La Lettre du Cardiologue - n° 353 - mars 2002
omme l’arbre cache la forêt, l’hypertension arté-
rielle (HTA), en tant que facteur de risque vas-
culaire lié à l’élévation de la pression artérielle
(PA), peut cacher ou du moins exposer à méconnaître l’impor-
tance de la maladie hypertensive, pouvant évoluer pour son
propre compte de façon partiellement distincte de la PA. La seule
notion de facteur de risque n’est d’ailleurs pas homogène ; elle
peut regrouper des éléments aussi divers que la pression pulsée
(PP) ou l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) qui, bien que
reliés entre eux, sont des facteurs prédictifs indépendants
d’événements cardiovasculaires. Il devient donc de plus en plus
nécessaire de “décortiquer” le concept de l’HTA, non seulement
comme facteur de risque, mais surtout en termes de retentisse-
ment systémique. Ainsi, l’atteinte artérielle peut s’exprimer, dans
une certaine mesure, indépendamment de l’élévation de la PA.
Cela est illustré par le défaut de compliance artérielle observé
chez les jeunes normotendus issus de parents hypertendus, au
même titre qu’une hyperréactivité sympathique et vasculaire dis-
tale a récemment été relatée chez des sujets normotendus mais
apparentés à des hypertendus. Les organes cibles tels que le cœur
ou le rein, voire même le cerveau et les artères, peuvent avoir une
évolution sous traitement de façon relativement distincte de
la baisse de PA. Ainsi, le rein peut bénéficier, comme l’ont bien
montré des études récentes, d’un effet protecteur lié à certains
traitements de façon indépendante de la baisse de PA, alors que
l’élévation de cette dernière reste un important facteur de dété-
rioration de la fonction rénale. En revanche, la baisse de PA sous
traitement antihypertenseur ne met pas forcément à l’abri
des événements morbides, même si l’HTA semble contrôlée.
La persistance d’un certain risque résiduel, supérieur à celui des
normotendus, est attestée, et on peut même constater, avec cer-
tains traitements, non seulement l’absence de bénéfices, mais par-
fois un surcroît d’événements cardiovasculaires néfastes.
Il devient donc évident que le contrôle de la PA n’est qu’un
objectif initial assez élémentaire, même si la baisse tensionnelle
peut être considérée comme “un paramètre intermédiaire accep-
table pour la protection cardiovasculaire à long terme”. Le but du
traitement réside dans la protection des organes “nobles” tels que
le cerveau, le cœur et les reins, mais aussi de l’ensemble du réseau
artériel, avec comme objectif final la diminution de la morbidité
et de la mortalité cardiovasculaires. Un tel objectif n’est pas nou-
veau, mais il prend une acuité particulière dès lors que des études
cliniques mettent en évidence des bénéfices spécifiques distincts
de la baisse de PA. Il est assez significatif qu’un hypertensiologue
de notoriété internationale ait intitulé son intervention, prévue
dans un prochain congrès, “Traiter l’hypertension ou baisser les
chiffres de PA ?”. C’est dans ce contexte que chaque organe peut
en outre tirer profit de certaines classes thérapeutiques plutôt que
d’autres ; de telles données sont donc susceptibles d’orienter plus
précisément le choix du traitement et d’amener à ne plus se conten-
ter de prescriptions plus ou moins empiriques et incertaines.
