IMAGERIE DES COMPLICATIONS DE LA THROMBOSE DE L’ARTERE DU GREFFON HEPATIQUE E-M. KIEFFER, J. CHARTON, V. FAUCHER, L. FOESSEL, G. BAZILLE, M-N ROEDLICH, M. GREGET, C. ROY Nouvel Hôpital Civil, Hôpital de Hautepierre STRASBOURG JFR 2011 Introduction Traitement des hépatopathies terminales, la transplantation hépatique concerne actuellement plus de 1000 nouveaux patients/an en France. Les complications sont nombreuses tant immunitaires que vasculaires, biliaires ou infectieuses. La thrombose de l’artère du greffon hépatique est l’une des complications graves les plus fréquentes. Un diagnostic précoce est nécessaire à un traitement efficace, au risque bien souvent de perdre le greffon. Plan 1. La transplantation hépatique 2. Imagerie de surveillance Modalités Aspects post-greffe normaux Spécificité de l’échographie doppler a. b. c. 3. Complications: multiples 4. La thrombose de l’artère du greffon hépatique Epidémiologie Clinique Biologie Facteurs de risque Urgence diagnostique Complications de la thrombose de l’artère du greffon a. b. c. d. e. f. g. Physiopathologie Détail des complications Traitements 5. Cas cliniques 6. Conclusion QCM 1.La transplantation hépatique (exemple de transplantation orthotopique) Elle consiste schématiquement en quatre phases : 1. Hépatectomie : prélèvement du foie natif 2. Anhépatie : revascularisation veineuse : anastomose de la veine cave inférieure( VCI) 2 techniques - « remplacement » de la VCI rétrohépatique du receveur par celle du donneur - conservation de la VCI rétrohépatique et anastomose entre les deux VCI en « piggy-back » +++ anastomose portale anastomose des veines sus-hépatiques (VSH) 3. Reconstruction artérielle : - Anastomose entre le tronc coeliaque ou l’artère hépatique commune du greffon et l’artère hépatique(AH) native, juste en aval de l’artère gastroduodénale (avec possibilité d’interposition de greffon iliaque si besoin). - Recherche et réimplantation des artères accessoires (10%). 4. Reconstruction biliaire : - Anastomose cholédoco- cholédocienne termino-terminale avec ou sans drain de Kehr (avec possibilité d’anastomose cholédocojéjunale en cas de maladie des voies des voies biliaires). 2. Imagerie de surveillance a. Modalités Echographie – doppler +++ au lit du patient, avec : étude du greffon de sa vascularisation, des voies biliaires, de la cavité abdominale. Contrôles journaliers pendant les 5 premiers jours au moins selon les équipes, période de risque maximal de complication vasculaire. Objectif : détection précoce des anomalies, en particulier vasculo-biliaires. TDM +/- Angio-TDM pour confirmation diagnostique après l’échographie doppler le plus souvent. Bili-IRM et IRM hépatique avec produit de contraste hépatospécifique (ex : Multihance ®) si besoin. +/- Angiographie En fonction des pathologies décelées. b. Aspects post-greffe normaux en échographie, TDM et IRM Parenchyme hépatique : Homogène et/ou hétérogène Œdème périportal possible transitoirement Voies biliaires : non dilatées Environnement : Possible épanchement pleural droit Ascite minime Hématomes rétrohépatiques ou dans la loge de cholécystectomie : possibles dans les 15 premiers jours. c. Spécificité de l’échographie doppler +++ Etude de l’artère hépatique (AH) , de ses branches droite et gauche ainsi que l’anastomose si possible. Aspects post-greffe normaux A JEUN : Pic de montée systolique < 0,08 s Vitesse moyenne (Vmoy) entre 40-80 cm/s Flux diastolique continu positif Index de résistance (IR) entre 0,5 et 0,8 La réalisation A JEUN est primordiale !! Des IR inférieurs à 0,6 seraient prédictifs de la survenue de complications vasculaires graves concernant l’AH, la VP ou