La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 6 - juin 2001
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MISE AU POINT
Bithérapie interféron-ribavirine
Deux études pilotes ont été publiées sur la tolérance et l’effi-
cacité de l’association interféron-ribavirine chez les patients
atteints d’hépatite chronique C ayant une co-infection VIH
(31, 32).
✓Dans la première étude, 20 patients (16 naïfs, 1 rechu-
teur et 3 non répondeurs à l’interféron) ont reçu un traite-
ment associant interféron et ribavirine pendant 24 semaines.
Quarante-cinq pour cent des patients avaient une cirrhose,
70 % recevaient un traitement antirétroviral depuis en
moyenne 3,8 ± 3,4 ans, 70 % avaient un VHC de géno-
type 1.
La dose de ribavirine a dû être diminuée chez deux patients à
cause d’une anémie. Il n’y a pas eu de changement significa-
tif de la charge virale VIH. Le nombre de CD4 est resté
inchangé. Le taux de réponse en fin de traitement était de 50 %.
Le taux de réponse prolongée n’était pas indiqué dans cette
étude.
✓Dans la deuxième étude rétrospective (32), la bithérapie a
été donnée à 21 patients (1 rechuteur et 20 non répondeurs à
l’interféron) pendant une durée moyenne de 8,3 mois. Une aug-
mentation significative de la charge virale VIH a été notée chez
trois malades. Le nombre de CD4 n’a pas changé de manière
significative. Le traitement a dû être arrêté chez deux patients
(à cause d’une anémie et d’une augmentation de la charge virale
VIH). Le taux de réponse en fin de traitement était de 24 % et
celui de réponse prolongée de 14 %.
Ces deux études suggèrent que, malgré l’existence d’inter-
actions in vitro entre la ribavirine et certains antirétroviraux
(zidovudine et stavudine) (33-35), l’association de l’interfé-
ron avec la ribavirine administrée selon un schéma habituel
n’entraîne pas de modification significative de la charge
virale VIH, et que sa tolérance n’est pas significativement
différente de celle observée habituellement chez les patients
sans co-infection VIH. Les résultats sont intéressants en
termes d’efficacité puisque la première étude, qui concerne
essentiellement des patients naïfs, montre un taux de réponse
en fin de traitement assez élevé (50 %) et qui ne semble pas
différent de celui observé habituellement chez les patients
sans co-infection VIH. En outre, la deuxième étude, qui
concerne essentiellement des patients non répondeurs à un
premier traitement par l’interféron, montre un taux de réponse
prolongée faible (14 %), mais qui ne semble pas différent de
celui observé chez des patients non répondeurs VIH négatif
retraités.
Néanmoins, dans cette population de sujets co-infectés déjà
lourdement traités, il ne faut pas sous-estimer les effets secon-
daires potentiels (cytopénie) et parfois additifs d’une bithéra-
pie interféron-ribavirine. Il existe des risques d’interaction avec
certains antirétroviraux inhibiteurs de la reverse transcriptase :
in vitro, la ribavirine entre en compétition pour la phosphory-
lation de certains analogues nucléosidiques, le d4T (33) et
l’AZT (34, 35).
CONCLUSION
Avec un meilleur contrôle de l’infection par le VIH chez une
majorité de patients grâce aux trithérapies antirétrovirales, la
prise en charge thérapeutique du VHC chez les patients co-
infectés est actuellement une priorité. Si pour les hépatites chro-
niques actives, l’indication thérapeutique est indiscutable, il n’y
a pas actuellement de consensus pour traiter les hépatites chro-
niques minimes. Dans cette population co-infectée ayant déjà
fréquemment des cytopénies favorisées par le VIH ou les anti-
rétroviraux, les traitements anti-VHC doivent être conduits de
façon prudente et se faire, dans la mesure du possible, dans le
cadre d’essais thérapeutiques. Les études contrôlées en cours
évaluant l’efficacité de la bithérapie interféron pegylé-ribavi-
rine devraient permettre de définir un schéma optimal de trai-
tement de l’hépatite chronique C chez les patients co-infectés
par le VIH. ■
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