PRÉSENTATION DE DEUX MALADIES VÉHICULÉES PAR LES TIQUES : LA MALADIE DE LYME ET LA MÉNINGO-ENCÉPHALITE À TIQUES Hugues Fertin - 2015 - Galgal Escapade Hugues Fertin Accompagnateur en montagne 06 47 76 09 19 [email protected] site internet : galgal-escapade.com 1 SOMMAIRE 1. Introduction 1 2. Présentation de l'hôte intermédiaire : la tique 1 2.1. Caractéristiques biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2.2. Mode de nutrition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2.3. Cycle biologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2.4. Interaction avec les hôtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2.5. Habitat naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.6. Répartition géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.7. Dynamique de population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 3. Présentation de la maladie de Lyme 6 3.1. Présentation de la bactérie responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3.1.1. Caractéristiques biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 3.1.2. Cycle biologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 3.1.3. Interaction avec les hôtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 3.1.4. Répartition géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3.2. Présentation de la maladie de Lyme véhiculée à l'Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3.2.1. Transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3.2.2. Symptômes et stades d'évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 3.2.3. Voies de guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 3.2.4. Prévention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 3.2.5. Premiers soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 3.2.6. Émergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 4. Présentation de la Méningo-Encéphalite à Tiques (MET) 14 4.1. Présentation de l'agent pathogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14 . 4.1.1. Caractéristiques biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 . 4.1.2. Cycle biologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15 . 4.1.3. Interaction avec les hôtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15 . 4.1.4. Répartition géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 .. 4.2. Présentation de la maladie véhiculée à l'Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 4.2.1. Transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 4.2.2. Symptômes et stades d'évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 4.2.3. Voies de guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 4.2.4. Prévention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 4.2.5. Émergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 5. Synthèse 18 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 2 1. Introduction Les tiques sont les vecteurs d'un très grand nombre de micro-organismes responsables de nombreuses maladies humaines et animales. La gravité de la maladie de Lyme et de la MET, maladies transmises par la tique, et la complexité du diagnostic nécessitent une connaissance scientifique approfondie pour la mise en place d'une prévention efficace. Les professionnels qui encadrent des excursions dans la nature peuvent se sentir concernés pour diffuser des recommandations sanitaires fiables et très utiles. Au sein de cette présentation, j'ai choisi de souligner les éléments que je pense préoccupants en terme de santé publique. Si la maladie de Lyme est souvent présentée en lien avec les régions de l'est de la France, elle ne doit être négligée nulle part. 2. Présentation de l'hôte intermédiaire : la tique Les tiques sont des acariens parasites de la peau de vertébrés. Il existe trois familles de tiques : - Ixodidae, tiques dures : environ 670 espèces - Argasidae, tiques molles : environ 180 espèces - Nuttalliellidae, tiques appartenant à une famille intermédiaire La tique la plus commune en Europe, Ixodes ricinus , appartient à l'une de ces trois familles car sa carapace est dure. Ixodes ricinus gorgée de sang 2.1. Caractéristiques biologiques Les tiques sont des acariens de grandes tailles, 3 à 6 mm en moyenne, de forme ovale et les pièces bucales sont constituées de l'hypostome (rostre), de deux chélicères et de deux pédipalpes. Forme, taille et couleur des tiques varient beaucoup selon l'espèce et le stade de développement. Les pédipalpes ont une fonction tactile, ils permettent à la tique de choisir le lieu de la piqûre. Les chélicères, terminées par des crochets, pénètrent dans le derme tels des harpons, puis par rétraction musculaire, aident la tique à enfoncer son hypostome profondément dans la peau. Les nombreuses épines rétrogrades de l'hypostome aident à son maintien. 