les VSH Des IR > 0,8 dans les 72h post transplantation peuvent être observés. Ils sont dus à l’augmentation transitoire de la résistance à l’écoulement secondaire à l’œdème organique post-opératoire immédiat. La réalisation à jeun est primordiale car en post-prandial la balance artério-portale augmente le flux portal et diminue le flux artériel. On observe donc de façon physiologique une diminution du pic systolique et de la composante diastolique avec une nette augmentation des IR. Ce phénomène n’étant pas d’origine nerveuse mais biochimique il existe tant sur un foie natif que transplanté. Veines sus-hépatiques : - flux hépatofuge - flux multiphasique rarementd’emblée triphasique Veine porte : - flux continu hépatopète avec modulation respiratoire - en post-opératoire précoce un flux hélicoïdal voire turbulent est possible - possible réduction de calibre au niveau de l’anastomose 3. Complications multiples +++ Rejet : aigu ou chronique Vasculaires Thrombose / sténose : artère hépatique, veine porte, VCI ou VSH Pseudoanévrysmes Infarctus hépatique La thrombose de l’artère hépatique étant la complication grave la plus fréquente. Biliaires : Obstructions, sténose de l’anastomose Calculs Fuite biliaire, bilome Nécrose des voies biliaires Cholangite Autres Hématomes Abcès et complications infectieuses, bactériennes ou virales Hypertension portale Infarctus splénique Rechute maligne, lymphoprolifération post transplantation 4. Thrombose de l’artère hépatique du greffon a. Epidémiologie Complication vasculaire la plus fréquente : 4-12 % chez l’adulte, 2,7-20 % chez l’enfant Entre 15-132 j après transplantation Possible tardivement > 30 j post greffe, en moyenne 6 mois 1,6 – 10,5% Complication grave : Possible perte du greffon 27-58% de décès jusqu’à 73% de décès en l’absence de retransplantation b. Clinique Clinique des complications de la thrombose : Asymptomatique !! Douleur, ictère Bactériémies, fièvre, choc septique Cholangites récurrentes c. Biologie Hyperleucocytose possiblement isolée ! Augmentation des enzymes hépatiques, avec possible augmentation des PAL seules Peut être normale si compensation par des collatérales lors des thromboses tardives ! d. Facteurs de risque À connaître pour déterminer la fréquence de la surveillance FACTEURS DE RISQUE NON CHIRURGICAUX : Rejet Age du donneur > 60 ans Temps d’ischémie froide Troubles hémodynamiques peropératoires Troubles de la coagulation Infection à CMV Excès de transfusion de plasma frais congelé Tabagisme FACTEURS DE RISQUE CHIRUGICAUX : Diamètre de l’artère hépatique inférieur à 3 mm Variantes anatomiques vasculaires Suture anastomotique continue au lieu de suture discontinue Interposition de greffon vasculaire Anastomose termino-terminale Transplantation chez l’enfant e. Urgence diagnostique Echographie : thrombus hyperéchogène Echographie doppler (sensibilité = 91 %, spécificité =99,1%) : IR < 0,5 Augmentation du temps de montée systolique > 0,08s Flux non visible (attention au diagnostic différentiel avec un spasme artériel ou un bas débit) Vitesse dans la branche droite ou gauche de l’artère hépatique < 0,4 m/s L’échographie avec Sonovue® serait plus sensible. Aspect de tardus-parvus : Faux négatifs : Vaisseaux collatéraux périportaux en cas de thrombose chronique Aspect de tardus-parvus : Tardus : temps de montée systolique lent > 0,08 s Parvus : pic de vitesse maximal plus faible Diminution des IR <0,5 Faux positifs de l’échographie : Œdème hépatique important Hypotension systémique Sténose de haut grade de l’AH Arrêt net de l’opacification de l’artère hépatique propre du greffon Confirmation : par angio-TDM+++ > angio-IRM TDM : acquisitions sans IV puis aux temps artériel (avec déclenchement automatique de l’acquisition) et portal IRM avec injection; limites : durée d’examen longue et apnées 20-30s Diagnostic positif : arrêt brutal du flux artériel, en général au site de l’anastomose Bilan des complications associées : Ischémies, abcès… Le gold-standard reste toutefois l’angiographie f. Complications de la thrombose de l’artère du greffon i. Physiopathologie La vascularisation des voies biliaires sur un foie natif est DOUBLE par : Artère hépatique Réseau épicholédocien formé par l’anastomose entre Les collatérales de l’artère gastro-duodénale L’arcade pancréatico-duodénale postérieure Ce réseau épicholédocien assure une suppléance pour les VBIH en cas d’anomalie de l’artère hépatique Par contre chez un sujet transplanté SEULE existe l’artère hépatique. D’où la fréquence et la gravité des atteintes biliaires lors des thromboses de cette dernière. Par ailleurs la vascularisation d’un foie natif est assurée par l’artère hépatique, le système porte et des vaisseaux collatéraux. Ces derniers assurent donc des voies de suppléance en cas de thrombose de l’artère hépatique. Pour un foie transplanté, la ligature des voies de suppléance lors de la greffe entraîne souvent la perte du greffon en cas de thrombose de l’AH, le tronc porte étant insuffisant pour assurer la viabilité du foie transplanté. L’ischémie et l’infarcissement du greffon sont ainsi beaucoup plus fréquents chez le patient greffé. ii. Détail des complications Anomalies biliaires : Ischémie des voies biliaires Sténoses biliaires non-anastomotiques ++++ ( liées à l’ischémie modérée et chronique) et anastomotiques (liées à la fibrose) Fuites biliaires Bilomes Abcès hépatiques suite à des infarcissements localisés Perte du greffon, décès du patient g. Traitements de la thrombose Thrombose précoce ( < 30 j) : Thrombolyse, thrombectomie Angioplastie, reconstruction artérielle Retransplantation en urgence Thrombose tardive ( > 30 j) : en fonction de la normalité du bilan hépatique, l’abstention est envisageable en raison du développement de collatéralités. Sinon, le traitement est similaire à celui de la thrombose précoce hormis la thrombolyse. Traitement des complications Par radiologie interventionnelle +++ : Drainages percutanés des abcès Stents trans-hépatiques Par chirurgie : Cholédocojéjunostomie Résection élective Re-transplantation 5. Cas cliniques a. Homme de 53 ans, J18 post greffe hépatique, perturbations du bilan hépatique • Echographie doppler en urgence : -IR < 0,5 -Temps de montée systolique > 80 ms • Angio-TDM de confirmation diagnostique : Reconstruction VR : Reconstruction MIP : Arrêt net du produit de contraste à l’origine de l’artère hépatique propre du greffon Thrombose de l’artère hépatique du greffon Artère mésentérique supérieure Tronc coeliaque Artère splénique b. Homme de 45 ans, J50 post greffe hépatique, perturbations majeures du bilan hépatique Scanner injecté au temps veineux : hypodensités larges le long de l’arbre biliaire Découverte d’une thrombose de l’artère hépatique . Nécrose des voies biliaires intra-hépatiques post thrombotique. Rappel: les voies biliaires intra-hépatiques d’un foie transplanté sont vascularisées uniquement par l’artère hépatique au contraire d’un foie natif. c. Femme de 42 ans, J53 post greffe hépatique, thrombose de l’artère hépatique, cholestase tardive après reperfusion • Bili-IRM : Sténoses et dilatations successives distales des VBIH post ischémiques Cholangite ischémique post thrombotique. d. Même patiente, 3 mois plus tard, syndrome infectieux clinique et biologique IRM hépatique : T2 T1 Multiples hypersignaux T1 et T2 intra-hépatiques situés en regard des lésions de cholangite ischémique Multiples abcès hépatiques post cholangite ischémique, elle-même due à la thrombose de l’artère du greffon e. Homme de 61 ans, J154 post greffe, thrombose de l’artère du greffon hépatique. 