Il faut insister sur les difficultés rencon-
trées par les anatomopathologistes pour
apprécier le caractère de l’exérèse étant
donné les artéfacts secondaires à l’élec-
tro-coagulation. Seul un anatomopatho-
logiste entraîné pourra valablement clas-
ser l’exérèse dans le groupe incertain ou
douteux.
En conclusion, l’exérèse locale des can-
cers du rectum ne doit être envisagée que
lorsque l’excision de la tumeur peut être
complète et lorsque le risque d’envahisse-
ment ganglionnaire est minimal. On a vu
que ces risques ganglionnaires dépendent
de deux facteurs essentiels : le degré de
pénétration de la tumeur à travers la paroi
et le degré de différenciation histologique.
Ces deux facteurs ne pouvant être vala-
blement appréciés qu’après un examen
anatomopathologique complet de la pièce
d’exérèse.
C
OMMENT ÉVALUER
EN PRÉOPÉRATOIRE
L
’
EXTENSION LOCO
-
RÉGIONALE
?
Moyens d’évaluation préopératoire
de l’extension loco-régionale :
examens cliniques
et examens complémentaires
• Le toucher rectal
L’exérèse locale doit s’adresser à des
tumeurs facilement accessibles au toucher
rectal siégeant au niveau du tiers inférieur
du rectum et pour lesquelles se discute une
amputation abdomino-périnéale. Le tou-
cher rectal est le meilleur examen pour
sélectionner les tumeurs. Il permet d’ap-
précier le siège tumoral, le caractère
macroscopique, la mobilité par rapport aux
structures adjacentes et de rechercher des
adénopathies suspectes dans le méso-
rectum. En revanche, le toucher rectal ne
permet pas de différencier l’envahissement
de la sous-muqueuse versus la musculeuse.
En ce qui concerne l’existence d’un enva-
hissement ganglionnaire, le toucher rectal
n’est fiable qu’une fois sur deux (16). Il
peut éventuellement être fait sous anes-
thésie générale chez les sujets difficiles à
examiner.
L’échographie endo-rectale (EER)
• Extension de la tumeur intrapariétale
Une sonde endo-rectale de 7,5 MHz met
en évidence cinq couches au niveau de la
paroi rectale. On ne peut distinguer la
muqueuse de la sous-muqueuse, car la
muscularis mucosae n’est pas visible en
EER. On ne peut donc pas distinguer les
tumeurs Tis et les tumeurs T1 de la classi-
fication TNM de l’UICC. L’évaluation
échographique de l’extension pariétale a
une précision diagnostique de 82 à 93 %,
sa sensibilité est de 85 % et sa spécificité
de 95 % (17, 18). L’imprécision la plus
grande concerne les stades uT2 qui sont
parfois surestimés (10 % des cas) en rai-
son d’une stromaréaction inflammatoire
périphérique dont l’aspect hypo-échogène
imite une extension à la graisse, et les
stades uT3 n’ayant qu’une invasion micro-
scopique de la graisse péri-rectale qui sont
au contraire sous-estimés (5 % des cas).
• Extension ganglionnaire
Les critères endoscopiques de malignité
des ganglions reposent sur leurs formes
(rondes), leurs limites nettes, leurs dia-
mètres supérieurs à 5-10 mm et leurs
caractères iso-échogènes à la tumeur. La
précision diagnostique de l’EER dans le
bilan d’extension ganglionnaire est de 65
à 80 % avec une sensibilité de 70 % et une
spécificité de 80 %. En effet, des ganglions
envahis peuvent ne pas être visualisés du
fait de leur petite taille ou de leur situation
à distance de la sonde (faux négatifs).
Inversement, on peut objectiver les gan-
glions inflammatoires (faux positifs). Cer-
tains auteurs ont proposé des ponctions
biopsies écho-guidées pour affirmer le
caractère métastatique des ganglions sus-
pects. Récemment, l’équipe du Minnesota
(19) a publié son expérience de l’échogra-
phie endo-rectale sur une période de 10 ans
et donne des résultats moins favorables que
les séries antérieurement publiées. Les
auteurs ont étudié par EER, 545 patients
ayant une tumeur rectale et la classifica-
tion échographique a été comparée à l’ana-
tomopathologie. Le stade T ne fut correc-
tement apprécié que dans 69 % des cas
(18% des tumeurs étaient surestimées et
13 % sous-estimées). La valeur prédictive
positive était de 72 % et la valeur prédic-
tive négative de 93 %. Les tumeurs T1 ou
T2 ne furent correctement classées que
dans seulement 47 et 69 % des cas res-
pectivement. L’envahissement ganglion-
naire (évalué sur les 238 patients ayant eu
une exérèse classique) a été correct dans
64 % des cas (sensibilité = 33 %, spécifi-
cité = 82 %). Enfin, une différence signi-
ficative a été notée en fonction des opéra-
teurs dans la performance du classement
pour le T et non pour le N.
La biopsie préopératoire
Elle précisera le type histologique, le degré
de différenciation de la tumeur en sachant
qu’en définitive, seul l’examen de la tota-
lité de la pièce d’exérèse permettra une
classification anatomopathologique exacte.
Le scanner pelvien
Il ne semble pas supérieur à l’échographie
endo-rectale, l’invasion à travers la paroi
est correctement appréciée par le scanner
dans 66 à 88 % des cas et l’envahissement
lymphatique dans environ 60 % des cas.
La résonance magnétique nucléaire (IRM)
donne des résultats identiques au scanner
pelvien. En conclusion, ces deux examens
ne paraissent pas utiles pour sélectionner
les tumeurs qui pourraient bénéficier d’une
exérèse locale.
Ainsi, le toucher rectal, l’endoscopie avec
biopsie et l’échographie endo-rectale per-
mettront de sélectionner les tumeurs pour
une exérèse locale. Les cancers mobiles
siégeant au niveau du tiers inférieur du rec-
tum dont le diamètre est inférieur ou égal
à 3 cm sans ganglion palpable ou suspect.
Les cancers ne dépassant pas la muscu-
leuse rectale, bien ou moyennement diffé-
renciés, siégeant idéalement sur les faces
postérieures ou latérales.
L’exérèse locale est ensuite effectuée et
l’on attend les résultats anatomopatholo-
giques, le patient étant toujours prévenu de
la possibilité d’une reprise chirurgicale si
les conditions requises pour l’exérèse
locale ne sont pas satisfaisantes. Ce taux
de chirurgie complémentaire après exérèse
locale varie selon les auteurs et selon les
critères initiaux de sélection (9 à 17 %).
Dossier thématique
Le Courrier de colo-proctologie (III) - n° 4 - oct. nov. déc 2002
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