
N° 76 mardi 23 février 2010
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l’est celle menée par les pays qui refusent de s'ouvrir à
internet. D'ailleurs, les pays qui ont fait ce choix n'ont
en rien éradiqué l'offre illégale. Ainsi, en Allemagne,
depuis janvier 2008, le chiffre d'affaires des opérateurs
légaux diminue car les parieurs privilégient les
opérateurs illégaux. Les États-Unis ont fait également
ce choix : or, le chiffre d’affaires du marché des jeux
en ligne illégal a été évalué en 2007 à environ
9 milliards. On peut donc douter de cette stratégie.
Il serait, à l’inverse, irresponsable de choisir la
liberté totale. L'absence de régulation conduit à des
situations intenables pour les joueurs et pour leurs
familles. Il suffit d'écouter les professionnels de la
santé qui traitent des cas d’addiction, pour comprendre
les ravages du jeu incontrôlé.
Entre ces deux solutions, il nous est apparu
préférable de prévoir une ouverture maîtrisée, adaptée
à la problématique de l'internet. J'entends dire que
cette ouverture nous serait imposée par la
Commission européenne, ou par une directive.
Comme je l’ai dit en commission, nous n'ouvrons pas
le marché des jeux en ligne pour faire plaisir à qui que
ce soit. Nous ouvrons pour réguler un marché qui ne
l'est plus. Nous ouvrons, car la tradition française est
d'encadrer ce secteur, et pas de le regarder se
développer sans rien faire. Nous nous inscrivons donc
dans une continuité historique en adoptant notre
modèle de régulation des jeux à leur évolution.
La réponse la plus adaptée consiste à assécher
progressivement le marché noir des jeux en ligne, en
créant une offre légale, qui obéit aux règles que vous
aurez édictées, et d'y associer la lutte contre les sites
illégaux, la lutte contre l'addiction et la protection des
mineurs. C’est l’addition de ces outils qui permettra de
lutter efficacement contre de tels sites. C'est le pari fait
par l'Italie et qui commence à porter ses fruits.
Il y a urgence à rétablir l'État de droit en la matière.
Il y a urgence à fixer les nouvelles règles du jeu pour
les opérateurs qui souhaiteront accéder au marché
français, il y a urgence à constituer des mécanismes
de contrôle fixés par la loi. Chaque jour, de nombreux
Français, notamment des mineurs, accèdent à ces
types de jeux sans aucun contrôle. Mais, pour que ces
règles s'appliquent, il faut que l'ouverture du marché
réussisse, qu'elle soit suffisamment attractive pour les
opérateurs qui souhaitent se conformer à la loi, sans
pour autant que nos valeurs, les principes de
protection de l'ordre public et de l'ordre social soient
remis en cause. Nous prévoyons donc une véritable
ouverture du marché des jeux en France, mais pas à
n'importe quelle condition. Nous ne transigerons pas
sur les risques d'addiction, de fraude et de
blanchiment. Nous ferons attention aux mineurs. C'est
pourquoi ce texte repose sur deux piliers
indissociables : une offre de jeu sécurisée, contrôlée et
régulée, et la mise en œuvre de divers obstacles pour
assécher le marché illégal.
J’en viens aux quelques points saillants du texte,
sur lesquels nous avons beaucoup travaillé,
notamment avec MM. François Trucy, Ambroise
Dupont et Jean Arthuis.
L'ouverture sera limitée à certains types de paris :
les paris sportifs, les paris hippiques et le poker. Il
s'agit des jeux et des paris qui, à la fois, présentent les
risques d'addiction les moins importants, et constituent
l'essentiel de la demande sur internet. Ainsi, les
machines à sous, avec lesquelles le risque de
dépendance est très élevé, ne seront pas autorisées
sur internet et demeureront sous le monopole des
casinos.
Les paris sportifs seront autorisés sous la forme
mutuelle, où les joueurs parient les uns contre les
autres, mais aussi sous la forme du pari à cote, les
joueurs pariant contre l'opérateur. Certains
amendements visent à supprimer ce mode de pari.
Mais il représente la quasi-totalité des paris sportifs, et
ouvrir le marché sans l’autoriser serait assez vain.
L’activité illégale perdurerait. Pour prévenir les risques
de tricherie et de fraude, les sportifs et les dirigeants
de clubs ne pourront parier sur les événements
auxquels ils participent, et les paris sur des épreuves
virtuelles seront interdits. Surtout, les fédérations
sportives donneront leur avis sur les supports des
épreuves soumis à pari.
La France, comme de nombreux pays, vit dans la
tradition du pari hippique organisé sous la forme
mutuelle -l'offre illégale ne concerne que ce type de
paris. Nous avons donc écarté, ici, le pari à cote. Le
troisième jeu autorisé sera le poker, qui connaît un
succès considérable, représente les trois quarts des
sommes misées sur internet et suscite moins
d’addictions que les autres jeux de casino. Il était
indispensable de le retenir.
Le texte définit les obligations des opérateurs et
met en place les outils indispensables pour lutter
contre l’activité illégale. Les opérateurs qui
souhaiteront accéder au marché français des jeux en
ligne devront obtenir un agrément pour cinq ans,
renouvelable. Nous écartons le principe de
reconnaissance mutuelle afin de décider nous-mêmes
des critères d’autorisation. Nous voulons rester, si je
puis dire, maîtres du jeu ! Mais il n'y aura pas de
numerus clausus : tous ceux qui voudront entrer dans
la légalité doivent pouvoir le faire. Plus les opérateurs
légaux seront nombreux, moins les illégaux
prospéreront. Nous créons une Autorité indépendante
de régulation des jeux en ligne (Arjel) qui sera chargée
d'attribuer les licences, de contrôler le respect des
obligations et de lutter contre l'offre illégale. Les
licences seront attribuées sur la base d'un cahier des
charges très strict, qui reprendra les principes fixés
dans la loi et dans les décrets. Les règles porteront sur
la solidité financière, la moralité des opérateurs, le
contrôle de l'identité des joueurs, la protection des
mineurs, la traçabilité des informations de jeu, la lutte
contre le blanchiment d'argent et les paradis fiscaux, la