INTRODUCTION
La tuberculose reste une maladie d’actualité, son incidence
est en pleine ascension dans le monde en raison de la
survenue de l’épidémie du SIDA. Elle est responsable de
trois millions de morts par an. Les tuberculoses extra
pulmonaires représentent environ 20% des cas et la
tuberculose uro-génitale (TUG) environ 5 % des cas [1,
2, 3].
Le nombre de nouveaux cas de TUG recensés
annuellement oscille entre 260 et 305, soit une incidence
de 1 nouveau cas pour 100 000 habitants par an. C’est
une localisation secondaire de la maladie. Elle occupe le
5éme rang après le poumon, les ganglions, l’os et le tube
digestif [3, 4, 5].
La TUG est grave car son diagnostic est souvent tardif et
l'atteinte, le plus souvent bilatérale, menace le sujet
d'insuffisance rénale.
EPIDEMIOLOGIE
Elle touche avec prédilection l’adulte jeune. L’âge moyen
est de 40 ans, elle est rare avant 20 ans, et exceptionnelle
chez l'enfant; ceci est expliqué par la longue durée qu'il
faut au bacille de Koch pour entraîner des lésions
symptomatiques. La légère prédominance masculine
enregistrée est due à la fréquence de l’atteinte génitale
concomitante, aisément accessible à l’examen clinique
chez ’homme [6, 7].
PATHOGENIE
Le germe responsable est le plus souvent Mycobacterium
tuberculosis ou bacille de Koch (BK). Le diagnostic
bactériologique n'est que rarement possible à l'examen
direct des urines, les bacilluries étant intermittentes. La
mise en culture des urines sur milieu de Lowenstein est
systématique, et le diagnostic de tuberculose peut être
exclu si la culture est négative à 8 semaines.
Habituellement, le foyer urinaire se révèle entre 5 et 20
ans après le contage. Le BK atteint le rein par voie
hématogène. Les voies rétrogrades, à partir d'un foyer
vésical ou lymphatique sont exceptionnelles.
ANATOMOPATHOLOGIE
L’atteinte rénale commence par un envahissement
hématogène, soit au moment de l’infection pulmonaire
initiale ou moins souvent lors d’une réactivation tardive
et d’une dissémination de type milliaire. La dissémination
rénale, presque toujours bilatérale, aboutit à la formation
de lésions corticales granulomateuses dans les glomérules
qui peuvent évoluer soit vers la sclérose et la guérison,
soit vers la confluence et la propagation médullaire. Les
lésions médullaires constituent des érosions calicielles
définitives qui s’ouvrent dans les cavités excrétrices
donnant "la caverne". Les lésions au niveau des voies
excrétrices sont d'abord muqueuses, puis musculeuses,
puis adventicielles. L'évolution se fait vers la sclérose et
la sténose. Des lésions similaires peuvent survenir dans
l’uretère, la vessie, la prostate et l’épididyme. Il est classique
de dire que « le BK creuse le parenchyme rénal et sténose
la voie excrétrice » [3, 8, 9].
CLINIQUE
La TUG est souvent une maladie latente qui peut être
révélée par des signes urinaires: une cystite, symptôme
le plus fréquent, retrouvé entre 50 et 70% des cas. «Derrière
toute cystite traînante, peut se cacher une tuberculose!»,
une colique néphrétique ou des douleurs lombaires
-3-
TUBERCULOSE UROGENITALE : PLACE DE L'IMAGERIE
S. LEZAR, A. ADIL, R. KADIRI
Service central de Radiologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME
La tuberculose uro-génitale représente environ 5% des
localisations extra-pulmonaires. C’est une localisation secondaire
de la maladie. Elle est grave car son diagnostic est souvent tardif
et l'atteinte, le plus souvent bilatérale, menace le sujet
d'insuffisance rénale. L'imagerie est essentielle au bilan de la
maladie. L'UIV garde une place prédominante, en raison d'une
sémiologie urographique riche et très évocatrice du diagnostic.
A travers une collection personnelle et une revue de la littérature,
nous décrivons les aspects radiologiques des différentes
localisations de l'appareil urinaire.