1 Pièces bucales de Ixodes ricinus (microscopie électronique) Position des pièces bucales sur le schéma général de l'organisme d'une tique (à droite) 2.2. Mode de nutrition Voici les étapes de nutrition de la tique en interaction avec son hôte : 1) La tique se fixe à l’aide de ses chélicères, puis sécrète une salive qui pré-digère les tissus de l’hôte. 2) L’hypostome pénètre dans les tissus de la peau en profondeur. Il est recouvert d'épines rétrogrades qui rendent difficile l’extraction de la tique. 3) La salive injectée contient diverses substances empêchant la coagulation du sang et rendant la piqûre de la tique indolore, tout en renforçant la fixation par la fabrication d' un cément. Schéma en coupe transversale d'une nutrition de tique à travers l'épiderme. 4) Le sang est ingéré à travers le canal. Tout d'abord un gorgement lent pendant 4 ou 5 jours, puis un gorgement rapide en fin de repas, qui ne dure souvent que 24 heures. 5) Après avoir absorbé du sang, la tique concentre celui-ci et rejette dans l’hôte de la salive et des déchets métaboliques. C’est à cette occasion que la tique peut aussi injecter des agents pathogènes (protozoaires, bactéries, virus) : transmission de la maladie. 6) Après le repas sanguin, la tique excrète une autre salive particulière qui va affaiblir le cément et permettre à l’acarien de quitter son hôte, environ 6 jours après la piqûre. 2 2.3. Cycle biologique Cycle de reproduction de la tique et hôtes parasités (H.fertin). La tique, à chacun de ses stades de développement, n’effectue qu’un seul et unique repas sanguin, sur un hôte différent à chaque fois. Les femelles doivent se nourrir abondamment afin d’élaborer les œufs. A titre de comparaison si un humain prenait proportionnellement autant de poids, il passerait de 60 kg à 37 tonnes en 5 jours ! Chaque femelle pond des milliers d’œufs, au nombre de 500 à 7000, protégés par une cire imperméable et agglutinés. Pour de nombreuses espèces de tiques, les œufs, les larves ou les adultes meurent quand il fait trop froid ou trop sec. Seulement quelques œufs deviendront des tiques adultes. Les tiques passent une partie de leur cycle au sol (éclosion, métamorphose et quête d'un hôte) et une autre partie ancrées sur la peau de mammifères, d'oiseaux ou de reptiles, se nourrissant de leur sang. 2.4. Interaction avec les hôtes Contrairement à ce qui a longtemps été colporté, les tiques ne tombent pas des arbres, la proximité avec le sol, pour des raisons de réhydratation, étant essentielle. Pour se nourrir, la tique attend son hôte pour s'y accrocher. La quête de l’hôte se fait en milieu extérieur ouvert (sur les brins d'herbe, de graminées, de fougères, etc.) pour les tiques exophiles, telles que Ixodes ricinus . Elle se fait au sol (à même la terre, les crevasses des grottes ou sur les brindilles des nids et terriers) pour les tiques endophiles. 3 L'espèce Ixodes ricinus est pourvue de cellules sur une patte jouant un rôle similaire à celui de l'odorat et de cellules photosensibles sur les deux flancs de l'animal. L'animal sait ainsi s'il fait jour ou nuit, et peut détecter des mouvements d'animaux. La plupart des espèces sont spécialisées pour un groupe d'hôte, tout en pouvant, comme le font certaines tiques d'oiseaux, accidentellement s'attaquer à l'Homme quand elles sont en contact avec lui. Les espèces ubiquistes sont celles qui peuvent se nourrir sur une grande variété d'espèces durant tout leur stade de développement . C'est le cas d' Ixodes ricinus , dont la nymphe et l'adulte s'attaquent volontiers à l'homme. 