HTA : FACTEUR DE RISQUE ET PRESSION ARTÉRIELLE CIBLE
Au sein d’une répartition gaussienne de la population, l’HTA est
définie, depuis 1993, comme étant une PA supérieure à
140/90 mmHg (OMS-ISH). Cette limite est nettement plus basse
que l’ancienne limite (160/95 mmHg) préconisée par l’OMS, et
majore beaucoup la prévalence de l’HTA. On estime que l’HTA
concerne 35 % de la population de plus de 35 ans, soit près de
10 millions d’individus en France. À titre individuel, le risque de
présenter un événement cardiovasculaire à dix ans reste cepen-
dant très hétérogène, du fait de la variabilité du risque absolu, en
particulier selon les cofacteurs de risque. Il appartient donc aux
études cliniques de préciser le devenir des patients en général et
des sous-groupes de patients pouvant avoir ou non un accroisse-
ment particulier de leur risque cardiovasculaire. La base de don-
nées INDANA (INdividual DAta aNAlysis of antihypertensive
intervention) est issue des principaux essais randomisés dans le
traitement de l’HTA. Il est ainsi possible de tester des hypothèses
statistiques à partir d’un grand nombre de patients et d’étudier
des sous-groupes sous traitement actif, voire de s’intéresser uni-
quement au devenir des patients sous placebo ou d’étudier toute
autre combinaison. Cette base de données a déjà permis, lors de
publications antérieures, d’évaluer le traitement antihypertenseur
en fonction du sexe (pas de différence significative en termes de
diminution du risque relatif), dans l’HTA systolique isolée du
sujet âgé (le traitement antihypertenseur s’avère plus efficace pour
prévenir les AVC que les événements coronaires) et en préven-
tion secondaire des AVC (baisse de 30 % du risque de récidive
sous traitement antihypertenseur).
INFORMATIONS
L.F. Garnier, A. Lhayani, S. El Sanharawi**
L’hypertension artérielle à l’ADR 2001* :
une idée nouvelle ?
*Cette réunion s’est tenue à Monte-Carlo du 6 au 8 décembre 2001.
** Service de cardiologie, centre hospitalier, 41106 Vendôme Cedex.
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HTA : une limite arbitraire
La définition d’une autre limite, tout aussi arbitraire, au sein d’une
étude clinique peut nous exposer à des résultats éventuellement
contestables. Dans une étude d’observation suédoise commencée
en 1970 (Andresson et al. Br Med J 1998 ; 317 : 167-71), est
considéré comme hypertendu tout patient ayant une PA supé-
rieure à 175/115 mmHg (!). Dans une étude récente, la limite est
fixée à 160/90 mmHg, de telle sorte que la population dite hyper-
tendue peut être considérée comme ayant un risque vasculaire
supérieur à ce qu’il aurait été si la limite avait été plus basse. Le
bénéfice sous traitement peut donc être plus grand qu’il ne l’au-
rait été dans une population à plus faible risque, dès lors que le
bénéfice est en règle d’autant plus grand que le risque initial est
élevé. Parallèlement, la population considérée comme normo-
tendue inclut alors des patients ayant une pression artérielle sys-
tolique (PAS) entre 140 et 160 mmHg et qui ne peuvent donc pas
être considérés stricto sensu comme des normotendus. Les résul-
tats observés dans une telle population ne sont pas forcément
applicables aux sujets strictement normotendus dans la popula-
tion générale.
Une analyse est développée par S. Pocock (Londres) à partir des
données issues de huit essais randomisés, pour évaluer le niveau
de risque des sujets hypertendus. Le but est de développer un
score pour prédire le risque de décès par maladie cardiovascu-
laire chez l’hypertendu. La base de données concerne 47 088 patients
des deux sexes et ayant des niveaux variables de PA. L’analyse
porte sur la survenue de 1 639 décès de cause cardiovasculaire
lors d’un suivi de 5,2 ans. Un score de risque fut développé à par-
tir de onze facteurs : âge, sexe, PA systolique, cholestérol total,
taille, créatininémie, tabac, diabète, HVG, histoire clinique d’ac-
cident vasculaire cérébral (AVC) ou d’infarctus du myocarde
(IDM). Il est conclu que l’élaboration d’une score de risque est
d’une aide efficace pour évaluer le risque individuel, incluant
celui d’AVC et de coronaropathie, et pour déterminer la néces-
sité d’un traitement antihypertenseur.
