre premier, n ∈ N et p ne divise pas s. Théorème de Cauchy : G possède un élément d’ordre p. Démonstration. D’après le Premier Théorème de Sylow(1.2) , G possède un groupe P d’ordre p. p étant premier, P est un groupe cyclique. Tout générateur de P est donc d’ordre p. Remarque. Le Théorème de Cauchy (∼ 1825) est antérieur au Premier Théorème de Sylow (1872). Corollaire 1. Si G est un groupe non réduit à {1} dont tous les éléments différents de 1 sont d’ordre une puissance non nulle d’un nombre premier p alors G est un p-groupe. Démonstration. Soit q un diviseur premier de l’ordre de G. D’après le Théorème de Cauchy, G possède un élément d’ordre q. Or tous les éléments de G, différents de 1, sont d’ordre une puissance non nulle de p, donc q = p. Le seul diviseur premier de l’ordre de G est p donc G est un p-groupe. Regardons comment un p-sous-groupe de Sylow passe au sous-groupe et au quotient : Proposition 1. Soient G un groupe fini d’ordre divisible par un nombre premier p, N un sous-groupe normal de G d’ordre divisible par p et P un p-sous-groupe de Sylow de G. Alors, 1. P ∩ N est un p-sous-groupe de Sylow de N . 2. P N/N est un p-sous-groupe de Sylow de G/N . 4 Démonstration. Posons |G| = spn et |N | = s0 pm où n et m sont des entiers strictement positifs, n ≥ m, p ne divise pas s et s0 divise s. 1. Soit Q un p-sous-groupe de Sylow de N . Q est un p-sous-groupe de N donc un p-sous-groupe de G. D’où, d’après le Second Théorème de Sylow (1.2), il existe un p-sous-groupe de Sylow P 0 de G tel que Q est inclus dans P 0 . Mais toujours d’après le Second Théorème de Sylow, il existe un élément g de G tel que gP 0 g −1 = P . Donc, gQg −1 est inclus dans P . N étant normal dans G et Q étant inclus dans N , gQg −1 est inclus dans N . D’où, gQg −1 est inclus dans P ∩ N . L’ordre de P ∩ N divise les ordres de P et de N par le Théorème de Lagrange. D’où, P étant un p-sous-groupe de G, l’ordre de P ∩ N est de la forme pa avec 0 ≤ a ≤ m. Puisque P ∩ N contient le p-sous-groupe de Sylow gQg −1 , |P ∩ N | ≥ pn . Ainsi, |P ∩ N | = pn et P ∩ N est donc un p-sous-groupe de Sylow de N . 2. Par le Deuxième Théorème d’isomorphisme, P N/N est isomorphe à P/P ∩N . D’où, |P N/N | = |P/P ∩ N | = pn−m car P ∩ N est un p-sous-groupe de Sylow de N . Comme |G/N | = ss0 pn−m , P N/N est un p-sous-groupe de Sylow de G/N . Énonçons un des résultats les plus utiles découlant du Second Théorème de Sylow (1.2) : Proposition 2. Soit G un groupe fini d’ordre divisible par un nombre premier p. Soit P un p-sous-groupe de Sylow de G. Alors, P est l’unique p-sous-groupe de Sylow de G si et seulement si P est normal dans G. Démonstration. D’après le Second Théorème de Sylow (1.2), G opère transitivement par conjugaison sur Sp (G). (=>) Pour tout élément g de G, gP g −1 est un p-sous groupe de Sylow de G donc, par unicité, gP g −1 = P . P est normal dasn G. (<=) Soit Q un p-sous groupe de Sylow de G. Il existe un element g de G tel que Q = gP g −1 . Or gP g −1 = P donc Q = P . P est l’unique p-sous-groupe de Sylow de G. Remarque. En particulier, si G est un groupe abélien fini d’ordre divisible par un nombre premier p alors G ne possède qu’un seul p-sous-groupe de Sylow. Cette Proposition est souvent utilisée pour démontrer la simplicité de certains groupes. Par exemple : Corollaire 2. Tout groupe fini d’ordre pq, où p et q sont deux nombres premiers distincts, n’est pas simple. 