2.5. Habitat naturel On classe les tiques par espèces hygrophiles (des milieux humides) et espèces xérophiles (des milieux secs). L'espèce Ixodes ricinus est adaptée aux températures fraîches et préfère l’humidité et les climats tempérés. C’est une tique de forêt de feuillus à riche sous-bois, de lisières de forêts et de chemins forestiers. Végétation de sous-bois dans une foret vosgienne (H.Fertin) 2.6. Répartition géographique Dans le cas d' Ixodes ricinus, l'espèce est largement distribuée en Europe. Elle est peu présente dans les zones sèches du pourtour méditerranéen et du Sud-est de la France. La limite d’altitude au-delà de laquelle la tique n’est plus présente dépend de la localisation : Ixodes ricinus ne se rencontre pas en Écosse au-delà de 600 m (Elston et al., 2001). Elle n’est plus retrouvée en France au-delà de 1300-1500 m, et en Italie, au-delà de 1300 m (Rizzoli et al., 2002). En Suisse, elle a été décrite jusqu'à une altitude de 1 450 m. Probabilité de présence de la tique Ixodes ricinus en France et en Europe (D'après A. Rebaud, 2006) 4 Les cartes de probabilité de présence d' Ixodes ricinus présentées ci-dessus sont à considérer avec prudence car ces données ont été publiées en 2006 et les études montrent que la répartition et la densité de tiques évoluent rapidement. Région Alsace Lorraine : Meuse Limousin : Creuse, Haute-Vienne Auvergne : Puy-de-Dôme, Allier Basse-Normandie : Calvados, Orne Haute-Normandie : Eure, Seine-Maritime Île-de-France : Essonne (Forêt de Sénart) Densité des nymphes (nb/100m²) 146 59 121 – 74 27 – 47 81 – 111 41 – 52 73 Densité des nymphes d’Ixodes ricinus dans 7 régions en France (d’après Chapuis et al, 2010) En Auvergne, une étude de Chapuis et al. a montré une densité de nymphes peu élevée en comparaison avec d'autres régions. 2.7. Dynamique de population A court terme, les densités de tiques peuvent être très variables dans un laps de temps assez court. Des travaux réalisés par Chloé Boyard, Docteur en épidémiologie, sur les variations des populations d'Ixodes ricinus en Auvergne, montrent que la concentration de la tique peut être multipliée par 20 si les conditions climatiques sont favorables pendant une dizaine de jours. A long terme, les densités et la répartition géographique des tiques sont en lien avec deux facteurs. D'une part, l’évolution du climat : - corrélation entre les changements climatiques et l'augmentation et la répartition des populations d’hôtes potentiels comme les chevreuils - corrélation entre la couverture végétale et l'humidité du sol favorable au développement des tiques D'autre part, l'influence de l'homme sur la répartition des animaux hôtes potentiels comme le chevreuil. 5 3. Présentation de la maladie de Lyme La maladie de Lyme, ou « borréliose de Lyme », est une maladie bactérienne qui touche l'être humain et de nombreux animaux. La bactérie responsable de l'infection se nomme Borrelia burgdorferi. La maladie peut affecter divers organes (multiviscérale) et toucher divers systèmes (multisystémique). Elle évolue sur plusieurs années en passant par trois stades. Non soignée et sans guérison spontanée au premier stade, après une éventuelle phase dormante, cette maladie peut directement ou indirectement affecter la plupart des organes humains, de manière aiguë et/ou chronique avec des effets différents selon les organes et les patients et finalement conduire à des handicaps physiques et mentaux. Des séquelles et rechutes sont possibles. La maladie ne figure pas parmi la liste des 29 affections à déclaration obligatoire dans notre pays même si elle est reconnue depuis 1988 comme une maladie professionnelle chez les personnes particulièrement exposées. La bactérie responsable est transmise, exclusivement ou presque, par des morsures de tiques. Elle est surtout transportée et transmise par l'espèce Ixodes ricinus . 