La notion de pression artérielle cible
Il faut souligner que la limite distinguant les sujets normotendus
des hypertendus s’avère fréquemment supérieure à la PA cible que
l’on souhaite atteindre sous traitement. Cela est illustré par l’étude
HOT (Hypertension Optimal Treatment), publiée en 1998, qui a
montré, chez les patients diabétiques, qu’une diminution de la PA
diastolique à moins de 80 mmHg permettait une réduction de plus
de la moitié des événements cardiovasculaires majeurs par rapport
à un niveau de pression de 90 mmHg. Rappelons également que
cette étude a eu le mérite de nous montrer qu’il n’était pas utile,
mais aussi qu’il n’était pas délétère (absence de courbe en J),
d’abaisser la PA jusqu’à 120/70 mmHg, encore que ce niveau de
pression soit celui qu’il convient d’atteindre en cas d’insuffisance
rénale ou même de protéinurie supérieure à 1 g/24 heures (PA cible
inférieure à 125/75 mmHg). C’est dans l’étude HOT que la baisse
marquée de la PA apparaît particulièrement bénéfique chez les
patients diabétiques. Ces mêmes patients peuvent aussi bénéficier
de l’adjonction de certains traitements sans baisse supplémentaire
de la PA. F. Boutitie souligne le fait qu’il existe habituellement
une relation continue et positive entre la PA et la mortalité. Il n’en
reste pas moins qu’on a longtemps suggéré la possibilité d’une
courbe en J, c’est-à-dire d’un accroissement secondaire des évé-
nements cardiovasculaires, chez des patients ayant une PA basse
sous traitement antihypertenseur. Le mécanisme évoqué est une
baisse excessive de la PAD entravant la perfusion coronaire dias-
tolique. L’étude HOT n’avait cependant pas montré d’augmenta-
tion des complications cardiovasculaires chez les patients ayant la
PAD la plus basse, mais elle n’avait pu totalement réfuter l’hypo-
thèse de la courbe en J. Il était alors suggéré d’attendre les résul-
tats d’études ultérieures. La base de données INDANA fut donc
utilisée pour évaluer cette éventualité : sur un
total de 40 233 patients
avec un suivi moyen de 3,9 ans et 1 655 décès
(dont 56 % de nature
cardiovasculaire), il s’avère que le risque accru d’événements
observés chez les patients à pression basse n’est pas lié au trai-
tement antihypertenseur. Il semble qu’on incrimine plutôt les
effets conjugués de la baisse de PA et d’un risque accru de décès
favorisé par de mauvaises conditions de soins.
La difficulté du contrôle tensionnel
Le contrôle de la PA, aussi élémentaire puisse-t-il être, reste
cependant une quête bien souvent infructueuse, puisqu’il faut rap-
peler que seuls 25 % des hypertendus traités sont contrôlés, et ce
pourcentage est encore plus bas dans des populations pourtant à
haut risque vasculaire, tels les hypertendus diabétiques (17 % de
contrôlés) et les insuffisants rénaux (7 % de contrôlés !). Une étude
épidémiologique récente effectuée en médecine générale chez
plus de 9 000 patients âgés en moyenne de 66 ans montre qu’une
monothérapie est prescrite chez plus de la moitié d’entre eux et
qu’une trithérapie concerne 11 % des patients. Les diurétiques
sont les plus prescrits (42 %), suivis des IEC et des bêtabloquants
(avec cependant des variations selon le sexe), mais, chez les dia-
bétiques (18 %), la prescription d’inhibiteurs de l’enzyme de
conversion (IEC) et d’inhibiteurs calciques (IC) est prédominante,
ce qui n’empêche pas que seulement 14 % d’entre eux sont cor-
rectement contrôlés en fonction des normes de l’ANAES.