Mots clés : tuberculose, infection, appareil urinaire, imagerie
Correspondance : Dr S. LEZAR, Service Central de Radiologie,
CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc. e-Mail : samir[email protected]
ABSTRACT
UROGENITAL TUBERCULOSIS : CONTRIBUTION OF IMAGERY
The urogenital tuberculosis represent about 5% of the extra
pulmonary localizations. It is a secondary localization of the
disease. It is a severe affection because its diagnosis is late and
the disease is often bilateral and may lead to renal failure. The
imaging is very important. The intravenous urography is
predominante because of a rich urographic symptomtology that
is very meaningful of the diagnosis. A travers une collection
personnelle et une revue de la littérature, nous décrivons les
aspects radiologiques des différentes localisations de l'appareil
urinaire. Through a personal experience and a review of the
literature, we describe the radiological aspects of the various
localizations of the urinary apparatus.
Key words : tuberculosis, infection, urinary apparatus, imagery
MISE
AU POINT
J Maroc Urol 2006;1:3-6
traduisant soit une urétérite sténosante, soit une obstruction
temporaire des voies urinaires par un calcul, des débris
de caséum ou un caillot. Des signes génitaux (épididymite,
fistule scrotale) ou des signes généraux (fièvre, hypertension
artérielle) sont plus rarement révélateurs de la maladie.
L'association de signes urinaires et génitaux est très
évocatrice de la TUG.
L’examen clinique est le plus souvent normal [7].
IMAGERIE
Urographie intraveineuse
L'arbre urinaire sans préparation [1, 4, 10] constitue le
premier temps d'une urographie intraveineuse. Il est
normal dans 78% des cas. Il permet de montrer :
Des anomalies morphologiques: petit ou plus rarement
gros rein, irrégularités des contours rénaux, parfois pôle
atrophié.
Des calcifications qui sont présentes entre 10 et 40%
des cas. Elles peuvent être intra parenchymateuses, peu
denses, amorphes, de contours flous intéressant une
partie ou la totalité du rein réalisant le classique «rein
mastic», ou très denses se présentant comme un piqueté
ou comme des opacités nodulaires. Ces calcifications
peuvent intéresser la paroi de la voie excrétrice, elles
sont curvilignes, arciformes soulignant les contours du
bassinet ou des parois urétérales.
Des lithiases de la voie excrétrice fréquemment associées
à la TUG.
Autres signes de la maladie tuberculeuse: calcifications
prostatiques, vésiculaires, déférentielles, surrénaliennes,
hépatiques, spléniques, ganglionnaires, basithoraciques
ou encore mal de Pott ou coxite.
L'urographie intraveineuse (UIV) reste l'examen de
référence [2, 4, 7]. Elle précise l'extension et la sévérité
des lésions, apprécie l'efficacité du traitement et objective
les complications. Elle peut être normale dans 10% des
cas. Elle nécessite une technique rigoureuse avec une
surveillance tout le long de l'examen. L'UIV met en
évidence :
Une néphrographie retardée en cas d'obstacle ou
d'intensité diminuée en fonction de la quantité de
parenchyme rénal détruit. Elle peut être inhomogène,
avec images lacunaires pouvant correspondre à un
calice dilaté en amont d'une tige sténosée ou à une
caverne parenchymateuse. La mutité rénale correspond
soit à la destruction complète du rein soit à l'obstruction
de la voie excrétrice par un obstacle de nature
tuberculeuse ou lithiasique.
Des anomalies morphologiques à type de petit rein, de
gros rein ou d'un syndrome tumoral rénal en rapport
avec un tuberculome qui est habituellement non visible
à l'UIV en raison de son petit volume.
Des images d’addition correspondant à des érosions
papillaires mais le diagnostic est rarement porté à ce
stade. C'est en effet le premier signe de l'atteinte des
voies excrétrices, elle correspond à l'extension des
lésions parenchymateuses à la papille, et se traduit alors
par la perte de la régularité du fond caliciel, et l'aspect
mité de celui-ci. Sa mise en évidence est difficile
nécessitant un bon remplissage des calices. Elle est
mieux appréciée quand le calice est vu de profil.