3.1. Présentation de la bactérie responsable En réalité, trois principales espèces de borrélies provoquent la borréliose de Lyme : Borrelia burgdorferi au sens stricte, principalement responsable d'arthrites, Borrelia garinii, préférentiellement retrouvée à l'origine des manifestations neurologiques, la plus fréquente en Europe et Borrelia afzelii. Cependant, on ne fait pas toujours la distinction entre ces trois espèces. On parle plus largement de Borrelia burgdorferi pour désigner la borrélie responsable de la maladie de Lyme. 6 3.1.1. Caractéristiques biologiques La bactérie Borrelia burgdorferi est une bactérie Gram - de 3 à 20 μm de long et 0,2 à 0,5 μm de diamètre, avec 3 à 10 tours de spires (source : CNRS). Borrelia burgdorferi en microscopie électronique ² Borrelia dans le sytème sanguin (image de synthèse) ³ (sources : ² University of Connecticut ; ³ Enlightening visualization for scientific communication) Borrelia se présente sous différentes formes dans le corps. On en connaît actuellement quatre : La forme spiralée, caractéristique : présence d'une paroi, elle se déplace dans les tissus et parfois le sang. Elle est visible isolée (A) ou en colonie (B). C’est elle qui peut se multiplier. Borrelia burgdorferi : formes spiralée (A et B) et kystique (F) (d'après Miklossy et al, 2008) La forme kystique : sans paroi, la bactérie est enroulée sur elle-même, parfois à plusieurs bactéries. Elle peut rester dormante des mois, voire des années. Cette forme lui permet de résister à des conditions défavorables (notamment en présence d’antibiotique dans le milieu). La forme intra-cellulaire, lorsqu’elle a pénétré à l’intérieur même des cellules de l’hôte. La forme dans les bio-films : récemment découverts, ces bio-films sont des amas de bactéries recouverts de fibrine. Borrelia a la capacité de se déplacer activement grâce à des flagelles. Elle se sert de cette faculté pour permettre son inoculation lors de la morsure par la tique et le passage dans le sang de l’hôte puis pour se disséminer à l’intérieur de son hôte. L’ADN de Borrelia est remarquable et évolué. Cela pourrait expliquer son aptitude à infecter des hôtes variés, puisque en dehors de la tique et de l’homme, Borrelia peut vivre dans un large choix d’hôtes incluant des mammifères, des oiseaux, des reptiles, etc. 7 3.1.2. Cycle biologique Borrelia se reproduit de la même manière que les autres bactéries, avec un moyen d’évoluer qui lui permet d’acquérir des résistances aux antibiotiques. Elle se reproduit par scissiparité. Schéma simplifié de la reproduction scissipare de Borellia (H. Fertin). 3.1.3. Interaction avec les hôtes La bactérie d'infecter de Borrelia burgdorferi est capable nombreux hôtes. Les petits mammifères (musaraignes, mulots) constituent le principal réservoir de cette bactérie : ils sont infectés, transmettent cette bactérie à la tique lorsque celle-ci les pique et la tique transmet la bactérie à un autre animal ou à un Homme à l’occasion d’un autre repas sanguin. Les borrélies colonisent l'intestin de la tique et pénètrent la paroi de son intestin pour ensuite immigrer dans la glande salivaire. Cette migration se fait en 24 à 48 heures. C'est seulement ensuite que les borrélies vont être transmises par la salive dans l'hôte et vont s'y développer. Cycle biologique de Borrelia burgdorferi à travers ses différents hôtes (H. Fertin). 8 3.1.4. Répartition géographique Répartition mondiale de Borrelia sp. Région Alsace Lorraine : Meuse Limousin : Creuse, Haute-Vienne Auvergne : Puy-de-Dôme, Allier Basse-Normandie : Calvados, Orne Haute-Normandie : Eure, Seine-Maritime Île-de-France : Essonne (Forêt de Sénart) Densité des nymphes (nb/100m²) Taux d’infection (%) 146 59 121 – 74 27 – 47 81 – 111 41 – 52 73 18 8 13-12 18 -10 9 – 10 13 – 13 11 Densité des nymphes infectées (nb/100m²) 26,4 4,5 15,3 – 8,8 4,7 – 4,7 6,9 – 11,4 6,6 – 5,2 8,4 Densité des nymphes d’Ixodes ricinus infectées par Borrelia dans 7 régions en France (d’après Chapuis, 2010) En Auvergne, une étude de Chapuis et al. a montré que le taux d'infection y était relativement élevé (18 % dans le Puy-de-Dôme et 10 % dans l'Allier). 