Le point sur les traitements symptomatiques dans la maladie d'alzheimer en 2016

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LE POINT SUR LES TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES DANS LA MALADIE D’ALZHEIMER
EN 2016
Groupe de travail de la Fédération Nationale des Centres Mémoire Ressources et Recherche
Sous la coordination de C. Hommet (CHU Tours) : JL Novella (CHU Reims), S Auriacombe (CHU
Bordeaux), M Vercelletto (CHU Nantes), G. Berrut (CHU Nantes), S Belliard (CHU Rennes), T
Desmidt (CHU Tours) et M. Ceccaldi (CHU Marseille).
Avec la participation de J. Pelat (CHU Marseille) pour la collecte et de L. Kanagaratnam (CHU
Reims) pour le traitement des données de l’enquête menées auprès des Consultations Mémoire
Dans la maladie d’Alzheimer (MA), nous disposons à ce jour de deux classes thérapeutiques :
les anti-cholinestérasiques ou inhibiteurs des cholinestérases (IchE) représentés par le donepezil, la
rivastigmine et la galantamine et les antagonistes des récepteurs NMDA représentés par la mémantine.
Ces médicaments ont une autorisation de mise sur le marché et sont disponibles en France depuis la
fin des années 1990. L’efficacité des IchE et de la mémantine a été mesurée sur 4 dimensions de la
maladie : la cognition, les activités de vie quotidienne, les troubles de l’humeur et du comportement, et
l’impression globale de changement. L’objectif de cet article est d’aborder les conditions dans lesquelles
ces traitements symptomatiques sont prescrits en France et d’examiner les données actuellement
disponibles concernant leur efficacité, leur tolérance, leur impact médico-économique, ainsi que les
positions des autorités sanitaires sur les conditions de leur prescription, en France et dans les autres
pays européens.
A/ Enquête menées auprès des praticiens des Consultations Mémoire (CM) et des
Centres Mémoire Ressources et Recherches (CMRR) sur l’utilisation des traitements
symptomatiques.: résultats issus d’une analyse préliminaire.
La FCMRR a souhaité mettre en œuvre une enquête visant à apprécier le niveau et les
conditions de l’utilisation de ces traitements par les spécialistes français de la Maladie d’Alzheimer
travaillant dans les CMRR et les CM.
Un questionnaire composé de 10 questions (fourni en annexe) a été diffusé via les 28 CMRR
aux médecins exerçant en CM et en CMRR. Chaque CMRR a été chargé de diffuser ce questionnaire
auprès des médecins exerçant au sein du CMRR et dans les CM de la région correspondante. Le
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questionnaire a été adressé par courriel aux intéressés, et les réponses ont été collectées soit par
courriel, soit par courrier postal. Le traitement des données est assuré par l’Unité d’Aide Méthodologique
du Pôle Recherche et Santé Publique du CHU de Reims (L. Kanagaratnam et JL Novella). Le
questionnaire a été diffusé en décembre 2015. Le délai de réponse a été étendu au 01 vrier 2016.
Un total de 435 questionnaires ont été reçus, dont 428 se sont avérés exploitables (questionnaires
illisibles, données manquantes, réponses hors délai).
Les données présentées ici sont issues d’une première analyse. Des analyses
complémentaires sont en cours.
Figure 1 : Origine géographique des réponses reçues (pourcentages)
Les réponses reçues ont émané pour 67% de médecins gériatres et pour 30 % de médecins
neurologues. Les quelques réponses restantes provenaient de spécialistes en psychiatrie (2%) et de
médecins généralistes (1%). La majorité des médecins ayant pondu à l’enquête exercent en
Consultation Mémoire hospitalière (près de 62%), 28% d’entre eux travaillent au sein des CMRR, le
reste des répondants étant pour l’essentiel des médecins ayant une pratique libérale. On retiendra donc
que la très grande majorité des répondants ont été des médecins hospitaliers (90%).
94,12% des répondants déclarent prescrire régulièrement des IchE vs 5,88% d’entre eux qui ont
répondu non à cette question pour cette catégorie de médicaments. Pour la mémantine, 89,05% des
répondants déclarent la prescrire régulièrement alors que 10,95% déclarent le contraire.
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L’arrivée des génériques n’a pas entraîné de diminution des prescriptions des traitements
symptomatiques pour 91,96% des médecins interrogés.