La Caverne tuberculeuse correspond à la forme ulcéro-
caséeuse. C'est une image d'addition de taille, de forme
et de répartitions variables, de contours irréguliers et
festonnés qui se projette en dehors de la ligne de Hodson
en regard du fond caliciel. Son remplissage est plus lent
que celui de la voie excrétrice saine. Elle est reliée à
un calice par un fin pertuis. La caverne
parenchymatocalicielle se traduit par une image de
calice à fond convexe, à bords irréguliers et flous. Elle
peut être secondaire à l'évolution d'une caverne
parenchymateuse, largement ouverte dans la voie
excrétrice.
Des anomalies pyélo-calicielles constantes. Elles
associent plusieurs formes: la sténose dont la mise en
évidence précoce est un élément fondamental du
diagnostic. Elle peut être régulière ou irrégulière,
annulaire ou segmentaire, unique ou multiple. Elle peut
être calicielle responsable d'une dilatation des petits
calices décrits sous forme « d'image en marguerite ».
Quand la sténose intéresse le bassinet, ce dernier peut
être réduit à un conduit court et mince donnant
l'impression d'une communication directe entre les
calices et l'uretère (fig. 1). S'il existe une dilatation des
calices et de l'uretère, on peut obtenir la classique triade
très évocatrice, cavités dilatées, bassinet absent, uretère
dilaté.
La convergence se manifeste par une attraction des
calices et du bassinet vers une sténose calicielle
supérieure responsable ainsi de leur angulation (fig. 2).
Cette convergence est pathognomonique de la TUG et
traduit une fibrose. Le stade ultime de la sténose
correspond à l'exclusion des tiges calicielles réalisant
une image d'amputation à limites régulières très
caractéristique de l'affection (fig. 3).
Des anomalies urétérales: correspondent au début à
l'urétérite tuberculeuse qui se manifeste par des parois
floues, de fines ulcérations, une hypotonie avec perte
du péristaltisme responsable d'un uretère trop bien
visible en permanence. Plus tard, une fibrose urétérale
s'installe et se traduit par les sténoses urétérales qui
peuvent être régulières annulaires ou au contraire
multiples et étagées (fig. 4). La succession de segments
rétrécis et dilatés donne un aspect moniliforme. Tous
les segments urétéraux peuvent être intéressés cependant
le siège des sténose est 8 fois sur 10 à la jonction urétéro-
vésicale, 2 fois sur 10 à la jonction pyélo-urétérale [2].
Des anomalies vésicales: sous forme d'épaississement
de la muqueuse, de contours déchiquetés et irréguliers
avec un aspect de demi-teinte des parois vésicales dû
à l'œdème présent au stade initial (fig. 4). Au stade
avancé, les lésions deviennent chroniques avec un
épaississement scléreux de la paroi vésicale réalisant
une vessie déformée, asymétrique avec une encoche
sur la corne vésicale, une petite vessie avec implantation
haute des uretères - réalisant une «vessie trigonale».
Des anomalies uréthro-prostatiques, fréquentes. Les
cavernes prostatiques s'opacifient lors de la cystographie
mictionnelle sous forme d'images d'addition au niveau
de l'urètre postérieur, comparables aux cavernes
observées dans le parenchyme rénal. Parfois ces lésions
uréthroprostatiques sont fistulisées au niveau du scrotum
et du périnée. L'évolution des lésions urétrales peut se
faire vers la sténose comme pour les voies excrétrices
supérieures.