3.2. Présentation de la maladie de Lyme véhiculée à l'Homme 3.2.1. Transmission Toutes les tiques de l'espèce Ixodes ricinus ne sont pas porteuses de la bactérie. Le niveau d’infestation est de 11 % chez les nymphes, de 7 % chez les adultes mâles et de 18 % chez les adultes femelles. La Borréliose de Lyme est transmise au début du repas sanguin. Une tique retirée dans les 48 h n'a pas le temps de transmettre la Borréliose de Lyme. La pénétration et l’attachement sont les activités prédominantes au cours des 36 premières heures sans ou avec très peu d’ingestion de sang (Parola et Raoult, 2001). La migration des agents infectieux de l'intestin vers les glandes salivaires de la tique demande ensuite un certain temps. Ce cycle nécessite environ deux à trois jours, c’est pourquoi le risque de transmission d’agents pathogènes est très faible avant 48 heures de fixation (Stanek et Steere, 2003). 9 3.2.2. Symptômes et stades d'évolution Selon l'espèce et la souche de borrélie en cause, les symptômes peuvent être très différents. La maladie de Lyme peut affecter divers organes et systèmes de l'organisme. T rois grands types de manifestations initiales existent (ou coexistent), avec une symptomatologie à dominante nerveuse, arthritique ou dermatologique. Tous les malades ne présentent pas tous les symptômes. Et beaucoup de ces symptômes ne sont pas spécifiques à la maladie de Lyme, et peuvent apparaître dans d'autres maladies courantes. Rougeur suite à une morsure de tique. Erythème migrant de la borréliose de Lyme. Stade 1 : l'érythème migrant La bactérie Borrelia burgdorferi se développe à ce stade dans la peau. Une période d'incubation de deux à 30 jours (mais parfois très courte, quelques dizaines d'heures, ou au contraire très longue, quelques mois ou années) précède l'apparition des symptômes (fièvre, maux de tête, fatigue) et l’éruption cutanée caractéristique, l’érythème migrant, autrement dit, un érythème annulaire centrifuge. A noter que chez 20 % des malades, cet érythème n'apparaît pas ou est très discret. Le tableau clinique varie fortement, selon le patient et le stade de la maladie, selon la ou les borrélies en cause et le cas échéant selon la ou les co-infections. Ces dernières peuvent encore compliquer le diagnostic et le traitement. Les co-infections sont facilitées par le fait que la tique est vectrice de nombreux agents pathogènes. Des infections sans symptômes existent et sont quantitativement encore mal évaluées dans le monde. Aux Etats-Unis, elles ont par exemple au début des années 2000 été détectées chez presque 7 % des personnes apparemment non malades, mais sérologiquement positives. 10 Stade 2 : la neuroborréliose et l'arthrite de Lyme Si l'érythème migrant est passé inaperçu chez le patient (ce qui est le cas dans 33 % à 50 % des diagnostics posés) ou sans antibiothérapie adaptée, une phase secondaire de la maladie peut alors apparaître, quelques semaines à quelques mois, voire des années après la morsure. La bactérie déjoue le système immunitaire, commence à se répandre dans les fluides biologiques, via la circulation sanguine, et se développe dans d'autres parties du corps. Ce stade correspond à des infections tissulaires accompagnée de manifestations neurologiques, décrites sous le nom de « neuroborréliose », et de signes rhumatologiques, décrits sous le nom d’« arthrite de Lyme ». Neuroborréliose : Elle se caractérise par des symptômes variés comme une paralysie faciale périphérique, une méningite (maux de tête), une raideur de la nuque, une sensibilité à la lumière, etc. La méningite peut apparaître avec des douleurs interférant avec le sommeil et des sensations anormales de la peau. En cas de paralysie faciale périphérique, une sérologie positive est considérée comme suffisante pour confirmer le diagnostic et prescrire une antibiothérapie. Des (source image : problèmes neurologiques aigus apparaissent chez 15 % des patients non traités, ABC sciences) pouvant inclure un large spectre de troubles. Arthrite de Lyme : Elle survient de deux mois à plusieurs années après l'inoculation et se caractérise globalement par des douleurs articulaires. Pour des raisons encore mal comprises, elle touche généralement surtout le genou, suivi de l'épaule et du coude. Elle persiste de manière chronique chez certains patients, même après antibiothérapie (étude aux Etats-Unis). (source image : O.Brunet) Stade 3 : le syndrome post-borréliose de Lyme C'est la généralisation tardive de l'infection. Après quelques mois ou années, certains