Le problème des patients répondeurs (ou non) au traitement anti-
hypertenseur est soulevé par F. Gueyffier, qui rappelle que le but
du traitement antihypertenseur n’est pas tant de diminuer la PA
que de réduire le risque d’événements (morbides) ultérieurs. L’in-
certitude quant aux patients répondeurs s’avère être, en pratique
courante, le principal obstacle à la stratégie thérapeutique dite de
la “monothérapie séquentielle”, issue d’une approche “pas à pas”
dont la vertu principale est de ne pas imposer inutilement une
bithérapie aux 50 % d’hypertendus légers à modérés susceptibles
d’être contrôlés par un seul traitement. Malgré certains critères
cliniques tels que l’obésité (volodépendance), l’âge (tonus
adrénergique) ou surtout les pathologies associées (il est souvent
plus facile de procéder par élimination des produits contre-indi-
qués), il faut admettre qu’il est assez difficile de préjuger de l’ef-
ficacité d’un traitement. Une étude anglaise (Dickerson et al.
Lancet 1999 ; 35 : 2008-13) a montré que l’essai successif de dif-
férents antihypertenseurs permet de normaliser la PA dans 73 %
des cas, alors que cela n’est en moyenne observé que dans 39 %
des cas lors de la prescription d’une première classe thérapeu-
tique, qu’elle qu’en soit la nature et sans critère prédictif d’effi-
cacité. En réalité, l’attitude de la monothérapie séquentielle stricte
apparaît assez fastidieuse. Une attitude plus réaliste, et en tout
cas plus rapide, est préconisée par le “Club des Jeunes Hyper-
INFORMATIONS
.../...
tensiologues”, qui a montré, par le biais de l’administration ran-
domisée de cinq classes d’antihypertenseurs, qu’après la pres-
cription d’une première monothérapie, il est plus efficace de com-
biner un deuxième principe actif plutôt que d’opter pour un
antihypertenseur d’une autre famille. Il est donc recommandé de
prescrire une combinaison à dose fixe en deuxième intention
après une monothérapie bien tolérée. De tels résultats sont
conformes aux conclusions de l’étude TEAM (Telmisartan en
Association ou en Monothérapie séquentielle), qui montre que le
contrôle tensionnel est plus important si le traitement est com-
biné plutôt que substitué.
Les hypertendus traités ont un risque vasculaire supérieur à
celui des normotendus
Ce risque résiduel avait été illustré par l’étude d’observation pros-
pective commencée à Göteborg en 1970. Après un suivi de plus
de vingt ans, il était apparu que les hypertendus masculins trai-
tés avaient une mortalité plus élevée, surtout par cardiopathie
ischémique, par rapport aux sujets normotendus.
Plus récemment, l’étude française IMMEDIAT a montré que,
chez des hypertendus traités sans signe clinique d’atteinte car-
diovasculaire, il existait une forte prévalence d’atteinte vasculaire
infraclinique détectée par la mesure de l’épaisseur intima-média
(IMT). Le risque vasculaire accru reste vrai, même si les sujets
sont considérés comme “contrôlés”, avec les réserves qu’on peut
émettre, et n’est pas sans influence dans l’expression des résul-
tats de certaines études cliniques. Tel est le cas de l’étude HOPE
(Heart Outcome Prevention Evaluation), dans laquelle la pres-
cription de 10 mg de ramipril a diminué significativement l’inci-
dence des événements et des décès cardiovasculaires chez des
patients à haut risque vasculaire. On fait volontiers observer que
l’effet bénéfique est en grande partie indépendant de la baisse
(simplement de l’ordre de 2 à 3 mmHg) de la PA, en considérant
par ailleurs que la moitié des patients n’étaient pas hypertendus.
En réalité, il s’agissait d’hypertendus traités et “contrôlés” sous
traitement, ce qui ne signifie donc pas que leur niveau de risque
était similaire à celui des normotendus stricts.
J.P. Boissel a cherché à savoir, grâce à la base de données
INDANA, dans quelle mesure l’effet des traitements antihyper-
tenseurs sur la diminution du risque d’AVC ou de décès par coro-
naropathie restait constant durant les années suivant le début du
traitement. Il apparaît que, pour les décès de nature coronaire, un
effet maximum est noté durant la première année, suivi d’une ten-
dance déclinante. En revanche, pour les AVC, on note une ten-
dance en faveur d’un effet protecteur augmentant avec le temps.
