Infection à parvovirus B19 et transplantation rénale
J.-Ph. Rerolle, I. Helal et E. Morelon
Service de transplantation rénale, Hôpital Necker, Paris
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 6 2003, pp. 307-313 307
Résumé • Summary
Les infections virales, primo-infection ou réactivation, sont
très fréquentes après transplantation rénale et restent, malgré
les progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années, une
cause importante de morbi-mortalité.
Les progrès récents des méthodes diagnostiques, ont permis
la mise en évidence de nouveaux virus, en particuliers le parvovi-
rus B19. La principale manifestation de l’infection à parvovirus
B19 est une anémie profonde, arégénérative. Cependant, de nom-
breuses autres complications sont susceptibles de survenir, tant
hépatiques que néphrologiques, cardiologiques ou rhumatolo-
giques. Le diagnostic de l’infection est rendu difficile chez le trans-
planté rénal car les techniques sérologiques utilisées sont souvent
à l’origine de faux négatifs ou positifs et seule la PCR est fiable.
Enfin, si certains patients peuvent guérir spontanément, le traite-
ment de référence reste actuellement l’administration d’immuno-
globulines polyvalentes.
Mots-clés: Parvovirus B19 – Transplantation rénale – Complica-
tions – Diagnostic – Traitement.
Despite improvements in the management of transplanted
patients, viral infections following transplantation remain signifi-
cant causes of morbidity and mortality.
New laboratory techniques have improved the diagnosis of
pathogenic viral infections following transplantation such as par-
vovirus B19 infections. Anemia is the principal abnormality associ-
ated with parvovirus B19 infection but other complications have
been reported such as hepatitis, glomerulonephritis, myocarditis
or arthritis. In immunocompromised patients, infection, which
may remain undiagnosed by serological tests is usually assessed
byPCR. Patients may spontaneously recover. However, in the
absence of specific antiviral therapy, intravenous immunoglobulin
appears to be the more efficacious treatment.
Key words: Parvovirus B19 – Renal transplantation – Complica-
tion – Diagnosis – Treatment.
Les infections virales, primo-infection ou réactivation, sont
très fréquentes après transplantation rénale et restent, malgré
les progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années, une
cause importante de morbi-mortalité. La majorité de ces infec-
tions sont causées par la famille des herpes virus (CMV, EBV, HSV
1 et 2, HHV), les virus à tropisme respiratoire (VRS, virus
influenza A et B) et les virus des hépatites B et C.
Grâce aux progrès réalisés en biologie moléculaire, de nou-
velles infections virales ont pu être mises en évidence telles que
des infections à HHV-6, HHV-8 et parvovirus B19 (PVB19).1,2 Le
PVB19 a été découvert simultanément en France et en Angle-
terre en 19753lors du dépistage systématique de l’antigène HBs
(hépatite B) chez les donneurs de sang. Ce virus fut successive-
ment appelé SPLV (sérum parvovirus-like virus), HPV (Human Par-
vovirus) puis B19, initiales identifiant la poche de sang où il fut
trouvé pour la première fois.
Le PVB19 s’est révélé être l’agent responsable du mégaléry-
thème ou cinquième maladie de l’enfant et des crises érythro-
blastopéniques observées chez les patients présentant des ané-
mies hémolytiques chroniques. Par la suite, l’implication possible
du PVB19 en pathologie hématologique, obstétricale, rhumato-
logique, cardiologique et néphrologique n’a cessé de croître.4-6
A ce jour, une trentaine de cas d’infections à PVB19 surve-
nant après transplantation rénale ont été décrites. Ces infections
chez le patient transplanté rénal ne sont pas sans poser de pro-
blème tant sur le plan du diagnostic et de la prise en charge de
l’anémie qu’elles engendrent que sur le plan des autres compli-
cations susceptibles de survenir (hépatites, myocardites, glomé-
rulonéphrites, vascularites).
