La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007
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amélioré (39,82 % et 25,51 %) après le traitement ; 58,33 % des fem-
mes ayant subi une mastectomie témoignent d’une dégradation
de leur image corporelle contre 44,90 % dans le groupe tumorec-
tomie.
Dans l’étude de Ganz (12), 25,4 % des femmes ayant subi
une mastectomie se plaignent d’une dégradation de leur vie
sexuelle (tableau III) versus 18,2 % des femmes tumorecto-
mies (< 0,001).
La reconstruction n’est pas toujours synonyme de bien-être
automatiquement retrouvé dans la littérature. Ainsi, dans
l’étude de Rowland (11), 1 957 femmes ayant eu un cancer du
sein (de 1 à 5 ans après le diagnostic) remplissent un autoques-
tionnaire étudiant leur qualité de vie, leur image corporelle et
leur vie sexuelle. Les femmes ayant eu une mastectomie plus
reconstruction sont en général plus jeunes que celles avec mas-
tectomie ou tumorectomie (50,3 % versus 58,9 %, p = 0,0001)
et ont plus souvent un partenaire. Elles sont d’un niveau socio-
éducatif plus élevé. Les plaintes somatiques postchirurgicales
sont plus nombreuses globalement chez les femmes mastec-
tomies versus les tumorectomies. Mais paradoxalement, celles
ayant eu une reconstruction sont plus nombreuses à estimer
que le cancer a eu une influence négative sur leur vie sexuelle :
45,4 % versus 29,8 % pour les tumorectomies et versus 41,3 %
pour les mastectomies sans reconstruction (p = 0,0001).
Ce sont cependant souvent les femmes ayant eu une sim-
ple tumorectomie qui ont le moins de conséquences négatives
sur leur qualité de vie. Mais ces différences s’estompent avec le
temps : au-delà de la première année postopératoire, la qualité de
vie des femmes est plus influencée par l’âge et le recours aux hor-
monothérapies adjuvantes que par les procédures chirurgicales.
Cependant, la tumorectomie n’est pas obligatoirement syno-
nyme de sérénité : bien plus que la nature de l’acte chirurgical,
c’est l’agression contre l’organe symbole qui provoque éventuelle-
ment la morbidité psychiatrique. Ainsi, dans l’étude de Fallowfield
(13), la tumorectomie est responsable d’autant de conséquences
psychiatriques que la mastectomie (incidences de l’anxiété, de la
dépression, de la dégradation de la vie sexuelle) : douze mois après
l’intervention, 28 % des femmes ayant eu une mastectomie sont
anxieuses versus 27 %, et 21 % des femmes mastectomies connais-
sent une dépression versus 19 % des femmes tumorectomies.
Le sein opéré est à l’origine possible de douleurs chroniques,
de modifications cutanées (rétraction cutanée, modification
de couleur…), de perte éventuelle de sensibilité cutanée ou de
dysesthésie postradique, de cicatrices plus ou moins heureu-
ses, de consistance différente (radiothérapie), et aussi de perte
de sensibilité préjudiciable après reconstruction (14).
Enfin, la présence d’un “gros bras” postadénectomie avec ses
douleurs, sa déformation esthétique peut, lui aussi, contribuer
à démobiliser les femmes concernées.
La chimiothérapie
Peu d’études ont exploré la sexualité de ces femmes dans cette
phase aiguë.
Parmi elles, celle de Patricia Ganz (12) menée entre 1999 et
2002 sur 558 femmes d’âge moyen de 56,9 ans ayant subi soit
une mastectomie avec ou sans chimiothérapie, soit une tumo-
rectomie avec ou sans chimiothérapie, montre que l’état psy-
chologique, la fatigue, la sensibilité mammaire, les douleurs,
les difficultés de concentration étaient comparables dans les
deux groupes. En revanche, la qualité de vie sexuelle était
plus dégradée chez les femmes ayant reçu une chimiothérapie
quelle que soit la chirurgie effectuée (tableau III).
Le même auteur (15) constate que les femmes ayant subi une
chimiothérapie 5 à 10 ans auparavant (ou une hormonothérapie
adjuvante) ont une qualité de vie et une vie sexuelle plus pau-
vres que celles n’ayant pas reçu cette thérapeutique (p = 0,003) :
les effets de ces traitements ont donc des répercussions à long
terme dont il faut être conscient au moment de la prescription.
Quatre-vingt-deux femmes ayant un cancer de grade 1-2 sont
traitées avec une ou plusieurs des procédures suivantes : chirur-
gie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie (16). Elles
remplissent un autoquestionnaire. Ce sont celles traitées par
chimiothérapie qui rencontrent le plus de difficultés sexuelles
par rapport aux autres groupes. Mais ces difficultés sont réversi-
bles à l’arrêt définitif de la chimiothérapie. Fait positif, la plupart
des femmes témoignent cependant d’une capacité orgasmique
conservée pendant les traitements. Bien que ces femmes reçoi-
vent une quantité de renseignements sur leur maladie et son
traitement, elles sont nombreuses à souhaiter plus d’informa-
tions portant sur leur sexualité. Il convient donc de ne pas faire
l’impasse sur cet aspect des choses : la ménopause prématurée et
les difficultés sexuelles induites par les traitements doivent aussi
compter parmi l’information donnée aux patientes, au même
titre que celle donnée sur la maladie et ses traitements.
Les hormonothérapies adjuvantes
Ces procédures sont le plus souvent mises en place pour
cinq ans minimum. Ce sont soit le tamoxifène, soit les inhi-
biteurs de l’aromatase. Ces derniers sont actuellement de plus
en plus prescrits en première intention ou en relais du tamoxi-
fène. Leur action antiestrogénique plus puissante que celle du
tamoxifène induit des symptômes de carence estrogénique
plus profonds ayant un impact négatif sur la qualité de vie en
général, et la vie sexuelle en particulier. Ce sont la sécheresse
vaginale, la dyspareunie et la baisse de libido qui dominent ici
et contribuent à l’atteinte de la vie sexuelle.
Ces hormonothérapies sont des molécules particulièrement
agressives contre la sexualité, qui potentialisent souvent la carence
estrogénique avec ses conséquences sur la sphère sexuelle mais
aussi générale : arthralgies, bouffées de chaleur, asthénie (17).
La qualité de vie des femmes participant à l’essai ATAC (18)
(Arimidex
®
ou tamoxifène seul, ou en combinaison) est étudiée
et comparée pendant 5 ans : 1 021 femmes ont toutes subi le trai-
tement de départ (chirurgie plus radiothérapie plus chimiothé-
rapie) et reçoivent pendant cinq ans de traitement : anastrozole
(n = 335) ou tamoxifène (n = 347) ou une combinaison (n = 339)
ou les deux. Elles répondent toutes aux échelles de qualité de vie
(Functional assessment of cancer therapy-breast [FACT-B] plus
l’Endocrine subscale [ES]) à l’inclusion puis tous les six mois.
Résultats : les femmes sous anastrozole ont moins de suées,