Il apparaît ainsi que le bénéfice d’un traitement n’est pas néces-
sairement homogène, tant dans le temps qu’en fonction des
organes considérés (en l’occurrence, le cœur et le cerveau). En
d’autres termes, les effets du traitement font intervenir des méca-
nismes physiopathologiques différents. Il convient cependant de
nuancer de telles constatations dès lors qu’elles sont issues d’une
analyse post hoc avec une durée de suivi relativement brève par
rapport à un traitement prescrit “à vie”, et seule une étude ran-
domisée comparant des traitements de brève et de longue durée
pourrait permettre d’affirmer une telle notion (mais une telle étude
est éthiquement non faisable). À défaut, l’actualisation des don-
nées issues du suivi à long terme des patients inclus dans les études
cliniques permettrait une appréciation plus pertinente sur une
durée plus longue. Il conviendra d’éviter les perdus de vue, en
rappelant qu’un tel souci avait permis aux investigateurs de l’étude
SYST-EUR de retrouver plus de la moitié des patients initiale-
ment considérés comme tels. Il en est résulté un taux de perdus
de vue inférieur à 3 % (contre 5 % initialement), augmentant d’au-
tant la qualité des résultats.
La morbi-mortalité cardiovasculaire
La diminution de la morbi-mortalité a été d’abord documentée
avec les diurétiques et les bêtabloquants. Puis ce fut le mérite de
l’étude CAPPP (Captopril Prevention Project) d’avoir montré
pour la première fois qu’un inhibiteur de l’enzyme de conversion
(IEC), en l’occurrence le captopril, permet un bénéfice similaire
à celui du traitement dit “conventionnel” en termes de diminu-
tion de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Secondairement, ce
fut au tour des inhibiteurs calciques (IC) de démontrer une effi-
cacité analogue. Finalement, l’étude STOP-2 (Swedish Trial in
Old Patients with Hypertension-2), menée selon une méthodolo-
gie PROBE (Prospective, Randomized, Open, Blind end-point
Evaluation), avait confirmé sur un total de 6 614 patients que les
effets des traitements conventionnels (diurétique et bêtabloquant)
se révélaient similaires en termes de baisse de la PA, mais aussi
et surtout en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire, à ceux
des nouveaux antihypertenseurs que sont les IEC et les IC. Le
bénéfice semblait donc acquis dès lors que la PA était abaissée
sous traitement.
Cependant, les résultats préliminaires de l’étude ALLHAT (Anti-
hypertensive and Lipid-Lowering treatment to prevent Heart
Attack Trial), avec l’arrêt prématuré, à 3,3 ans, du bras doxazo-
sine pour un surcroît de 25 % (!) d’événements cardiovasculaires
combinés, pourraient avoir dans le domaine de l’HTA une
influence similaire à ceux de l’étude CAST en rythmologie, c’est-
à-dire la prise de conscience que le contrôle de l’objectif initial,
qu’il s’agisse en l’occurrence de la PA ou des extrasystoles ven-
triculaires, ne garantit pas pour autant la baisse des événements
morbides, qui peuvent même s’accroître sous traitement de façon
apparemment paradoxale.
Des paramètres “modernes” d’altération du système vasculaire
tels que la PP peuvent avoir une forte valeur prédictive en termes
d’événements cardiovasculaires. À partir de la base de données
INDANA, R. Fagard cherche à préciser le rôle de la PP à tra-
vers les essais cliniques. Il s’agit d’une méta-analyse regroupant
sept études randomisées et concernant des patients ayant une HTA
systolo-diastolique ou une HTA systolique isolée. Il a été décidé
de n’exploiter que les données issues du groupe contrôle
(17 239 patients d’âge moyen 63 ans pour l’ensemble des
sept études), ne faisant donc pas l’objet d’un traitement actif, et
de ne s’intéresser qu’à la mortalité. Les résultats montrent un
accroissement de la mortalité avec la PAS et avec la PP. Pour la
PAS, cette tendance était significative non seulement pour la mor-
talité cardiovasculaire, mais aussi pour la mortalité par AVC et
toutes causes confondues. Pour la PP, en sus de la mortalité car-
diovasculaire, la tendance était également significative en termes
de mortalité totale ou par coronaropathie. En revanche, il n’exis-
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INFORMATIONS
.../...
tait pas de corrélation significative avec la PAD et la PA moyenne.