Concernant les effets secondaires des IchE, ils sont considérés comme très fréquents par 3,31% des
répondants, fréquents pour 24,35% d’entre eux, mais près des trois quarts des spécialistes les
considèrent comme peu fréquents (65%) ou rares (7,33%). Un tiers des répondants (32%) considèrent
toutefois que ces effets secondaires constituent un frein à la prescription des IchE, alors que les deux
tiers déclarent une opinion contraire (67,61%). Pour la mémantine cet écart est encore plus marqué
puisque moins de 10% des répondants considèrent ses effets secondaires comme fréquents (8,53%)
ou très fréquents (0,24%). alors que plus de 90% d’entre eux les rapportent comme peu fréquents
(53,32%) ou rares (37,91%) et ces effets secondaires ne constituent un frein à la prescription de la
mémantine que pour une minorité de répondants (8,57%).
Dans leur pratique clinique, l’efficacité clinique des traitements symptomatiques est évaluée à l’aide du
test MMSE par les 3/4 des répondants, à l’aide d’une échelle fonctionnelle pour un peu plus de la moitié
d’entre eux (56,16%), alors qu’une minorité d’entre eux déclarent utiliser les échelles comportementales
telles que le NPI (NeuroPsychiatric Inventory) (21%) ou l’échelle d’Apathie (7%). Il est intéressant de
noter que la très grande majorité des praticiens spécialistes (84%) déclarent apprécier l’efficacité des
traitements sur la base d’une impression globale fournie par le témoignage des aidants.
Dans l’hypothèse où ces traitements symptomatiques ne seraient plus disponibles, 60% des praticiens
considèrent que cela aurait un impact sur l’accès des patients aux différentes prestations médico-
sociales et un pourcentage analogue de praticiens (63%) estiment que cela influencerait la qualité de
la recherche clinique menée dans le domaine des maladies neurodégénératives (MND). En outre,
toujours dans le cas de cette hypothèse, plus des deux tiers (69,36%) des répondants estiment que
cela aurait un impact sur la qualité des soins qu’ils apporteraient à leurs patients et à leur implication
dans la prise en charge des MND.
Enfin, la très grande majorité des spécialistes ayant pondu à cette enquête considèrent que l’image
négative associée à ces traitements est injustifiée (87,35%) et qu’ils leur sont utiles dans leur pratique
clinique (93,17%).
En résumé, cette enquête montre clairement qu’en dépit de l’arrivée des génériques, les
spécialistes hospitaliers (CMRR et CM) de la Maladie d’Alzheimer prescrivent très
majoritairement ces médicaments dont les effets secondaires sont jugés peu fréquents mais
pris en compte dans leurs prescriptions, qu’ils en évaluent l’efficacité d’avantage de manière
globale que sur des échelles métriques, et qu’ils estiment injustifiée l’image négative qui leur
est associée. En outre, il apparaît que 2 médecins sur 3 estiment que la disparition de ces
traitements symptomatiques aurait un effet négatif sur la qualité des soins apportés aux malades
Alzheimer et la très grande majorité (près de 94% d’entre eux) les estiment utiles.
(Les données brutes de cette analyse préliminaire sont fournies dans l’annexe 2 du présent document)
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B/ Quelques données extraites de la littérature récente
B1. Quelle efficacité ?
Les inhibiteurs de l’acétylcholinesterase
En plus des études d’enregistrement qui avaient montré la supériorité des IchE sur le placebo, des
revues et méta-analyses plus récentes ont également conclu à leur bénéfice à 6 mois sur des critères
cognitifs, fonctionnel et d’évaluation globale (Impression globale de changement par le clinicien)
(Hansen, Gartlehner et al. 2008), (Raina, Santaguida et al. 2008) . Une revue Cochrane de 2006 conclut
également à l’efficacité des IchE en général (Birks 2006), confirmée en 2015 pour la rivastigmine (Birks,
Chong et al. 2015) avec la revue de 13 études en double aveugle rivastigmine/placebo rassemblant
3450 cas, pour une durée d’utilisation allant de 12 à 52 semaines.
A plus long terme (un an) Doody et al qui ont randomisé 430 patients présentant une MA en un groupe
traité par donepezil et un groupe placebo, ont trouvé à un an un déclin cognitif significativement plus
faible dans le groupe traité versus le placebo, sur le critère du score MMSE. Les auteurs ont également
mis en évidence une diminution du risque de déclin fonctionnel de 38 % dans le groupe traité versus le
placebo à 1 an (Doody, Dunn et al. 2001) (Mohs, Doody et al. 2001).
L’étude AD2000 qui a inclus 565 patients et les a randomisés en groupe donepezil ou placebo a mis en
évidence un gain statistiquement significatif de 0.8 point au MMSE sur les 2 premières années au profit
du donépézil versus placebo, et un gain fonctionnel significatif jugé sur la Bristol Activity of Daily Living
Scale (BADLS). Par contre, sur les 3 années de suivi de cette étude, il n’a pas été pas mis en évidence
de gain en termes d’institutionnalisation. Toutefois, moins de 50% des sujets ont été suivis plus d’un an
et moins de 20% ont terminé l’étude ce qui a relativise la validité des résultats (Courtney, Farrell et al.
