ÉDITORIAL L’allergologie : une spécialité transversale Allergology: a cross-specialization C e numéro spécial de la Lettre d’ORL a pour thème les allergies qui peuvent affecter tous les organes et frapper les individus à n’importe quelle période de leur vie, de la toute petite enfance jusqu’à un âge avancé. L’allergologie est donc une discipline transversale, capable d’intéresser les ORL – bien sûr – mais aussi les pneumologues, les dermatologues, les gastro-entérologues, les pédiatres, les médecins du travail, les spécialistes de médecine sportive, les épidémiologistes, etc. Pr Guy Dutau Allergologue, pneumologue, pédiatre, Toulouse. L’asthme, la rhinite, la dermatite atopique, certains syndromes digestifs, l’anaphylaxie (qui peut être mortelle) n’en sont pas les seules manifestations, loin s’en faut. Il suffit de souffrir d’une rhinite pendant quelques jours, à plus forte raison quelques semaines, pour percevoir qu’il s’agit d’une affection gênante dont nous avons la plus grande hâte de nous débarrasser. À l’opposé, la progression des anaphylaxies est certaine, partout dans le monde, et de nombreux allergènes (notamment alimentaires, mais pas uniquement) peuvent mettre la vie en danger. Le présent numéro de la Lettre de l’ORL tente d’explorer, dans un espace forcément limité, quelques-unes des principales facettes de cette discipline attachante où l’interrogatoire et la clinique restent irremplaçables malgré les développements des explorations biologiques, en premier lieu celui de l’allergologie moléculaire. La rhinite allergique IgE-dépendante peut commencer dès la première année de la vie, comme le montrent P. Scheinmann et G. Lezmi (p. 18). Étant donné les rapports étroits entre la rhinite et l’asthme, expressions différentes et le plus souvent successives d’une même affection, il était donc logique de se demander si l’on pouvait modifier l’histoire naturelle de l’atopie, en particulier essayer d’éviter l’apparition d’un asthme chez l’enfant atteint d’une rhinite allergique isolée. N’en déplaise à certains, l’immunothérapie allergénique pourrait constituer une réponse à cette interrogation légitime. Le syndrome d’Amlot et Lessof, ou syndrome d’allergie orale, n’est pas préoccupant dans la plupart des cas. Mais, initialement rapporté chez les patients allergiques aux pollens et souffrant d’allergie alimentaire aux fruits et légumes, il a été l’occasion de décrire un grand nombre de syndromes d’allergies croisées dont l’explication fut au début relativement difficile. La compréhension et, plus généralement, le diagnostic de ces syndromes se sont toutefois améliorés avec l’avènement du diagnostic allergique moléculaire dont quelques exemples sont données dans la mise au point p. 22. Deux cas cliniques complètent ces dossiers thématiques en précisant plusieurs aspects des rhinites allergiques et des allergies alimentaires. A. Labbé souligne que la rhinite allergique (ici par allergie aux pollens) peut survenir avant l’âge 4 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 333 - avril-mai-juin 2013 ÉDITORIAL de 2 ans (p. 14). Près de 10 % des enfants asthmatiques âgés de 1 an ont une rhinite allergique, et ce pourcentage s’élève à 30 % ou plus chez les enfants d’âge préscolaire. Les allergènes alimentaires, certes agressifs par ingestion, le sont aussi par voie cutanée et muqueuse. A. Lavaud rapporte un cas particulier où l’allergène alimentaire est inhalé sous forme de particules aérotransportées : les symptômes sont le plus souvent violents (ici une anaphylaxie), traduisant un seuil réactogène faible (p. 16). Deux fiches techniques expliquent comment éviter les acariens ou les pollens, ce qui est plus difficile, en essayant de hiérarchiser les moyens disponibles. Classiquement, la persistance des symptômes malgré une éviction des acariens bien conduite est un argument en faveur de la désensibilisation, seul traitement capable de modifier le statut immunitaire du patient allergique. L’éviction des pollens est plus aléatoire, mais des mesures sont à prendre pour diminuer l’exposition aux allergènes polliniques à l’extérieur et à l’intérieur des maisons. Une revue de presse (p. 6) et la relation des points forts du 8e Congrès francophone d’allergologie (p. 10) complètent cette vision de l’allergologie moderne. Sans déflorer les nombreux thèmes abordés, il est possible d’en citer quelques-uns : certains probiotiques peuvent contenir des allergènes du lait de vache ou de l’œuf de poule capables d’entraîner des symptômes chez les allergiques au lait ou à l’œuf ; comme ceux du sarrasin, les allergènes du soja peuvent se cacher dans les oreillers ; dans certains cas l’immunothérapie peut être proposée aux personnes âgées ; des allergènes nouveaux sont apparus, comme le pois cassé, les herbes aromatiques (estragon, romarin), les collutoires à la pêche, et de nouvelles fourmis noires aussi agressives que Solenopsis invicta ou Myrmecia pilosula... Il faut considérer cet éditorial descriptif comme un texte incitant à lire en détail les articles que vous propose ce numéro. C’est parce qu’elle est transversale que l’allergologie est une discipline apte à apporter à tous des informations variées, instructives, et souvent surprenantes. Je vous souhaite une agréable et fructueuse lecture. 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