La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VI - mai-juin 2003 113
DOSSIER THÉMATIQUE
lement aux prothèses autoexpansives couvertes, qui limitent la
protrusion des bourgeons tumoraux dans la lumière œsopha-
gienne. Au cours du cancer de l’œsophage, la pose d’une gastro-
stomie percutanée est un geste le plus souvent palliatif, qui ne
doit être réalisé que si une chirurgie est récusée. La pose endo-
scopique peut être impossible en cas de sténose non franchissable
par l’endoscope ou la collerette de la sonde de gastrostomie; dans
ce cas, la pose par technique radiologique, sous anesthésie locale,
est une alternative intéressante. Dans les cancers de l’œsophage
en période de prise en charge oncologique active, la technique de
référence est la nutrition entérale par sonde naso-gastrique, com-
plétant les apports alimentaires per os insuffisants. Le plus sou-
vent, une sonde en polyuréthane de faible calibre (8F) peut être
mise en place sans dilatation, au besoin sous contrôle visuel endo-
scopique. La bonne position doit être vérifiée par contrôle radio-
logique, d’autant plus que le trajet sténotique est long et anfrac-
tueux. En dehors de la phase périopératoire (lire infra: Nutrition
péri-opératoire et place de l’immunonutrition), les apports nutri-
tionnels peuvent être réalisés par des produits polymériques stan-
dard (isoénergétiques à 1 kcal/ml ou hyperénergétiques
1,3-1,5kcal/ml), administrés si possible de façon cyclique noc-
turne à l’aide d’une pompe, de façon à ménager une prise ali-
mentaire diurne de confort. Les apports énergétiques totaux (voies
orale et entérale) doivent atteindre au moins 30 à 35 kcal/kg/j.
Ces différents moyens de rétablir un apport nutritionnel correct
doivent être envisagés dès le stade du diagnostic, en fonction de
l’évaluation de l’état nutritionnel, qui peut conditionner les choix
thérapeutiques et la tolérance des traitements.
Cancer de l’estomac
Le cancer de l’estomac est souvent responsable d’une anorexie
importante, de dysphagie en cas d’atteinte cardiale ou de troubles
de la vidange gastrique en cas de localisation antro-pylorique,
avec satiété précoce, voire vomissements post-prandiaux tardifs
non bilieux, l’ensemble concourant à une dénutrition majeure qui
est retrouvée chez 2 patients sur 3 avant traitement (5, 7). Cette
dénutrition nécessite une prise en charge active avant la réalisa-
tion d’un geste lourd comme la gastrectomie totale. Dans les
semaines post-opératoires, la radio-chimiothérapie, de plus en
plus prescrite dans cette indication, expose à une aggravation de
l’anorexie préexistante et de la dénutrition. De ce fait, l’utilisa-
tion prolongée d’une jéjunostomie fine (7 ou 8 F), posée en per-
opératoire pour assurer la nutrition post-opératoire immédiate,
peut s’avérer nécessaire pour assurer un apport nutritionnel suf-
fisant. Cela expose toutefois à des complications techniques (obs-
truction, chute de la sonde) qui peuvent nécessiter l’utilisation de
sondes de remplacement avec ballonnet. Au stade palliatif inopé-
rable, la pose d’une jéjunostomie chirurgicale peut rester la seule
alternative pour limiter l’évolution de la cachexie.
Au cours des cancers œsophagiens et gastriques, l’existence d’une
chambre implantable incite parfois à des indications trop larges
d’apports nutritionnels parentéraux complémentaires, dont le
bénéfice par rapport à une nutrition entérale bien conduite n’est
pas établi, et qui exposent en outre à un risque majoré de com-
plications infectieuses. Les indications de la nutrition parentérale
au cours de la radio-chimiothérapie doivent donc être réservées
aux patients sévèrement dénutris ne pouvant être nourris par voie
entérale et chez qui la dénutrition compromet la réalisation d’un
traitement. La prescription doit alors couvrir réellement les
besoins énergétiques et azotés du patient, et intégrer les apports
en électrolytes et micronutriments. Son efficacité doit être éva-
luée, et ses risques limités par un personnel entraîné.
Cancer du pancréas
Le cancer du pancréas est très souvent responsable d’un amai-
grissement majeur et rapide conduisant à la cachexie. La dénu-
trition avant traitement est présente chez 72 à 80% des malades
pour ce type de cancer (7, 10). Les perturbations métaboliques,
en particulier le syndrome inflammatoire et hypercatabolique,
sont particulièrement marquées au cours du cancer du pancréas.
En outre, la sténose du deuxième duodénum peut freiner la
vidange gastrique et évoluer vers une obstruction digestive. La
cholestase liée à la compression de la voie biliaire principale
entraîne une malabsorption des graisses. De plus, une tumeur
céphalique obstruant le canal de Wirsung peut être à l’origine
d’une insuffisance pancréatique exocrine majorant la mal-
absorption globale, en particulier lipidique. Enfin, les douleurs
épigastriques intenses souvent présentes, parfois majorées par la
prise alimentaire, peuvent entraîner une diminution volontaire
des apports alimentaires. Le diagnostic du cancer du pancréas
reste souvent tardif, et l’extension tumorale comme la dénutri-
tion sont généralement majeures d’emblée, contre-indiquant tout
traitement carcinologique.
Devant une tumeur localement évoluée, l’obstruction duodénale
peut être palliée par la mise en place d’une prothèse duodénale
expansive. La double dérivation bilio-digestive chirurgicale reste
une intervention de dernier recours, avec souvent des suites opé-
ratoires difficiles. Dans ce cas, la mise en place conjointe d’une
jéjunostomie peut permettre d’améliorer le confort post-opéra-
toire, sans toutefois influencer le très mauvais pronostic de ce
cancer.
Les cancers des voies biliaires sont souvent, au même titre que
les cancers du pancréas, diagnostiqués tardivement. La dénutri-
tion est souvent importante, pouvant résulter du double obstacle
bilio-digestif que peut constituer un cholangiocarcinome évolué,
et de la malabsorption secondaire.
Cancer colorectal
Le cancer colorectal est moins souvent associé à une dénutrition
importante au moment de son diagnostic (34%) (7), du fait de la
localisation préférentielle sur le côlon gauche et d’un retentisse-
ment tardif sur la prise alimentaire. Le syndrome inflammatoire