ETHIQUE et FRANC-MAÇONNERIE
Quand je repense à l’évolution des découvertes scientifiques au 20
e
siècle, je suis
frappé de constater, comme vous sans doute, leur nombre et leur importance (pour
ne prendre en compte que les progrès scientifiques et techniques, et les grandes
catastrophes qui les ont accompagnés) depuis 60 ou 100 ans, en comparant aux
2000 ans qui les ont précédés.
Je ne referai pas ici un historique des progrès de la biologie (que vous trouverez en
annexe) mais je voudrais rappeler quelques faits : depuis la fin de la 2
nde
guerre
mondiale, on a découvert l’ADN, inventé la contraception, légalisé l’IVG, mis en place
la P.M.A., publié les lois de Bioéthique et aujourd’hui le thème encore à la mode et
qui fait toujours recette, c’est le clonage.
Les grandes catastrophes écologiques, de Seveso à l’Amoco Cadiz, en passant par
Bohpal, etc …, ont abouti à l’application de ce fameux principe de précaution sans
lequel on ne peut plus rien entreprendre !
Enfin les grandes pandémies, du SIDA au SRAS, (en passant par le Chikungunia), et
les épizooties, comme l’ESB, la grippe aviaire sont venues relativiser l’impression
que nous avions de notre domination, de notre maîtrise de la nature, de la matière et
du vivant.
Cela donne à réfléchir.
C’est pourquoi depuis quelques années, à la GLDF, comme dans les autres
obédiences, nous réfléchissons. Et nous essayons de construire, non pour DIRE
l’Ethique, mais bien pour poser des questions, être des agitateurs d’idées, comme
cela a toujours été et doit demeurer le rôle des F.M.
Devant les progrès extraordinaires de la biologie et de la médecine, des sciences et
des techniques, devant l’accélération des connaissances, il est apparu que les
Francs-Maçons (de toutes Obédiences) ne pouvaient rester étrangers ou indifférents
aux problèmes éthiques qui se posent au monde dans lequel ils vivent.
Ethique comme Initiatique sont deux termes très à la mode depuis quelques années
et très communément utilisés, à n’importe quelle occasion.
On parle de film initiatique, de roman initiatique, d’expérience initiatique, de voyage
initiatique, etc …
On parle d’éthique dans le sport, dans le commerce, dans les entreprises, dans la
politique, etc et bien sur dans la science et la médecine (bioéthique, sujet que nos
SS. et FF. médecins connaissent bien).
Nous allons essayer de comprendre, ensemble, ce que tout cela représente
effectivement.
Comme vous le savez, nous ne sommes ni à la Sorbonne, ni au Collège de France,
et ma planche de ce soir « Ethique et F.M. » ne prétend pas être une leçon
magistrale.
Je vais simplement essayer de vous dire ce qu’un F.M. initié il y a bientôt 30 ans,
pense de ce sujet, et je n’engagerai que moi-même, comme c’est l’usage.
Je vous dirai, en quelques mots, l’approche d’une définition de l’Ethique.
Je vous dirai aussi ce qu’est pour moi la F. M., et j’essayerai de vous faire partager
l’idée qu’un F.M. doit mettre un peu d’éthique dans sa vie, même si ce n’est pas
facile tous les jours.
Je vous dirai enfin pourquoi ce terme « Ethique », plus encore que le terme de
« Morale » convient à la démarche initiatique qui est la nôtre.
« Un maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la Loi morale … qui consiste à être des
Hommes bons et loyaux ou Hommes d’Honneur et de Probité… » (art. 1 des
Anciennes Obligations des Francs-Maçons). »
Cet extrait de nos textes fondateurs souligne demblée le rapport entre Ethique et
Franc-Maçonnerie.
[ Etant decin, je pourrais dire, à propos de l’Ethique, que je suis tombé dedans
quand j’étais petit, même si l’Ethique biomédicale (ou bioéthique) était balbutiante
dans les années 60 quand j’ai commencé mes études et qu’elle n’est qu’une partie
d’un vaste sujet : l’ÉTHIQUE.
Ce cheminement avec l’Ethique pour compagne de route s’est fait, sans doute, de
façon spontanée et ne s’est vraiment révélé à moi que le jour de la prestation du
serment d’Hippocrate (460-377 avant J. C.), il y a 34 ans cette année. ]
C’est la F.M. qui m’a permis de m’exprimer dans ce domaine pour la première fois.
En 1981, j’ai eu l’occasion, d’être rapporteur d’une Question à l’Etude des Loges
intitulée « Sciences de la vie et respect de l’Homme ».
[Jeune médecin (depuis 1972) et jeune maçon (depuis 1977) à l’époque, je fus le
rapporteur de cette question fondamentale et bien venue à l’époque dans notre
réflexion.]
1981, c’était les années Mitterrand, avant les découvertes qui sont survenues
depuis : la P.M.A., le clonage animal, le séquençage du génome humain, les
problèmes liés au développement des O.G.M., etc.
1
1981, c’était 2 ans avant la création du Comité Consultatif National d’Ethique pour
les Sciences de la Vie et de la Santé, qui a fêté ses 20 ans en 2003.
