Débat
5
géraient en conclusion d’associer de
principe la dérivation digestive à la déri-
vation biliaire parce qu’elle n’augmen-
tait pas la morbidité,la mortalité post-
opératoire et la durée d’hospitalisation.
Si la dérivation biliaire seule peut se
compliquer d’une obstruction duodé-
nale secondaire, la gastro-entérosto-
mie a aussi sa propre morbidité.
Un retard à la vidange gastrique est
rapporté dans 15 % des dérivations
digestives [9,10,12-15]. Le retard à la
vidange gastrique se définit comme un
retard à la reprise de l’alimentation
orale au-delà du 10ème jour postopéra-
toire.Plusieurs facteurs peuvent contri-
buer au retard de vidange gastrique.
Les vagotomies causées par des micro-
métastases, l’envahissement tumoral
des nerfs rétropéritonéaux ou l’action
inhibitrice d’hormones sécrétées par
la tumeur, l’effet non spécifique de
l’anesthésie et de l’intervention sur la
motricité digestive,l’œdème muqueux
de l’anastomose, l’inflammation péri-
anastomotique (complication postopé-
ratoire),les sutures chirurgicales (lon-
gueur de l’anastomose) [16-18] ou un
circuit vicieux associé au passage d’ali-
ments dans le duodénum ont été mis en
cause [19].
Comparaison des
différents montages de
dérivation duodénale
Dans l’expérience de l’institut Johns
Hopkins [11,20], la gastro-entérosto-
mie transmésocolique a été réalisée
en routine parce qu’elle était considé-
rée comme éliminant virtuellement le
retard de vidange gastrique. Deux
séries de cette institution ont évalué
deux types de gastro-entérostomie.La
première étude a comparé, de façon
rétrospective,les gastro-entérostomies
transmésocolique et précolique. Le
taux de retard de vidange gastrique
était de 6 % (5/84) pour les gastro-
entérostomies transmésocoliques et
de 17 % (4/23) pour les précoliques
(p = 0,08).Le taux d’obstruction diges-
tive était de 2 % après gastro-entéro-
stomie transmésocolique et de 9 % après
gastro-entérostomie précolique (p =
0,16) [20]. Dans la deuxième étude
portant sur 180 patients, le taux de
retard de vidange était de 9 % après
gastro-entérostomie transmésocolique
avec un taux d’obstruction digestive
de 2 % [11].Dans l’étude randomisée
de Lillemoe et al,le taux de retard de
vidange gastrique était de 2 % (1/44)
dans le groupe ayant eu une gastro-
entérostomie transmésocolique et
aucun malade n’a eu d’obstruction
digestive jusqu'au décès. Les auteurs
de cette institution ont conclu que la
gastro-entérostomie transmésocolique
était la meilleure méthode de dériva-
tion duodénale et devait être réalisée
systématiquement pour tout cancer du
pancréas non résécable.
Lucas et al ont proposé l’antrectomie
avec reconstruction gastrojéjunale
comme méthode de dérivation duo-
dénale pour le traitement des cancers
du pancréas non résécables afin d’évi-
ter le circuit duodénal des aliments,
source de vomissements [19,21]. La
durée d’hospitalisation postopératoire
était de 11,3 jours (extrêmes : 5-29).
Les auteurs ont suggéré ce type de
montage pour diminuer le retard de
vidange gastrique mais signalent cepen-
dant que les pertes sanguines et les
complications étaient importantes,que
la durée opératoire pouvait être allon-
gée et que cette technique ne se prê-
tait pas forcément à des tumeurs loca-
lement avancées.
Une étude randomisée a comparé trois
types de gastro-entérostomie [22].Un
premier groupe de 15 malades a eu
une gastro-entérostomie sur le jéju-
num à 20 cm de l’angle de Treitz, un
deuxième groupe de 15 malades a eu
le même type de gastro-entérostomie
associée à une fermeture du duodé-
num à 1 cm au-delà du pylore et un
troisième groupe de 15 malades une
gastro-entérostomie sur l’anse en Y
utilisée pour l’anatomose biliodiges-
tive à 60 cm de celle-ci. Les auteurs
ont conclu que les vomissements
étaient associés au maintien d’une per-
méabilité duodénale autorisant une
« ré-entrée » des aliments dans l’es-
tomac.La fermeture du duodénum à 1
cm au-delà du pylore associée à une
anastomose à 20 cm de l’angle de Treitz
limitait ce risque.
suite page 6
EN PRATIQUE
La place du traitement chirurgical palliatif de l’adénocarcinome du pan-
créas se définit en fonction du stade de la tumeur au moment du diagnos-
tic et de l’espérance de survie qui lui est rattachée,de l’efficacité immédiate
et à long terme des méthodes palliatives non chirurgicales,et des compé-
tences et matériels disponibles pour une alternative thérapeutique non-
opératoire.Tant que la résection,lorsqu’elle est possible,des adénocarcinomes
du pancréas ne sera pas contestée,il sera justifié de ne proposer de méthodes
palliatives non chirurgicales qu’aux malades pour lesquels la certitude dia-
gnostique et la preuve de la non-réséquabilité (ou de sa futilité) auront été
rassemblées.Lorsque l’impossibilité de la résection s’impose en peropéra-
toire,la dérivation bilio-digestive,associée à une dérivation gastro-jéjunale
pourrait être une attitude raisonnable.Les résultats des gastro-entérosto-
mies peuvent être améliorés par des artifices techniques.Lorsque le plateau
technique disponible autorise le choix de toutes les méthodes non opéra-
toires, tous les malades dont le pronostic estimé est inférieur à 6 mois
(métastases diagnostiquées,ascite,signes cliniques d’envahissement cœliaque)
devraient être considérés comme des contre-indications à la chirurgie.La
place de la laparoscopie dans ces traitements palliatifs apparaît limitée.