La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - no 4 - juillet-août 2013 | 129
Résumé
Différentes techniques de dépistage et de détection ont été développées afin de répondre au besoin d’iden-
tification des bactéries productrices de carbapénémases. Plusieurs milieux gélosés sélectifs permettent tout
d’abord d’isoler les germes suspects de produire ce type d’enzyme, dans le cas d’infections mais surtout
dans le cas de colonisations. Une fois la colonie bactérienne suspecte isolée, plusieurs stratégies peuvent
être envisagées, qui vont de l’analyse phénotypique à l’analyse biochimique, en passant par l’analyse
moléculaire. Ces techniques présentent des niveaux de spécificité, de sensibilité, de rapidité, et de coût
extrêmement variables. Leurs avantages et inconvénients, exposés dans cette revue, doivent guider les
microbiologistes dans leur utilisation.
Mots-clés
Carbapénémase
Épidémiologie
OXA-48
Dépistage
Échecs thérapeutiques
Summary
Different screening and detec-
tion techniques have been
developed in order to screen
for carbapenemase-producing
bacteria. Several selective
media are used to isolate
isolates possibly producing
those types of enzymes, and
are used either for screening
of colonisation or for samples
recovered from infections. Once
the suspiscious bacteria recov-
ered, several strategies can be
used, including phenotypical,
biochemical, and molecular
analyses. Those techniques
and their shortcomings are
presented here. They must be
widely explained and recom-
mended in order to provide effi-
cient tools for microbiologists.
Keywords
Carbapenemases
Epidemiology
OXA-48
Screening
Therapeutical failures
jusque-là implique un temps technique important.
Les techniques moléculaires d’identification des
gènes de carbapénémases présentent, quant à
elles, une excellente spécificité et une excellente
sensibilité mais ont un coût très élevé et nécessitent
un personnel additionnel formé aux techniques de
biologie moléculaire ; leurs résultats sont obtenus
là encore relativement tardivement (3).
Quand et comment repérer
le problème ?
La détection des porteurs sains est particulièrement
importante pour prévenir le développement d’épidé-
mies à EPC en milieu hospitalier (4). Elle s’adresse
essentiellement à 2 types de patients : les patients
transférés de tout hôpital étranger et les patients
des unités à risque (réanimation, chirurgie lourde,
immunodéprimés, greffés). Ce dépistage repose
actuellement sur un dépistage réalisé à partir des
selles des patients avec l’utilisation de géloses sélec-
tives permettant d’identifier des souches suspectes,
résistantes aux carbapénèmes (5). Après cette étape
de criblage (24 heures), la confirmation des suspicions
d’EPC peut se faire par l’utilisation des tests phéno-
typiques ou moléculaires développés ci-dessous (3).
Étant donné que le réservoir majeur des entérobac-
téries est constitué par le tube digestif, l’analyse des
selles ou d’écouvillons rectaux correspond aux besoins
diagnostiques. Plusieurs milieux de culture sélectifs
sont commercialisés, mais ils sont dans leur majo-
rité dédiés à l’identification des germes résistants
aux carbapénèmes (combinaison céphalosporinase
hyperproduite + imperméabilité ou carbapénémase)
plutôt qu’aux seuls germes producteurs de carbapéné-
mases (6). Ce sont effectivement souvent les mêmes
espèces bactériennes ; cependant, de nombreux isolats
producteurs de carbapénémases conservent une
sensibilité significative aux carbapénèmes, avec des
concentrations minimales inhibitrices (CMI) faible-
ment impactées et se situant donc juste au-dessus ou
en dessous des concentrations critiques en fonction
des carbapénèmes (l’ertapénem est classiquement la
première touchée). Dans ce contexte, l’utilisation d’un
milieu trop sélectif pourrait conduire à des résultats
faussement négatifs.
Le premier milieu commercialisé a été le CHRO-
Magar™ KPC (CHROMagar, Paris), qui justement ne
détecte que les hauts niveaux de résistance. Certains
producteurs de métallobêtalactamase (MBL), et de
nombreux producteurs d’OXA-48 ne correspondent
cependant pas à ce critère et sont donc mal ou pas
détectés. Le milieu Brilliance™ CRE (Thermo Fisher,
Royaume-Uni) contient également un carbapénème
et détecte la majorité des producteurs de carba-
pénémases (à l’exception de certains producteurs
d’OXA-48). Le milieu de culture sélectif SUPER-
CARBA (non commercialisé à ce jour) contenant
de la cloxacilline, du zinc et de l’ertapénem, a une
sensibilité et une spécificité excellentes, y compris
pour les producteurs d’OXA-48 présentant une faible
CMI aux carbapénèmes (6).
Techniques phénotypiques
habituellement utilisées
Il existe 3 classes distinctes de carbapénémases : A,
B, et D (cf. “Épidémiologie des carbapénémases”),
chacune avec des propriétés biochimiques singu-
lières, et il existe par conséquent plusieurs approches
phénotypiques permettant leur détection, certaines
de ces approches étant spécifiques d’une seule et
même classe. D’autre part, il existe bien entendu
des approches moléculaires qui, elles, ne vont pas
prendre en compte les caractères biochimiques des
enzymes mais bien la génétique du déterminant de
la résistance.
L’une des techniques phénotypiques classiquement
utilisées est le test de Hodge modifié, qui permet la
mise en évidence d’une synergie d’activité enzyma-
tique entre souche productrice de carbapénémases
(souche à tester) et souches sauvages de référence
sensibles (figure 1, p. 130). Cependant, ce test
manque de spécificité (nombreux faux positifs) mais
également de sensibilité (faux négatifs fréquents
avec certains types d’enzyme, et en particulier les
carbapénémases de type NDM).
Étant donné que l’activité des bêtalactamases de
classe A est partiellement inactivée par des inhi-
biteurs tels que l’acide clavulanique ou encore le
tazobactam, des tests de synergie in vitro et en
milieu solide sont possibles en rapprochant un disque