La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 5 - septembre-octobre 2007
éditorial
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Des hépatites graves ou fulminantes survenues dans la
semaine suivant une infection par le virus CHIK. Ces malades
étaient souvent éthyliques, avaient pris du paracétamol
ou des médications locales mal définies. Ils présentaient
des pathologies associées sévères. Tous étaient ictériques.
Cinq décès sont survenus dans les cinq premiers jours de
l’hospitalisation. Sur le plan histologique (8), il s’agissait
d’hépatite nécrosante submassive ou d’une atteinte
parenchymateuse plus limitée. La présence du virus dans le
tissu hépatique a été démontrée par RT-PCR chez deux des
trois malades pour lesquels cette recherche a été effectuée.
Des atteintes cutanées sévères. Chez l’enfant (9), on a
décrit des éruptions bulleuses contemporaines de l’infection à
CHIK, mais aussi de la prise d’ibuprofène ou de paracétamol.
La présence du virus a été démontrée par RT-PCR dans le
liquide bulleux. Ces manifestations pouvaient être associées
à des lésions endobuccales et pouvaient concerner plus de
10 % de la surface corporelle. Elles s’accompagnaient parfois
d’une myocardite ou évoluaient en décollements étendus. La
pathogénie de ces dermatoses bulleuses reste à préciser (9).
Chez l’adulte, des lésions cutanées ont été observées dans
près de la moitié des cas (10). Il pouvait s’agir d’un classique
exanthème du tronc et des membres, parfois œdémateux,
souvent associé à du prurit. De rares cas de décollement
cutané et des séquelles dyschromiques (hyperpigmentation
localisée) ont été signalés.
Le problème de la transmission materno-fœtale du
virus. C’est l’une des grandes révélations de l’épidémie de
la Réunion, de tels phénomènes impliquant des Alphavirus
étant très rares et n’ayant été décrits qu’avec les virus Ross
River ou ceux des encéphalites équines américaines (WEE,
VEE).
Deux types d’observations ont été faites. Chez des femmes
dont la grossesse s’est terminée avant la 22e semaine
d’aménorrhée, l’origine de l’arrêt de la grossesse était
imputable au virus CHIK, celui-ci ayant été mis en évidence
dans le liquide amniotique, le placenta ou le cerveau des fœtus
(11). Chez d’autres femmes dont la grossesse s’est terminée
après la 22e semaine d’aménorrhée et qui étaient virémiques
au moment de l’accouchement, certains nouveau-nés
présentaient un tableau franc d’infection par le virus CHIK,
confirmé par la virologie. Cette infection est apparue entre le
troisième et le septième jour suivant la naissance ; elle était
caractérisée par de la fièvre (inconstante), une prostration
douloureuse, l’impossibilité de téter, un exanthème
maculo-papuleux et un œdème des extrémités. Elle a pu se
compliquer de convulsions, d’une thrombopénie sévère ou
d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) [12].
Des décès plus ou moins rattachables au virus. Un
total de 260 certificats de décès mentionnant le virus CHIK
comme cause du décès (6) a été établi, notamment pendant
la phase la plus marquée de l’épidémie. Si dans quelques cas,
peu nombreux (des enfants sans antécédents pathologiques
reconnus), un rôle direct du virus CHIK peut être retenu,
dans l’immense majorité des autres cas, seul un rôle indirect
peut être avancé. En effet, il s’agit de personnes âgées, voire
très âgées, plus ou moins dépendantes, présentant des
pathologies associées très lourdes (respiratoires, cardiaques,
hépatiques, rénales ou endocriniennes) que l’infection virale
a pu décompenser, comme c’est le cas en métropole lorsque
la grippe sévit. Il n’y a pratiquement pas eu d’autopsies (8).
Cependant, une surmortalité générale a été observée dans
l’île durant les 4 premiers mois de 2006 (13), bien corrélée à
l’acmé de l’épidémie, ce qui est en faveur d’un rôle indirect
du virus.
Les aspects pathologiques des infections CHIK
importées en métropole. À Paris, à l’hôpital de la Pitié-
Salpêtrière, 22 malades adultes, de retour d’un séjour à la
Réunion, aux Comores ou à l’île Maurice, chez lesquels le
diagnostic CHIK a été confirmé par immunocapture ELISA,
ont fait l’objet d’investigations cliniques et biologiques (14).
L’âge moyen était de 47 ans (extrêmes : 25-72 ans), avec
une nette prédominance féminine. Tous ont présenté de la
fièvre et des arthralgies (poignets, chevilles, genoux) pouvant
persister plus d’un mois. Thrombopénie et élévations des
transaminases sériques furent fréquemment décelées :
dans 50 % et 57 % des cas, respectivement. Un exanthème
maculo-papuleux, parfois prurigineux, était présent
chez 77 % des patients, siégeant sur l’abdomen, le tronc,
la région lombaire et les membres, mais il n’y avait pas
d’éruptions bulleuses ou de décollements cutanés. Aucune
des formes cliniques graves décrites à la Réunion n’a été
observée, mais l’effectif est faible. Néanmoins, des facteurs
socioculturels, iatrogéniques et de terrain fragilisé ont pu
jouer un rôle majeur dans la pathogénie de ces tableaux
cliniques inhabituels.
À Marseille, à l’HIA Laveran et à l’hôpital Nord, 47 malades
ont été suivis après leur retour du sud-ouest de l’Océan
indien, entre février 2005 et avril 2007, leur infection à CHIK
étant confirmée par la sérologie, la RT-PCR ou une culture
virale en cellules Vero E6 (15). Un exanthème maculo-
papuleux a été trouvé dans 95,7 % des cas, et la fièvre était
présente lors de la première semaine d’évolution chez 53 %
des patients. L’âge moyen était de 45,1 ans et le sex-ratio
équilibré. Huit malades furent hospitalisés, dont deux pour
une forme grave de la maladie, mettant en jeu le pronostic
vital (septicémie à Gram négatif, myocardite). Des arthralgies