Il est apparu qu’un accroissement de la PP de 10 mmHg est asso-
cié de façon indépendante à une augmentation de 6 à 7 % du
risque de décès toutes causes confondues ou de complication car-
diovasculaire. Lorsqu’on tient compte de l’âge, il apparaît une
interaction positive entre la PP, l’âge et la mortalité par AVC, alors
qu’il existe une interaction négative entre la PA moyenne et l’âge
vis-à-vis des coronaropathies fatales. En d’autres termes, la
valeur pronostique de la pression pulsée en termes d’AVC
s’exprime chez le sujet âgé alors que, chez les sujets plus
jeunes, s’exprime surtout un risque coronaire lié à l’élévation
de la pression artérielle moyenne.
LA PROTECTION VASCULAIRE
La valeur prédictive de la pression pulsée et l’atteinte artérielle
La lutte contre l’athérosclérose et ses complications cliniques passe
par la protection de l’arbre artériel, et tout particulièrement les
gros troncs artériels. En effet, l’HTA est, à ce niveau, particulière-
ment délétère avec sa composante pulsatile (PP), qui est un puis-
sant facteur de détérioration et de vieillissement accéléré des
artères, alors même que la seule rigidité liée à l’âge s’accompagne
d’une élévation de la PAS de l’ordre de 25 à 35 mmHg. Une étude
épidémiologique prospective américaine (Glynn et al. Arch Intern
Med 2000 ; 160 : 2765-72) portant sur plus de 9 000 patients de
plus de 65 ans et au terme d’un suivi de 10 ans a montré que le
taux de mortalité le plus élevé concernait les sujets qui avaient une
PAS supérieure à 160 mmHg et une PAD inférieure à 70 mmHg.
Les deux paramètres (PAS élevée et PAD basse témoignant d’une
PP anormale) étaient des éléments prédictifs indépendants de mor-
talité cardiovasculaire. Rappelons que l’augmentation de la PP est
également un élément prédictif chez les normotendus, du moins
chez les hommes (Bénétos et al. Hypertension 1998 ; 32 : 560-4).
Les altérations artérielles ne sont cependant pas homogènes et sont
plus marquées au niveau central (aorte thoracique et carotides)
qu’en périphérie (artères fémorales et radiales) (London et al. AHJ
1999 ; 138 : S220-4). En outre, ces altérations s’inscrivent, chez
l’hypertendu, au sein d’un processus global d’hypertrophie car-
diovasculaire adaptative avec une prévalence similaire de l’HVG
et de l’hypertrophie artérielle, comme a pu le montrer une étude
comparative ultrasonore des carotides et du cœur (Roman. Hyper-
tension 1995 ; 26 : 369-73). Il est légitime de tester les traitements
antihypertenseurs en termes de protection vasculaire et en se ser-
vant de l’épaisseur intima-média (EIM) comme méthode d’inves-
tigation. À noter cependant que l’étude française PHASTE (Pres-
sion artérielle pulsée et risque cardiovasculaire chez l’Hypertendu
Ambulatoire Sous Traitement : Évaluation en médecine générale),
menée en médecine générale chez 17 716 hypertendus non contrô-
lés d’âge moyen 62 ans, a montré que l’élévation de la pression
pulsée (témoin du défaut de compliance artérielle) avec l’âge est
indépendante du sexe et n’est pas modifiée par le traitement anti-
hypertenseur. Des études sont actuellement en cours, comme
l’étude MITEC (Media Intima Thickness Evaluation with Can-
desartan), avec comme objectif d’évaluer l’action d’un antihyper-
tenseur, en l’occurrence le candésartan cilexetil, sur l’évolution sur
trois ans de l’EIM. Néanmoins, les études les plus avancées concer-
nent actuellement les IC.