patients non traités ou insuffisamment traités voient tout ou partie des symptômes précédents s'aggraver et pour certains prendre un caractère chronique. Là aussi, de nombreux organes peuvent être concernés, dont les nerfs, les yeux, les tendons, les articulations, les muscles, le cœur ou même la rate. 11 3.2.3. Voies de guérison Au stade 1 : La grande majorité des infections soignées (avec ou sans érythème migrant) au premier stade sont guéries par les antibiotiques recommandés : l'amoxicilline ou la doxycycline doivent être prescrits durant 14 à 21 jours, au plus tôt pour un meilleur résultat. Aux stades 2 et 3 : Les antibiotiques (céphalosporines de troisième génération) sont indiqués pour une durée d'au moins 28 jours, voire plus pour une infection ancienne de plus d'un an. La voie intraveineuse de prise d'antibiotiques est obligatoire en cas de méningite. 3.2.4. Prévention Une attention particulière est à porter aux infections acquises avant ou durant une grossesse car la contamination mère-enfant est possible, et aux infections acquises par des immunodéficients. Les mesures de prévention proposées sont : • le port d'habits couvrants (pantalon enfilé dans les chaussettes) en forêt • l'utilisation de répulsifs à tiques, contenant du DEET sur votre peau ou de la perméthrine sur les vêtements • l'inspection attentive après les passages en forêt • la prophylaxie antibiotique, administrée dans les 72 h après enlèvement de la tique, si la tique est restée attachée 36 h ou plus • un vaccin est en cours de test mais aucun n'est actuellement efficace 3.2.5. Premiers soins Si la tique est retirée de la peau dans les 36 premières heures après sa fixation, les risques de contamination sont réputés inférieurs à 1 %, puisque les borrélies ne sont pas encore dans les glandes salivaires de la tique mais dans son tube digestif. La tique doit donc être retirée le plus rapidement possible, et en minimisant les risques de régurgitation de celle-ci, c’est-à-dire sans l'écraser et sans utiliser de produits chimiques. Le tire-tique vendu en pharmacie permet d'extraire facilement les tiques. Il nécessite une manipulation rigoureuse et délicate (se référer au mode d'emploi). Il Une tique enlevée avec un tire-tique (source : wikipedia) évite également de laisser le rostre ou la tête dans la peau, ce qui peut provoquer une infection. La plaie doit ensuite être désinfectée. Il est impératif de consulter un médecin si une tache rouge grandit autour de la morsure ou si des symptômes tels que fièvre ou syndrome grippal apparaissent dans les jours ou semaines suivants. 12 3.2.6. Émergence Pour des raisons encore mal comprises, la bactérie est en plein développement, notamment en Europe, dans l'est et l'ouest des États-Unis. Présente dans 65 pays, elle est devenue la plus fréquente de toutes les maladies vectorielles transmises à l'Homme dans l'hémisphère nord. En 2009, elle a dépassé le VIH en incidence et elle est la 7 e maladie la plus déclarée aux États-Unis. En France, les rares estimations situent aux alentours de 5 500 le nombre de nouveaux cas par an de borréliose. L’incidence moyenne nationale est donc évaluée à 9,4 cas pour 100 000 habitants (Letrillart et al., 2005). Incidence (nb de cas / an) de la maladie de Lyme en France en 2005 (d'après Letrillart et al.) Cette évaluation serait sous-estimée par un biais méthodologique révélé par l’absence de cas signalés dans certaines régions que l’on sait très concernées par la maladie, à l’exemple de l’Auvergne (N. Guy, 2007). En effet, les récentes enquêtes réalisées par le réseau Sentinelles et le CNR des Borrelia dans cette région ont permis de mettre en évidence des incidences estimées relativement élevées et en augmentation. 