patients dans une étude de phase III (15). Le contrôle tumoral a aussi
un impact sur la survie sans progression et la survie globale (16).
Chez les patients traités par 5-FU continu en première ligne, seuls
20 % sont en situation d’échec précoce. Enfin, même si une chi-
miothérapie agressive en première ligne peut permettre une résec-
tion des métastases et une augmentation de la survie, cette straté-
gie ne s’adresse qu’à une faible proportion de patients, évaluée
à 3 à 5 % de ceux inclus dans les essais prospectifs randomisés.
Après un échec du 5-FU en première ligne, l’impact du CPT11
en deuxième ligne sur la survie et la qualité de vie a été claire-
ment démontré par deux essais randomisés publiés récemment.
Le CPT11 comparé à un traitement symptomatique augmente de
22,4 % la survie à un an, et de 13% à un an comparé à du 5-FU
continu (8, 17). D’autre part, l’efficacité des traitements de
deuxième ligne peut éventuellement expliquer l’absence de dif-
férence de survie significative entre deux traitements de première
ligne, comme c’est le cas dans l’essai comparant LV5FU2 et
LV5FU2 + oxaliplatine, pour lequel 33,8 % des patients ont reçu
de l’oxaliplatine ou du CPT11 en deuxième ligne.
Enfin, la chimiothérapie n’est pas le seul facteur pronostique qui
influence la survie. L’indice de performance, le nombre de sites
envahis, le pourcentage d’envahissement hépatique sont autant
de facteurs pronostiques qui entrent en ligne de compte, et sont
souvent plus importants que le type de chimiothérapie initial. Les
patients âgés, quant à eux, constituent une population chez
laquelle le 5-FU a une activité antitumorale, mais parfois au prix
d’une toxicité plus marquée. Ils sont en outre généralement moins
demandeurs de traitements intensifs.
En conclusion, les patients de moins de 70 ans, en bon état géné-
ral (EG 0-1), avec une fonction hépatique normale, peuvent béné-
ficier d’une chimiothérapie agressive permettant une améliora-
tion des symptômes, du contrôle tumoral et un allongement du
temps jusqu’à progression. En cas de réponse tumorale, un geste
chirurgical doit être discuté. Chez les patients âgés et/ou ayant
une altération de l’état général, un schéma de 5-FU administré
de façon optimale doit rester la règle.
À l’avenir, les efforts devront porter sur l’identification de facteurs
pronostiques biologiques permettant de sélectionner les patients
en fonction de l’effet attendu de la chimiothérapie. Parmi eux, on
peut citer le statut p53, l’expression de la thymidylate synthase,
etc. Les patients résistants au 5-FU (par exemple en raison d’une
forte expression de thymidylate synthase) se verront alors propo-
ser une polychimiothérapie d’emblée. De nouvelles études rando-
misées devraient donc explorer ces concepts et préciser le groupe
de patients qui bénéficieront d’une chimiothérapie agressive.
NEUROTOXICITÉ DE L’OXALIPLATINE
Le point de vue du neurophysiologiste (d’après A. Sebille)
L’effet neurotoxique des dérivés du platine s’exerce sur le neurone
sensitif périphérique, au niveau du ganglion rachidien. D’un point
de vue physiopathologique, cette toxicité s’explique par un arrêt
de la synthèse protéique, qui conduit à une altération de la fonc-
tion axonale et à une dégénérescence centripète des deux branches
de l’axone. À la lumière des connaissances acquises avec le cis-
platine, la neurotoxicité de l’oxaliplatine a été étudiée par l’enre-
gistrement des fibres sensitives cutanées et des fibres nerveuses
proprioceptives. Dans l’étude présentée, les potentiels sensitifs du
nerf sural et du nerf médian ont été enregistrés, ainsi que l’activité
motrice du nerf médian. Le critère retenu pour la comparaison de
la toxicité au cours des cycles d’oxaliplatine est l’amplitude des
potentiels sensitifs, reflet du nombre d’axones fonctionnels, et le
pourcentage de recrutement du réflexe monosynaptique du triceps
sural. Deux cent cinquante enregistrements ont été réalisés chez
92 patients traités par oxaliplatine tous les quinze jours. Vingt-sept
patients ont eu une exploration fonctionnelle dès le début du trai-
tement et 4 cycles plus tard et 14 patients ont eu un enregistrement
aux cycles 1, 4 et 8. Les amplitudes moyennes ont été comparées
entre le début de traitement et lors des 4eet/ou 8ecycles. Les résul-
tats de cette étude montrent que l’amplitude décroît de façon signi-
ficative entre le premier et le quatrième cycle (p = 0,02). La dimi-
nution d’amplitude se poursuit entre le 4eet le 8ecycle avec une
différence très significative (p < 0,001). En rapportant l’ensemble
des amplitudes de potentiels sensitifs en fonction de la dose cumu-
lée d’oxaliplatine reçue, on observe une relation linéaire entre ces
deux paramètres. Ainsi, l’amplitude est réduite de moitié pour une
dose cumulée d’oxaliplatine de 1 600 mg. Ces résultats indiquent
qu’il existe une dégénérescence axonale des fibres nerveuses sen-
sitives liée à la dose cumulée d’oxaliplatine.
Une des particularités de la neurotoxicité de l’oxaliplatine est
l’exacerbation des symptômes par le froid. Les enregistrements
électrophysiologiques réalisés au niveau musculaire montrent des
anomalies de type myotonique, liées à une altération de la fonc-
tion des canaux sodiques. Les enregistrements réalisés au niveau
de l’éminence thénar au repos et lors d’une contraction volon-
taire retrouvent un tracé typique de myotonie.
La neurotoxicité de l’oxaliplatine s’exerce sur les neurones sen-
sitifs, au niveau du ganglion rachidien. Cette toxicité est étroite-
ment liée à la dose cumulée reçue par le patient. L’oxaliplatine
se lierait probablement à la membrane des cellules nerveuses en
fonction de la concentration plasmatique, provoquant ainsi une
altération des canaux ioniques transmembranaires responsable
de phénomènes semblables à ceux de la myotonie.
Le point de vue du clinicien (d’après C. Louvet)
La toxicité limitante de l’oxaliplatine, seul ou en association avec
un schéma 5-FU/acide folinique, est neurologique. Il s’agit d’une
neuropathie périphérique sensitive, réversible. Elle se manifeste
initialement dans les heures qui suivent la perfusion sous la forme
de dysesthésies exacerbées par le froid localisées au niveau des
extrémités distales, voire de la sphère pharyngolaryngée. Ces
symptômes sont fréquents lors des premières cures et l’intensité
en est faible. Après plusieurs cycles, une toxicité cumulative
apparaît, les dysesthésies ou paresthésies persistent entre les
cycles et 15 % des patients développent une gêne fonctionnelle
après avoir reçu une dose cumulée de 800 mg/m2d’oxaliplatine.
Une étude rétrospective sur le délai d’apparition et l’évolution
de la neurotoxicité a été présentée. Trente-quatre patients ayant
au moins 6 mois de suivi après l’apparition d’une neurotoxicité
de grade 3 ont été étudiés. Ce groupe de patients comporte
19 hommes et 15 femmes, de 62 ans d’âge moyen. Dix-huit
patients avaient un indice de performance de 0 et 16 un indice de
CONGRÈS
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La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000