3 semaines plus tard, après revascularisation, apparition d’un syndrome infectieux et de douleurs abdominales Echographie : Formation arrondie, de contenu hypoéchogène, hétérogène d’environ 5cm de diamètre. Volumineux abcès intra hépatique IRM T2 : Formation présentant un niveau hydro-aérique avec un hypersignal franc f. Homme de 58 ans, thrombose de l’artère du greffon, cholangite ischémique, douleurs abdominales, perturbations du bilan hépatique Scanner injecté au temps veineux : Discrète hypodensité périphérique : ischémie localisée du greffon Formation hypodense , bien limitée du segment VII : abcès ? Autre ? Décision de réalisation d’une IRM hépatique Bili-IRM : Formation en hypersignal communiquant avec l’arbre biliaire Bilome post cholangite ischémique, elle-même post-thrombotique. 6. Conclusion La thrombose de l’artère du greffon hépatique est une des complications graves les plus fréquentes. L’examen de dépistage est l’échographie doppler: Absence totale de flux Ou flux anormal : temps de montée systolique > à 0,08 s et IR< 0,5 Confirmation par angio-TDM, puis traitement en urgence. La vascularisation des voies biliaires étant dépendante de l’artère hépatique uniquement chez le transplanté, les complications biliaires sont fréquentes. QCM n°1 Epidémiologie, biologie a. La thrombose de l’artère du greffon hépatique est l’une des complications vasculaires les plus fréquentes. b. Elle touche majoritairement l’adulte. c. Le bilan biologique peut être strictement normal. Réponses QCM n°1 a. La thrombose de l’artère du greffon hépatique est l’une des complications vasculaires les plus fréquentes. >> Faux, c’est LA complication la plus fréquente. b. Elle touche majoritairement l’adulte. >> Faux, elle intervient surtout chez l’enfant. a. Le bilan biologique peut être strictement normal. >> Vrai ! En raison du développement de collatéralités. QCM n° 2 Radiologie En imagerie, un aspect post greffe normal correspond à : Une ascite modérée associée à un œdème périportal Des IR > 0,8 en post-greffe précoce Un parenchyme hétérogène Des IR compris entre 0,5 et 0,8 Une dilatation des voies biliaires en post-greffe précoce Réponses QCM n°2 En imagerie, un aspect post greffe normal correspond à : Une ascite modérée associée à un œdème périportal >> Vrai mais transitoirement Des IR > 0,8 en post-greffe précoce >> Vrai pendant 72h Un parenchyme hétérogène >> Vrai possible transitoirement Des IR compris entre 0,5 et 0,8 >> Vrai Une dilatation des voies biliaires en post-greffe précoce >> Faux ! Une dilatation des voies biliaires est toujours pathologique. QCM n°3 Complications Les complications biliaires sont plus fréquentes sur un foie transplanté que natif car : Les thromboses de l’artère hépatique sont plus fréquentes La vascularisation de l’arbre biliaire n’est assurée que par l’artère hépatique et l’arcade pancréaticoduodénale Les plaies biliaires sont fréquentes lors de la transplantation Réponses QCM n °3 Les complications biliaires sont plus fréquentes sur un foie transplanté que natif car : Les thromboses de l’artère hépatique sont plus fréquentes >> Vrai La vascularisation de l’arbre biliaire n’est assurée que par l’artère hépatique et l’arcade pancréatico-duodénale >> Faux. La vascularisation biliaire dépend initialement uniquement de l’artère hépatique Les plaies biliaires sont fréquentes lors de la transplantation >> Faux.