2004 2005 2006 Allier 37 43 44 Cantal 58 86 102 Puy-de-Dome - 72 103 Incidence de la maladie de Lyme dans 3 départements en Auvergne (nb de cas / an) 13 4. Présentation de la Méningo-Encéphalite à Tiques (MET) Le terme méningo-encéphalite fait référence aux méninges, membranes enveloppant le système nerveux central humain, et à l'encéphalite, une inflammation du système nerveux central. La méningo-encéphalite à tiques est donc une maladie qui touche tout ou en partie le système nerveux central. Contrairement à la maladie de Lyme, d’origine bactérienne, la méningo-encéphalite à tiques est une maladie d’origine virale. Elle est transmise à l’Homme par morsure de tiques ou de façon exceptionnelle par consommation de lait cru ou de fromage au lait cru de chèvre ou de brebis. Le statut de la MET en France est le suivant : - santé animale : ce n'est pas une maladie réputée contagieuse - santé publique : ce n'est pas une maladie humaine à déclaration obligatoire - ne fait pas l'objet d 'un tableau de maladie professionnelle à ce jour - le virus est classé dans le groupe de danger 3 (R.231-61-1 du code du travail) 4.1. Présentation de l'agent pathogène Le virus responsable de cette pathologie est le virus nommé VMET, Virus de la MéningoEncéphalite à Tiques. 4.1.1. Caractéristiques biologiques Le VMET est un virus à ARN du groupe des Flavivirus. Il appartient à la même famille que les virus responsables de la dengue et de la fièvre jaune. Le VMET possède trois sous-types : - le sous-type d'Europe occidentale transmis principalement par l'espèce de tique Ixodes ricinus - les sous-type de Sibérie et d’Extrême-Orient transmis principalement par Ixodes persulcatus Microscopie du VMET (source : wikipedia) Il est sphérique, son diamètre est de 50 nm, soit 1/20 e de micron. Il est constitué d'une enveloppe qui protège un virion d'ARN associé à une protéine structurale « C ». L'enveloppe externe est porteuse de deux protéines, « M » et « E », la seconde étant impliquée dans l'immunogénicité et l'identification du virus. Schéma d'organisation du virus VMET 14 4.1.2. Cycle biologique Les virus ne peuvent se répliquer qu’au sein de cellules vivantes. C’est l’interaction du génome viral et de la cellule hôte qui aboutit à la production de nouvelles particules virales. Il y a tout d'abord infection d’une cellule par un virus, puis multiplication du virus. 4.1.3. Interaction avec les hôtes Le virus VMET emprunte la circulation sanguine de la tique et se multiplie notamment dans les cellules des glandes salivaires. La tique se nourrit sur l'Homme puis le contamine en régurgitant du sang au moment de quitter son hôte. Le virus se propage alors dans l'organisme de l'Homme et commence à se multiplier dans certaines cellules. 4.1.4. Répartition géographique La répartition du VMET concerne pratiquement les 2/3 de l'Europe et de l'Asie. L'Europe centrale, orientale et du nord sont particulièrement concernées. Le réchauffement climatique expliquerait en grande partie l’extension du VMET. Carte de répartition du virus VMET sur le continent eurasiatique (source : TBE Europe) 15 4.2. Présentation de la maladie véhiculée à l'Homme 4.2.1. Transmission La transmission du virus est effectuée essentiellement par les tiques, à l’occa sion d’un repas sanguin. De nombreuses espèces de tiques dures peuvent transmettre le virus, mais deux espèces jouent un rôle prépondérant dans la transmission du virus : Ixodes ricinus et Ixodes persulcatus . Ovins et caprins excrètent le virus dans le lait, d’où le risque de contamination par l’ingestion de lait cru d’animal infecté, mais ce mode de transmission est secondaire. 4.2.2. Symptômes et stades d'évolution Le virus de l’encéphalite à tiques provoque tout d'abord des affections qui s’accompagnent de symptômes similaires à la grippe. Le diagnostic différentiel est délicat et doit s'appuyer sur des examens de laboratoire afin de mettre en évidence une infection récente ou ancienne ce qui déterminera la conduite à tenir. Chez une partie des personnes infectées, le virus contamine le système nerveux central provoquant une méningite, accompagnée de fièvre élevée et d'une raideur de la nuque. La forme la plus sévère de la MET est l'encéphalite. Dans ce cas, l'infection ne touche pas seulement les méninges mais l'encéphale complet. Formes cliniques observées chez des patients atteints de la MET (d'après Baxter) Evolution de la maladie MET chez l'Homme Phase 1 : Après une période d'incubation silencieuse de 4 à 28 jours après la morsure, manifestation de symptômes pseudo-grippaux non caractéristiques. 80 % des personnes infectées présentent cette première phase. 