5 Démonstration. Supposons q < p et montrons que np (G) = 1 : par le Second Théorème de Sylow (1.2), np (G) divise q et est congru à 1 modulo p. Mais 1 < q < p donc q ne peut être congru à 1 modulo p. D’où, np (G) = 1. G possède un unique psous-groupe de Sylow P donc, d’après la Proposition précédente, P est normal dans G. P étant différent de {1} et de G (car 1 < p = |P | < pq = |G|), G n’est pas simple. Avec des conditions supplémentaires, on a un meilleur résultat : Proposition 3. Soit G un groupe fini d’ordre pq où p et q sont deux nombres premiers distincts. Si p est non congru à 1 modulo q et q non congru à 1 modulo p alors G est cyclique, abélien et isomorphe à Z/pZ ∗ Z/qZ. Démonstration. D’après le Second Théorème de Sylow(1.2), np (G) divise q et est congru à 1 modulo p. Comme q n’est pas congru à 1 modulo p, np (G) = 1. De même, nq (G) = 1. D’où, G possède un unique p-sous-groupe de Sylow P et un unique q-sous-groupe de Sylow Q. D’après la Proposition 2(2), P et Q sont normaux dans G. P étant d’ordre p premier, P est cyclique engendré par un élément x. De même, Q est cyclique engendré par un élément y. Montrons que x et y commutent : d’après le Théorème de Lagrange, |P ∩ Q| divise |P | = p et |Q| = q. Or p et q sont premiers entre eux donc |P ∩Q| = 1 et P ∩Q = {1}. Puisque P et Q sont normaux dans G, xyx−1 y −1 appartient à P ∩ Q = {1}. D’où, xy = yx et x et y commutent. Montrons que xy engendre G : puisque x et y commutent xy pq = xpq y pq = 1 car x est d’ordre p et y est d’ordre q. Soit m un entier strictement positif tel que xy m = 1. On a alors xm y m = 1 c’est à dire xm = y −m et x−m = y m . D’où, xm et y m appartiennent à P ∩ Q = {1}. On a donc xm = 1 ce qui entraîne que p divise m et y m = 1 qui implique que q divise m. Ainsi, ppcm(p, q) = pq divise m. D’où, xy est d’ordre pq = |G|. G est cyclique engendré par xy. Puisque |P ∩ Q| = 1, on a |P Q| = |P ||Q| = pq = |G|, donc G = P Q. D’où, P et Q étant normaux dans G et P ∩ Q étant réduit à {1}, G = P Q est isomorphe à P ∗ Q. P étant cyclique d’ordre p, P est isomorphe à Z/pZ. De même, Q est isomorphe à Z/qZ. D’où, G est isomorphe à Z/pZ ∗ Z/qZ. Remarque. 1. Pour montrer que G est isomorphe à Z/pZ ∗ Z/qZ, on pouvait aussi utiliser le Théorème chinois : G étant un groupe cyclique d’ordre pq, G est isomorphe à Z/pqZ groupe isomorphe à Z/pZ ∗ Z/qZ. 2. D’après cette Proposition, il n’y a qu’un seul groupe, à isomorphisme près, d’ordre pq où p et q sont deux nombres premiers distincts, p non congru à 1 modulo q et q non congru à 1 modulo p. Par exemple, Z/3Z ∗ Z/5Z est le seul groupe, à isomorphisme près, d’ordre 15. 6 Considérons un cas plus général : Proposition 4. Soit G un groupe fini d’ordre pn1 1 ...pnk k où p1 , ..., pk sont des nombres premiers distincts et n1 , ..., nk des entiers strictement positifs. Si, pour tout i compris entre 1 et k, G ne possède qu’un seul pi -sous-groupe de Sylow Pi alors G = P1 ...Pk , G est isomorphe au produit direct P1 ∗ ... ∗ Pk . Démonstration. D’après la Proposition 2 (2), Pi est normal dans G pour tout i compris entre 1 et k. D’où, l’ensemble H = P1 ...Pk est un sous-groupe normal de G. Montrons que H est isomorphe à P1 ∗ ... ∗ Pk : il suffit de montrer que Pi ∩ Pi+1 ...Pk est réduit à {1} quel que soit l’entier i compris entre 1 et k − 1. Soit i compris entre 1 et k − 1. D’après le Théorème de Lagrange, |Pi ∩ Pi+1 ...Pk | divise |Pi | et |Pi+1 ...Pk |. Si i = n − 1 alors |Pi+1 ...Pk | = |Pk |. i+1 ||Pi+2 ...Pk | . Sinon, |Pi+1 ...Pk | = |P|Pi+1 ∩(P i+2...P k)| D’où, quel que soit i compris entre 1 et k − 1, |Pi+1 ...Pk | divise |Pi+1 |. Par conséquent, |Pi ∩ Pi+1 ...Pk | divise |Pi | et |Pi+1 |. Mais pi et pi+1 sont premiers entre eux donc |Pi ∩ Pi+1 ...Pk | = 1 et Pi ∩ Pi+1 ...Pk = {1} Ainsi, H est isomorphe à P1 ∗ ... ∗ Pk . On en déduit que |H| = |P 1|...|P k| = pn1 1 ...pnk k = |G| et donc : G = H = P 1 ∗ ... ∗ P k Corollaire 3. Soit G un groupe abélien fini d’ordre pn1 1 ...pnk k où p1 , ..., pk sont des nombres premiers distincts et n1 , ..., nk des entiers strictement positifs. Alors, G est isomorphe au produit direct de ses pi -sous-groupes de Sylow. Démonstration. Puisque G est abélien, il ne possède, pour chaque i compris entre 1 et n, qu’un seul pi -sous-groupe de Sylow. On applique alors la Proposition précédente. 7