Dans la conclusion de son rapport, notre groupe de travail appelait de ses vœux la
création d’un « comité de sages ». Nous écrivions, sans savoir que notre idée
deviendrait réalité 2 ans plus tard : ‘’ Il faudra (…) une réflexion approfondie et
continue par un groupe d’hommes et de femmes, formé non seulement de
scientifiques et de politiques, mais aussi de personnes de compétences variées :
c’est l’affaire de tous, c’est aussi la nôtre mes chers FF. ‘’. (la création du CCNE, en
1983, a répondu à notre souhait formulé ci-dessus ! !)
Ce qui veut dire que l’essentiel est d’avoir des idées, d’être des « agitateurs d’idées »
et que, « poursuivant à l’extérieur l’œuvre commencée dans le temple », ces idées
finissent par se concrétiser.
On peut évoquer, à ce propos, les réalisations (ou la participation) de la maçonnerie
française, dans son ensemble, depuis le 19
e
siècle : l’abolition de l’esclavage en
1848, par notre F. Victor Schoelcher, l’instauration de l’école obligatoire par notre F.
Jules Ferry en 1881, la sécurité sociale en 1945, la Déclaration des Droits de
l’Homme en 1948, le droit de vote accordé aux femmes, le planning familial en 1956
(qui fête ses 50 ans cette année) avec le Dr Pierre Simon (ancien Grand-maître de la
1
Voir annexe
GLDF), la loi Neuwirth en 1973, la loi Veil en 1975, les propositions de H. Caillavet
pour le ‘’Droit de mourir dans la dignité‘’ qui ont été reprises, en partie, par la mission
Léonetti, puis par le ministre de la santé, avec le vote de la loi sur la fin de vie en
2005, (avec les décrets d’application parus en février 2006), etc.
Nous devons continuer d’être présents dans les grands débats de société.
Enfin, notre T. R. G.M., A. POZARNIK, nous a fait l’honneur, à quelques FF. . et à
moi-même, en septembre 2004, de nous demander de mettre en chantier la création
d’un « Groupe de Réflexion Ethique à la G. L. D. F. ». C’est ce Groupe que je
représente, ici ce soir.
Qu’est ce que l’Ethique ?
Un rapide rappel des définitions « classiques » est sans doute utile mais pour autant
ne sera pas posé comme base figée de discussion. En effet l’éthique doit être
évolutive, comme la morale a évolué au fil des siècles, et elle reste un perpétuel
questionnement et non une affirmation « dogmatique » de grands principes. Et les
définitions doivent s’imposer d’elles-mêmes, dans le consensus, à la fin d’un travail
et non, être imposées en préambule.
Tous les dictionnaires arrivent à peu près à une définition commune mais ce qui nous
interpelle, nous Francs-Maçons de la Grande Loge de France ce n’est pas tant les
définitions que le but : ‘’ mettre de l’Ethique dans sa vie de tous les jours ‘’ et réaliser
que, comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous sommes amenés à
avoir un questionnement éthique permanent parce que nous sommes Francs-
Maçons.
ETHIQUE : le terme fut introduit dans le langage philosophique par Aristote
(qui fut le premier à parler d’une éthique theoria dans les
Seconds Analytiques)
- adjectif, du grec êthicos, moral et de êthos, mœurs,
- nom féminin, science de la morale.
et
MORALE : adjectif, du latin moralis ; de mores, mœurs
nom féminin, partie de la philosophie qui traite des règles de
l’action, qu’il faut
suivre pour faire le bien et éviter le mal.
Ethique et morale sont souvent employés à tour de rôle dans le langage courant,
pourtant le français est précis et chaque mot à une signification claire.
L’Ethique : « C’est souvent un synonyme de morale, en plus chic. En deux mots : la
morale commande, l’éthique recommande » écrit A. Comte-Sponville.
Ethique et Morale ont la même étymologie, l’une grecque, l’autre latine, et font toutes
deux référence aux mœurs, bonnes ou mauvaises, des êtres humains.
Que les hommes s’inspirent du code d’Hammourabi, ou du Décalogue, ou qu’ils
soient issus d’autres civilisations, extrême-orientales par exemple, ces notions de
bien ou de mal se sont imposées depuis la nuit des temps, à leur esprit, pas toujours
à leurs actes ! Car, malheureusement, ils continuent de s’entretuer, au nom de ces
valeurs.
L’Ethique et la Morale sont de nature évolutive selon les époques et les civilisations.
L’Ethique est apparue depuis que l’homme pense et s’interroge sur le sens de la vie,
sur le pourquoi et le comment des choses.
Le premier auteur qui en a fait un ouvrage, ou plus exactement trois est Aristote
(385-322 avant J. C.) (qui écrivit l’Ethique à Nicomaque, l’Ethique à Eudème (345 av.
JC) et la Grande Ethique).
Pour certains, il reste le « père » de l’éthique. Le bonheur est posé comme la fin
dernière de l’activité humaine et la vertu comme le moyen pour y parvenir.
Suivant l’idée que l’on se fait de la finalité de l’humain sur terre, de son but, et du
bien, apparaissent des divergences : Aristote prône le bonheur, Epicure le plaisir,
Spinoza, le philosophe de l’éthique, prône la connaissance, Descartes la logique,
Kant, le grand philosophe de la morale, prône la volonté ‘’ bonne ‘’, Bergson
l’expérience, Marx sacrifie l’individu à la collectivité, d’où l’incontournable pluralité
des options philosophiques parfois inconciliables.
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