16 Phase 2 : Après un intervalle de quelques jours à deux semaines, elle affecte le système nerveux central et nécessite une hospitalisation. Les patients présentent alors des températures souvent supérieures à celles associées aux autres formes de méningite ou méningo-encéphalites virales, ainsi que des céphalées sévères, nausées, raideur de la nuque, etc. Parmi les sujets infectés, 20 à 30 % présentent cette seconde phase au cours de laquelle surviennent des complications sévères. Dans 1 à 2 % des cas, la MET évolue vers la mort. Sévérité de la MET par tranche d'age en Lituanie (D'après Baxter). 4.2.3. Voies de guérison La MET est une maladie virale contre laquelle il n’existe aucun traitement spécifique. La meilleure protection reste donc la prévention. L'hospitalisation varie de quelques jours à quelques mois, suivant les cas. Parfois des années de traitement et de rééducations s'avèrent nécessaires. La MET touche indifféremment adultes et enfants. Chez l'enfant, l'évolution de la maladie est généralement moins sévère que chez l'adulte. Dans certains cas pourtant, des séquelles neuro-psychologiques viennent affecter la qualité de la vie de l'enfant, et ce de façon permanente. L'incidence de la maladie est moindre chez les enfants de moins de 3 ans et s'accentue avec l'age. A age égal, les garçons sont plus affectés que les filles (60 % contre 40%). Chez les plus de 50 ans, le risque est plus élevé et la maladie plus sévère. En Allemagne, Autriche, Suède et Lituanie, plus de la moitié des cas répertoriés ont plus de 50 ans. 17 4.2.4. Prévention De la même manière que pour la maladie de Lyme, les règles de prévention vis-à-vis des tiques sont à prendre en compte. La vaccination permettrait également une prévention efficace. En Autriche, un programme de vaccination de masse, initié en 1982, a permis de faire passer le nombre de cas annuels de 172 à environ 54 de 1994 à 2001. L'Autriche est le seul pays européen où la MET n'augmente plus. Aujourd'hui, 88 % de la population y est vaccinée. 4.2.5. Émergence La maladie est rencontrée essentiellement en Europe de l’Est. Chaque année, de nombreux cas sont déclarés notamment en Allemagne, en Suisse, en République Tchèque, en Suède. Quelques rares cas sont également déclarés dans l'est de la France. En France, on a observé au total 21 cas en Alsace et en Lorraine, mais ce chiffre est à considérer avec prudence car il n’y a pas de surveillance organisée de cette maladie. Avec 10 000 à 13 000 cas diagnostiqués par an, la MET est l'une des principales affections du système nerveux central dans de nombreux pays européens. Le nombre de cas annuels dans quelques pays européens est en nette augmentation, avec parfois même une accélération très nette de la hausse ces toutes dernières années. Chaque année, de nouvelles zones à risque sont identifiées et les médecins en sont alertés. 5. Synthèse Les professionnels qui organisent des excursions dans la nature peuvent être un relais de l'information dans le domaine de la santé publique concernant les maladies que l'on peut contracter au cours d'activités en plein air. Au même titre que pour la maladie de Lyme et la MET, il serait intéressant de se préoccuper d'une autre grave maladie parasitaire, l’échinococcose. 18 BIBLIOGRAPHIE Borréliose de Lyme : situation générale et conséquences de l’introduction en Île-de-France d’un nouvel hôte, le tamia de Sibérie J-L. Chapuis, E. Ferquel, O. Patey, G. Vourc’h, M. Cornet, 2010 Eléments d'épidémiologie de la Babésiose bovine à Babesia divergens dans une clientèle des monts du Lyonnais, A. Rebaud, 2006 Emergence et ré-emergence des maladies infectieuses, F. Rodhain, 2000 Facteurs environnementaux de variation de l’abondance des tiques Ixodes ricinus dans des zones d’étude modèles en Auvergne, C. Boyard, 2007 Ixodes ricinus - Morphologie, biologie, élevage, données bibliographiques, M. Guetard, ENV Toulouse, 2001 Qu’est ce qu’une maladie émergente ? B. Toma, E. Thiry E, 2003 La borréliose de Lyme : un risque sanitaire émergent dans les forêts franciliennes ? C. Méha, V. Godard, B. Moulin, H. 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