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politique arabe
N° 2
mai 2014
nier siècle, de par les transformations et progrès de la technologie, un
élément clé de la puissance et de la richesse des nations.
Aussi, cette région du monde est celle qui présente, aujourd’hui,
l’aspect d’une vaste zone de déshérence, ouverte aux invasions, en si-
tuation de tensions permanentes et exposée à des conflits armés à répé-
tition. Il est difficile, cependant, de déterminer laquelle de ces trois ca-
ractéristiques de la région (carrefour stratégique, lieux saints, pétrole)
est la plus responsable de l’état volcanique dans lequel vit le Moyen-
Orient depuis cent cinquante au moins, soit depuis l’expédition de Na-
poléon Bonaparte en Egypte en 1798 et l’éclatement de la rivalité impé-
rialiste franco-anglaise pour le contrôle de la région.
Il ne fait pas de doute, toutefois, que l’existence de ressources pétro-
lières et gazières abondantes au Moyen-Orient arabe a entraîné des bou-
leversements et des conséquences négatives majeures dans la vie des
sociétés de la région, qu’elles soient dotées de ces ressources ou non.
La première de ces conséquences concerne le renversement de tous les
équilibres socio-économiques et politiques des sociétés arabes entre
elles, notamment entre les pays du Mashrek, et à l’intérieur de chacune
d’elle. En effet, la richesse des royautés et petits émirats de la péninsule
arabique explose littéralement à partir du début des années soixante-dix
sous l’effet du quadruplement des prix du pétrole en 1973. La puissance
économique et culturelle dans le monde arabe, concentrée jusqu’ici
dans des pays de vieille civilisation urbaine, tels que l’Egypte ou l’Irak,
la Syrie ou le Liban, passe de la sorte aux gouvernements des Etats nou-
vellement constitués au cours du XXème siècle dans la péninsule ara-
bique (Arabie saoudite, Koweït, Emirats arabes unis, Qatar, Bahrayn).
Ces derniers, en effet, acquièrent, par leur nouvelle fortune, des moyens
d’influence considérables et deviennent ainsi les arbitres des équilibres
politiques, économiques, culturels et sociaux dans le monde arabe, hors
de proportion avec tout ce qui était concevable jusqu’ici dans les rela-
tions interarabes. Les sociétés de la péninsule, essentiellement bé-
douines, à l’exception du Yémen et de Oman, prennent en fait le con-
trôle indirect de sociétés urbaines de vieille civilisation. Dans ces der-
nières, les carrières politiques se font à partir des connexions et rapports
d’affaires qui se nouent avec les dirigeants des pays pétroliers de la
péninsule arabique.
De plus, comme on le verra un peu plus loin, des Egyptiens, des Liba-
nais, des Syriens, des Palestiniens, bâtissent des fortunes colossales à
l’ombre de leur association avec des princes des familles pétrolières
régnantes. Ces fortunes leur servent ensuite à se bâtir des clientèles
politiques dans leur propre pays, à acheter les faveurs des dirigeants
locaux ou à entrer eux-mêmes dans l’arène politique au plus grand bé-