Inhibiteurs calciques et protection vasculaire
Autant les IC semblent peu aptes à la néphroprotection, autant
certains semblent très favorables en termes de protection vascu-
laire. Les études SYST-EURet SYST-CHINAont démontré, sur
des continents distincts, que l’initialisation d’un traitement anti-
hypertenseur par un IC tel que la nitrendipine améliore le pro-
nostic des patients âgés ayant une HTA systolique isolée. Il est
assez logique que l’intérêt se porte en priorité sur les phényldi-
hydropyridines, compte tenu de leur tropisme pour le réseau arté-
riel périphérique, et il est aussi souhaitable qu’il s’agisse de pro-
duits à longue durée d’action, du fait des réserves émises avec les
IC de brève durée d’action, tels que la nifédipine et la nicardi-
pine, sources d’exacerbation sympathique réflexe. Dans les ten-
tatives pour élaborer des phényldihydropyridines à longue durée
d’action, il faut distinguer deux étapes : d’une part, les “artifices
galéniques”, qui permettent à des molécules apparentées aux pré-
cédentes d’avoir une action plus prolongée ; d’autre part, les molé-
cules ayant intrinsèquement une demi-vie longue, comme c’est
le cas avec la lacidipine, l’amlodipine et la lercanidipine. Dans
l’étude INSIGHT (International Nifedipine GITS Study : Inter-
vention as a Goal in Hypertension Treatment), la nifédipine à
action prolongée (système GITS) en prise unique quotidienne de
30 mg/j s’est avérée aussi efficace qu’un diurétique thiazidique
en termes de baisse de la PA avec, en outre, une efficacité simi-
laire en prévention des événements cardiovasculaires. Les études
récentes avec de nouvelles molécules comme la lacidipine ou la
lercanidipine s’efforcent de mettre en évidence leurs qualités
propres, telles que des effets protecteurs (spécifiquement axés sur
la circulation rénale, coronaire ou cérébrale) ou une meilleure
tolérance. De ce point de vue, une étude préliminaire a montré
que la prescription de lercanidipine en substitution à d’autres
dihydropyridines (amlodipine, nifédipine GITS, nitrendipine,
félodipine) chez des patients relatant des effets indésirables tels
qu’œdèmes ou céphalées s’accompagne d’une diminution de moi-
tié de ces effets, qui reprennent dans les quatre semaines suivant
le retour au traitement initial. Cette bonne tolérance, dont les
mécanismes ne sont pas clairement établis, comme nous l’indique
J. Ribstein(Montpellier), et qui reste néanmoins à confirmer par
la prescription quotidienne chez un plus grand nombre de patients,
serait un progrès certain pour faciliter l’observance du traitement.
L’étude ELSA (European Lacidipine Study on Atherosclerosis)
a montré, chez 2 334 patients hypertendus modérés d’âge moyen
56 ans, que la prescription de lacidipine versus aténolol permet-
tait une moindre progression de l’épaisseur intima-média pour
une baisse similaire de la PA. À noter l’absence de différence en
termes d’accidents vasculaires, mais l’incidence des événements
semble trop faible pour pouvoir tirer des conclusions. L’étude
SHELL (Systolic Hypertension in the Elderly Lacidipine Long-
term study) a montré, chez 1 673 hypertendus d’âge moyen
72 ans, que la lacidipine avait une efficacité similaire à celle de
la chlortalidone (diurétique de référence), tant en termes de baisse
de la PA que du point de vue des événements cardiovasculaires
sur une durée de 60 mois. Bien que les résultats observés sur
l’EIM soient encourageants, encore qu’ils se chiffrent en cen-
tièmes de millimètres (moins 0,027 mm dans l’étude ELSA !), il
n’en reste pas moins que la réversibilité des anomalies structu-
relles des artères est difficile et, de toute façon, longue à obtenir.
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