Echographie
L'échographie [1, 2] est moins performante que l'UIV ou
la tomodensitométrie. Elle est systématique en cas
d'altération de la fonction rénale. Elle permet de rechercher
des lésions rénales et des cavités exclues qui échappent
à l'UIV, de préciser l'origine d'un rein muet et de guider
les ponctions aspirations des cavités mais également les
-4-
S. LEZAR et coll.Tuberculose urogénitale : place de l'imagerie
-5-
J Maroc Urol 2006;1:3-6
ponctions biopsies des lésions nodulaires en l'absence
d'un diagnostic bactériologique ou histologique. Les
aspects échographiques très suggestifs du diagnostic sont
la dilatation d'une partie seulement des cavités par sténose
localisée, la dilatation des cavités calicielles sans bassinet
visible (fig. 5), enfin le rein peut être d'aspect strictement
normal avec bonne différenciation corticomédullaire. Cet
aspect associé à celui d'un rein muet à l'UIV est
pathognomonique de TUG et correspond à une infiltration
diffuse du parenchyme.
Fig. 1. Classique triade : cavités dilatées (tête de flèche), bassinet
absent (flèche), uretère dilaté, très évocatrice de TUG. Fig. 2. Les phénomènes de rétraction réalisent au niveau du groupe
caliciel supérieur l'image " en marguerite " (flèche) et au niveau du
bassinet une angulation.
Fig. 3. Amputation du groupe caliciel supérieur (flèche). Caverne
annexée à un calice du groupe moyen (flèche creuse). Fig. 4. Hypertrophie de la muqueuse vésicale réalisant des images
lacunaires associée à des sténoses urétérales bilatérales étagées.
Scanner
Le scanner [1, 2, 7] est plus sensible que l'UIV pour la
détection des anomalies fonctionnelles, des calcifications
parenchymateuses (fig. 6), mais surtout pour l'analyse péri
rénale et péri vésicale. Les lésions rénales qui évoquent
une TUG sont les calcifications parenchymateuses, les
cavernes tuberculeuses, les encoches corticales et les
hypodensités parenchymateuses en rapport avec la nécrose
caséeuse.
Explorations rétrogrades
Les explorations rétrogrades [2] sont rarement utiles pour
le diagnostic de la tuberculose urogénitale. Elles présentent
un risque de surinfection par des germes banaux qui
aggrave considérablement le pronostic. En cas de rein
non fonctionnel, elles permettent de décrire les lésions
urétérales et rénales. La pyélographie antérograde précise
le siège exact et l'extension des sténoses urétérales.
IRM
Les indications de l'IRM [7, 10] sont réservées aux cas où
le couple UIV -TDM ne précisent pas le niveau ou la
nature de l’obstacle, ou en présence d’une contre-
indication à l’utilisation des produits iodés, notamment
en cas d'insuffisance rénale ou de grossesse.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Le diagnostic différentiel [1, 2, 4] de la TUG se pose, en
cas d'érosion calicielle avec une nécrose papillaire ou un
diverticule caliciel. La caverne tuberculeuse peut faire
discuter un abcès à germe banal, un kyste hydatique
rompu dans les voies excrétrices. L'amputation calicielle
pose le problème d'une tumeur maligne du rein envahissant
les voies excrétrices et la sténose de la voie excrétrice
celui de tumeur de la voie excrétrice.
CONCLUSION
La tuberculose reste un véritable fléau même dans les
pays industrialisés. C’est une affection grave comme en
témoigne l’importance et la sévérité des lésions observées.
L'imagerie est essentielle au bilan de la maladie. L'UIV
garde une place prédominante, en raison d'une sémiologie
urographique précise, très évocatrice du diagnostic. Une
chirurgie d’exérèse ou de reconstruction est souvent
nécessaire pour lever l’obstruction et améliorer la qualité
de vie des patients. Il n’en demeure pas moins que la
meilleure prise en charge reste préventive. Cette prévention
repose sur la vaccination et l’amélioration des conditions
d’hygiène de vie.
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2- El Khader K, Lrhorfi MH, El Fassi J, Tazi K, Hachimi M, Lakrissa
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genitourinary tract: imaging features with pathological correlation.
Singapore Med J 2005 ; 46 : 568-74.
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Fig. 6. TDM abdominale en coupe axiale, calcifications pyélo-
calicielle au cours d'une TUG.
Fig. 5. Echographie, cavités à contenu hétérogène (flèches) et à
contenu très épais, hyperéchogène (tête de flèche) exclues à l'UIV.
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