REVUE DE PRESSE dirigé par
le Pr T. Moreau
374 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009
Mise à jour des grid cells
La découverte des
grid cells
en 2005 est l’avancée la plus récente dans la recherche des corrélats
neuronaux de la cognition spatiale. Ces cellules, observées pour la première fois chez le rat, par
le groupe de E. Moser, se caractérisent par des pics de décharges multiples et régulièrement
espacés couvrant la totalité de l’espace exploré par l’animal. Chacune de ces cellules enregistrées
dans le cortex entorhinal médian (MEC) forme donc un quadrillage de l’environnement spatial.
De nombreux modèles et hypothèses ont évidemment été proposés afin d’expliquer comment
ces
grid cells
venaient compléter ou engendrer les
place cells
(déchargeant quand l’animal se
trouve à un emplacement précis) et
head direction cells
(déchargeant quand l’animal est orienté
dans une certaine direction, quelle que soit sa position). Cependant, si cette découverte est
passionnante à de nombreux égards, elle n’explique pas comment l’ensemble de ces cellules
codant pour l’espace influencent ou conditionnent le comportement spatial d’un animal.
C’est à cette question que tente de répondre l’étude réalisée par le groupe de E. Moser. Pour
cela, ils ont enregistré les
grid cells
alors que les animaux effectuent des allers-retours dans
un labyrinthe en zig-zag. Dans cet appareil, où les allées sont parallèles entre elles, il apparaît
que chaque
grid cell
présente deux grilles juxtaposées : chaque grille se répétant pour chaque
bras parcouru dans la même direction (une grille pour les bras parcourus du sud vers le nord
et une autre pour les bras parcourus du nord vers le sud). En plus de cette fragmentation de
la “grille”, les auteurs démontrent que ce double quadrillage dépend non seulement du sens
de déplacement de l’animal, mais qu’il est aussi ancré au point de départ de chaque bras. Cela
suggère que, même si dans un environnement ouvert les
grid cells
codent pour un espace
unique et indépendant des déplacements de l’animal, il semble ici que le codage cartésien
fait place à un codage moins abstrait et davantage en rapport avec les indices idiothétiques
(moteurs, vestibulaires) induits par la navigation dans un espace fragmenté.
S. Valerio,
Dartmouth College, États-Unis
La neuropathologie des patients atteints
de maladie d’Alzheimer probable
et de Mild Cognitive impairment
La neuropathologie de la maladie d’Alzheimer (MA), dite “probable” selon les critères cliniques
actuels (NINCDS-ADRDA), est encore imparfaitement élucidée et celle du syndrome trouble
cognitif léger ou mild cognitive impairment (MCI), défini ici comme un trouble cognitif décelé
par le neuro-psychologue sans diagnostic de démence selon le neurologue, l’est encore moins.
Cette étude s’est penchée sur les corrélats clinico-pathologiques observés chez 483 sujets
décédés ayant participé à l’une des deux études longitudinales de cohorte portant sur les
effets du vieillissement cérébral et les démences (la Religious Orders Study et le Memory
and Aging Project). Chaque sujet inclus était classé cliniquement dans l’un des trois groupes
suivants: cognition normale (170 sujets), MCI (134 sujets) et MA probable (179 sujets).
L’examen neuropathologique a ensuite établi le type de lésions cérébrales observées en
recherchant tout particulièrement les plaques séniles, les dégénérescences neuro-fibrillaires,
les infarctus cérébraux et les dépôts d’α-synucléine (corps de Lewy). Presque 9 patients sur 10,
dont le diagnostic clinique était celui de MA probable, présentaient des lésions histologiques
compatibles confirmant ainsi la MA. Cependant, la moitié d’entre eux avaient aussi des lésions
vasculaires et/ou une α-synucléinopathie. Les patients MCI avaient des lésions cérébrales dans
environ 75 % des cas (de type MA dans 50 % des cas). Les sujets sans trouble cognitif décelé
présentaient également des lésions cérébrales dans plus de 50 % des cas (40 % de type MA).
S. Epelbaum,
service de neurologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Commentaire
Cette étude neuropathologique prospective
regroupe deux études de cohorte américaines,
gagnant ainsi en puissance. Si le diagnostic de
MA probable est souvent confirmé histologique-
ment, on voit bien ici les limites du diagnostic de
MCI, entité trop disparate. Cela est certainement
dû au choix de la définition du syndrome, très
large et aspécifique : trouble cognitif décelé par
le neuro-psychologue sans diagnostic de démence
selon le neurologue, classé de type amnésique si
une atteinte de la mémoire épisodique est décrite
par le neuro-psychologue. L’utilisation de tests
plus spécifiques de la mémoire épisodique et
des différents processus cognitifs qui la compose
(par exemple le test de rappel libre rappel indicé
16 items de Gröber et Buschke) permettrait sûre-
ment d’augmenter la proportion de MA histo-
logiques au sein du groupe MCI. Enfin, le taux
important de sujets sains qui présentent des lésions
cérébrales histologiques fait réfléchir quant à
l’inter prétation desdites lésions en pathologie.
Référence bibliographique
Schneider JA, Arvanitakis Z, Leurgans SE et al. The neuro-
pathology of probable Alzheimer disease and mild cogni-
tive impairment. Ann Neurol 2009;66(2):200-8.
Commentaire
On peut évidemment regretter que la tâche
comportementale utilisée ne permette pas de
corréler performances et codage des cellules.
Toutefois, il est très intéressant de remarquer que
ces cellules – qui dans un espace ouvert semblent
former une carte abstraite de l’environnement
– sont influencées par la géométrie de l’environ-
nement. En d’autres termes, cette étude suggère
que ce quadrillage de l’espace dépend fortement
de ce que fait l’animal dans cet espace ainsi que de
la stratégie qu’il utilise pour s’orienter. Ce constat
suggère par conséquent que l’intégration des
indices idiothétiques, encore appelée “intégration
des trajets”, expliquerait cette fragmentation du
quadrillage spatial.
Référence bibliographique
Derdikman D, Whitlock JR, Tsao A et al. Fragmentation of
grid cell maps in a multicompartment environment. Nat
Neurosci 2009;12(10):1325-32.