Repères
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Il apparaît finalement que la
réflexion de Welzer, qui apporte un
éclairage précieux à la compréhension
de la mondialisation, ne se suffit pas à
elle-même. Elle ne vaudra pleinement
que lorsqu’elle sera croisée à d’autres
approches sur les dérèglements de
l’écosystème, la sociologie de la mon-
dialisation, les bénéfices de celle-ci
sur les niveaux de vie, l’évolution des
dispositifs de production, les pratiques
environnementales des cultures non
occidentales, la mutation des systèmes
de sécurité, etc. Elle montre l’intérêt
vital d’une approche transversale, cen-
trée sur les comportements, et la néces-
sité d’un renforcement des sciences
humaines dans les dispositifs d’analyse
et de prévention des risques globaux.
Enfin l’idée de « bonne société », prag-
matique et non utopique, réintroduit
opportunément, dans la réflexion sur le
global et avec un certain sens de l’ur-
gence, pratiques collectives et expéri-
mentations sociales.
Bruno Aubert
Mohamed Benrabah
DEVENIR LANGUE DOMINANTE
MONDIALE. Un défi pour l’arabe
Genève/Paris, Librairie Droz,
2009, 304 p., 32 €
Dans des publications antérieures,
Mohamed Benrabah1s’est intéressé à
la question de la langue arabe en Algé-
rie, notamment à la distance entre la
langue arabe dite classique et la langue
parlée par la population, comme c’est
le cas dans tous les pays arabes. Dans
cet ouvrage, il engage une réflexion sur
l’avenir de la langue arabe dans le
contexte mondial. Le point de départ
en est une étude du British Council qui
établit des projections pour 2050 sur
le statut respectif des langues mon-
diales ; à cette date, cinq langues
seraient dominantes : le chinois, le
hindi, l’anglais, l’espagnol et l’arabe.
La promotion de l’arabe à cette place
pose toutefois des questions auxquelles
l’auteur cherche une réponse.
À quelles conditions une langue
devient-elle dominante ? Prenant
l’exemple de l’anglais dans la phase
actuelle, l’auteur remarque que, au-
delà du bénéfice de positions écono-
miques et politiques dominantes, cette
langue s’est engagée dans un proces-
sus de désethnisation qui la rend moins
marquée et qui fait qu’elle n’est perçue
comme la propriété ni d’un groupe eth-
nique, ni d’une religion, ni d’une idéo-
logie quelconque : ce faisant, elle se
distingue de la politique de la franco-
phonie, où la langue française reste
très identifiée à la France. Ce carac-
tère ouvert de la langue anglaise lui
confère une flexibilité et une adapta-
bilité à des contextes culturels divers,
ce qui fait d’elle une langue apprise
actuellement par près de deux mil-
liards de personnes.
Par comparaison, quelles sont les
chances de rayonnement de la langue
arabe ? L’auteur passe d’abord en revue
des données quantitatives dans les
domaines politique, économique,
numérique et religieux susceptibles de
lui conférer un certain poids. Les vingt-
cinq États arabes qui ont adopté cette
langue comme langue officielle lui ont
conféré ce statut en fonction d’une
idéologie religieuse, de son rapport à
l’islam. La puissance économique de
l’arabe place cette langue au 8erang
mondial. L’économie reposant princi-
palement sur la vente de pétrole ne
suscite pas auprès des acheteurs un
besoin d’apprendre cette langue. De
plus, cette richesse mal répartie fait du
1. M. Benrabah, Langue et pouvoir en Algé-
rie. Histoire d’un traumatisme linguistique, Paris,
Séguier, 1999.
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