2004).
Plus récemment, l’étude de Hager et al. en double aveugle contre placebo effectuée avec la
galantamine (24 mg/j ) a porté sur 2051 patients présentant un score moyen de 19 au MMSE et suivis
pendant 2 ans. Des traitements concomitants comme des antidépresseurs ou des antipsychotiques
pouvaient être associés de même que la mémantine. Le critère de jugement principal était le score au
MMSE et le critère de jugement secondaire l’échelle DAD (Disability Assessment of Dementia). Les
résultats montraient une baisse statistiquement significative du score au MMSE plus marquée dans le
bras placebo (- 2.14) que dans le bras galantamine (-1 .4). Le score à la DAD était aussi plus bas dans
le bras placebo par rapport au bras mémantine. Le traitement par mémantine était associé de façon
identique dans les deux bras (21 %). Les auteurs concluaient que le traitement à long terme par la
galantamine réduit le déclin cognitif et stabilise les activités de la vie quotidienne. Cependant seuls 30
% des patients ont terminé l’étude, ce qui relativise également la portée de ces résultats. (Hager,
Baseman et al. 2014) .
En outre, si le bénéfice est réel, il reste modeste en amplitude : le gain moyen du score au MMSE de
ces traitements, versus placebo, à 6 mois, est de 1,4 points. De plus, les résultats moyens cachent de
grandes disparités, avec des patients répondeurs et non répondeurs. La méta-analyse de Birks sur les
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IchE en 2006 ajoutait qu’il n’était pas possible de prédire quels patients bénéficieraient le mieux des
traitements, ni d’avancer une supériorité d’un IchAE sur un autre, affirmations encore valables
aujourd’hui (Birks 2006) .
La mémantine
La première étude d’enregistrement montrant la supériorité de la memantine par rapport au placebo
dans la MA au bout de 6 mois est celle de Reisberg et al (2003).Cette étude avait été réalisée chez
252 patients dont le score moyen du MMSE était de 7 , 9 sur 30. Cest pourquoi la mémantine a obtenu
l’ AMM chez des patients atteints de MA au stade sévère (MMSE < 10). Puis entre 2006 et 2008
plusieurs études ont permis de montrer l’efficacité de la mémantine au stade modéré à modérément
sévère (MMSE < à 20) de la MA.
La méta analyse de Matsunaga et al réalisée sur 2433 patients provenant de 9 études sélectionnée
entre 2003 et 2013 confirme l’amélioration de la cognition, du comportement (diminution de l’ agitation)
et des activités de la vie quotidienne . Dans cette méta analyse, la mémantine est administrée en
monothérapie et contre placebo, 7 études durent 6 mois et 2 durent 12 mois, le score MMSE est bas
(compris entre 7 et 14 sur 30) (Matsunaga, Kishi et al. 2015).
B2. Quand arrêter la prescription ?
La question de la durée de la prescription est une question légitime. L’ensemble des essais industriels
ont été réalisés sur une période de 6 mois, et, en pratique, les durées de prescription sont en fait
beaucoup plus longues. Compte-tenu des résultats, modestes mais réels, en terme de bénéfice à 6
mois, la réalisation d’essais de plus longue durée est limitée par le fait que beaucoup considèrent
comme éthiquement discutable l’utilisation de placebo sur des périodes prolongées et c’est
certainement l’une des raisons pour lesquelles nous ne disposons que de peu de données objectives
sur ce sujet.
L’étude DOMINO apporte toutefois des ponses, pour la catégorie des patients qui sont les plus
avancés dans la maladie. Howard et coll. (2012), ont inclus en double aveugle contre placebo 295
patients atteints de MA avec un score moyen de 9 au MMSE (compris entre 5 et 13), pour lesquels le
clinicien pouvait penser que le patient ne tirait plus bénéfice du traitement. Une randomisation était faite
en 4 bras avec un suivi pendant 1 an: donepezil 10 mg et placebo de memantine ; memantine 20 mg
et placebo de donepezil 10 mg ; donepezil 10 mg et memantine 20 mg ; placebos de donepezil et de
mémantine. Les résultats ont montré au bout d’1 an un gain sur l’échelle d’activités de vie quotidienne
BADLS de 3 points et de 1, 9 point au MMSE dans le bras qui poursuivait le donepezil par rapport à
celui qui l’arrêtait. Les bénéfices cognitifs et fonctionnels liés à l’initiation de la mémantine étaient une
amélioration de la BADLS de 1, 5 points et du MMSE de 1, 2 points. Les arrêts d’étude étaient deux
fois plus fréquents dans le groupe placebo que dans les groupes traités. La tolérance était bonne et il
n’y a pas eu de différences significatives entre les groupes concernant les effets indésirables.
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