Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013
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Juliette et les virus : VIH et EBV
homosexuels. La maladie est rapide-
ment observée dans d’autres commu-
nautés, non homosexuelles, comme les
héroïnomanes, les hémophiles et… les
Haïtiens. D’intenses recherches ont tenté
d’expliquer pourquoi ce virus est sou-
dain apparu dans le monde occidental.
Les pistes les plus sérieuses envisagent
la mutation d’un virus simien touchant
des primates africains, et ont iden-
tié une première épidémie en Haïti
à la suite d’échanges avec le Congo.
Différents travaux ont retrouvé le virus
dans des biopsies très antérieures aux
années 1980, mais c’est bien à cette
époque qu’on a commencé à s’interro-
ger sur cette maladie, initialement des
“4 H” pour Homosexuels, Héroïnomanes,
Hémophiles et Haïtiens. La phase silen-
cieuse de l’infection laisse supposer
que le début de l’épidémie remonte
au milieu des années 1970, et qu’au
moment où sont apparues les formes
cliniquement bruyantes ayant permis
d’identier la pandémie, tous les conti-
nents étaient touchés. Plus tard, les “3 S”
identieront les facteurs de transmis-
sion : le Sperme, la Salive et le Sang.
Le virus lui-même a été identié en
1983 par Luc Montagnier et Françoise
Barré-Sinoussi à Paris, et à New York
par Robert Gallo, ce qui leur vaudra
le prix Nobel presque 30 ans plus tard.
Mais c’est David Klatzmann, un immuno-
logiste parisien, qui a trouvé le premier
comment ce virus identiait sa cible, la
clé de voûte du système immunitaire,
les lymphocytes T-helper caractérisés
par l’expression à leur surface de la
molécule CD4. Le VIH utilise CD4 pour
entrer dans ces cellules, et prote de
leur capacité à proliférer lors d’une
réponse immunitaire pour s’y multi-
plier. Il tue ou facilite l’élimination
des CD4 infectés, générant un état de
sévère immunosuppression. Cela, bien
sûr, favorise le développement de tout
ce que contrôlent normalement efca-
cement les CD4 et les réactions immu-
nitaires qu’ils orchestrent : infections et
tumeurs principalement. La trithérapie
et sa mise en place précoce ont modié
le paysage des signes cliniques associés
à l’infection par le VIH arrivée à son
terme, c’est-à-dire au stade sida (syn-
drome d’immunodécience acquise),
mais ce virus extrêmement immunogène
par nature (le diagnostic se fait en
recherchant la séropositivité des sujets
contaminés, qui produisent rapidement
des anticorps) a déjoué toutes les ten-
tatives de vaccin. L’éviction reste la
meilleure protection, et les contrôles
des produits sanguins ont éliminé le
risque transfusionnel. Des rapports pro-
tégés et un dépistage de la séronéga-
tivité restent indispensables.
Ces 2 virus se sont donc très bien adap-
tés à l’homme, l’EBV avec un aspect
plutôt bénin et sommeillant, le VIH
de façon plus agressive. Il faut rete-
nir pour les 2 leur capacité à rester
quiescents dans des niches immunolo-
giquement protégées, et leur utilisation
du système immunitaire associé aux
muqueuses, habituellement extraordi-
nairement efcace dans la tolérance
à l’environnement.
L’histoire est moins palpitante et plus
discrète pour HHV-8. Ce virus est le plus
discret des 3 virus que tu vas rencon-
trer dans ce dossier, Juliette. Il partage
avec le VIH son association avec le sar-
come de Kaposi et sa prévalence parmi
les homosexuels, mais il est très rare
dans la population générale (1 à 3 %
de séropositifs aux États-Unis) et n’est
pas transmis par le sang. Comme l’EBV
et le cytomégalovirus, qui sont aussi
des herpèsviridés, il est présent dans
la salive. Les sujets VIH-positifs sont
souvent co-infectés par HHV-8, mais les
manifestations cliniques de ce virus
sont dans l’ensemble peu importantes
tant que le système immunitaire est
fonctionnel.
Car c’est bien là toute la thématique
de ce dossier, Juliette, les hémopathies
qui se développent quand le système
immunitaire n’est plus capable d’inhiber
leur apparition…
■
L’auteur
n’a pas précisé
ses éventuels
liens d’intérêts.