Le parvovirus B19
Caractéristiques virologiques
Le PVB19 est un virus non enveloppé de 20 nm de diamètre à
capside isocaédrique.7Chaque particule infectieuse de B19 contient
Abréviations
CMV: cytomégalovirus
EBV: Epstein Barr Virus
HSV: Herpes Simplex Virus
HHV: Human Herpes Virus
VRS : virus respiratoire syncitial
PVB19: Parvovirus B19
ADN: acide désoxyribonucléique
une copie d’ADN simple brin linéaire de 5,4 kb de long, de pola-
rité positive ou négative. Le génome du B19 a des extrémités 3’
et 5’ qui s’autohybrident sur elles-mêmes en raison de l’existence
de séquences complémentaires palindromiques.8La région
gauche du génome (nucléotides 427 à 2449) code pour une pro-
téine régulatrice de 671 acides aminés, la NS1, indispensable à la
réplication virale.9La région droite du génome (nucléotides 2897
à 3749) code pour deux protéines structurales VP1 (viral protein)
et VP2 représentant respectivement les composants mineur (4%)
et majeur (96%) de la capside virale.9
Tropisme cellulaire
A partir de sa porte d’entrée, le virus diffuse dans l’orga-
nisme en direction de ses cellules cibles. Récemment, le récep-
teur cellulaire du PVB19 a été identifié. Il s’agit d’un glycosphin-
golipide neutre membranaire appelé globoside (Gb4)10 connu
comme étant un antigène du système de groupe érythrocytaire
P. Sur des cultures de moelle osseuse in vitro, l’utilisation d’anti-
corps monoclonaux anti-Gb4 et de leurre Gb4 exogène confère
une résistance à l’infection par le PVB19.10,11 Un effet identique
est obtenu par l’utilisation de moelle osseuse provenant de sujets
phénotypiquement négatifs pour le Gb4.10,11
Le Gb4 est présent chez l’homme non seulement sur les éry-
throcytes et leurs précurseurs médullaires mais aussi sur les cel-
lules de la lignée mégacaryocytaire, les cellules endothéliales, les
fibroblastes et de nombreux tissus d’origine mésodermique (rein,
cœur, poumon, cartilage).12 Cette distribution tissulaire se calque
strictement sur le spectre clinique et biologique des infections
par le PVB19.
La pénétration virale est donc possible dans un grand nombre
de cellules, cependant, seuls les précurseurs érythroïdes sont per-
missifs et permettent la réplication virale.13 Cette spécificité pour-
rait être due au fait que la réplication virale nécessite des facteurs
de transcription spécifiques de la lignée érythrocytaire.
La mort cellulaire induite par l’infection virale se fait par deux
voies distinctes: une lyse cellulaire par toxicité directe de cer-
taines protéines virales, et une induction de l’apoptose par inter-
action de la protéine NS1 avec la voie de signalisation du récep-
teur au TNF alpha.14
Infection chez le sujet
immunocompétent
Epidémiologie
Le PVB19 est un virus ubiquitaire. Les infections à PVB19, fré-
quentes, évoluent le plus souvent sous forme d’épidémie
hiverno-printanière. La séroprévalence du virus augmente avec
l’âge: de 10% entre un et cinq ans, elle augmente rapidement à
60% durant la période scolaire pour atteindre 90% chez les
sujets âgés.15
Le virus est présent dans les sécrétions respiratoires des sujets
infectés et la transmission se fait par contact direct. Une trans-
mission verticale entre la mère et le fœtus est aussi possible.16
Enfin, une contamination par transfusion sanguine a été décrite
avec un risque estimé à 1/3300.17 En effet, le PVB19 étant ther-
mostable et dépourvu d’enveloppe lipidique, il ne peut être
détruit par les procédés physicochimiques utilisés aujourd’hui
pour l’inactivation du VIH et des virus des hépatites.
Clinique
Des infections expérimentales chez des volontaires sains non
immuns ont permis d’étudier le déroulement des infections à
PVB19 in vivo.18 La symptomatologie évolue en deux phases:
une fébricule, une sensation de malaise et des courbatures mar-
quant la phase virémique autour du huitième jour, puis au cours
de la troisième semaine, certains patients présentent un rash
cutané et/ou des douleurs articulaires.18
A côté de cette primo-infection d’allure banale, le PVB19
peut aussi être à l’origine de manifestations cliniques plus spéci-
fiques. Chez l’enfant, il est responsable du mégalérythème épi-
démique, ou cinquième maladie, caractérisé par un rash maculo-
papuleux débutant au niveau du visage et s’étendant au tronc et
aux extrémités avant de disparaître après cinq à neuf jours. Chez
l’adulte, l’atteinte cutanée est moins fréquente et la symptoma-
tologie articulaire prédomine, surtout chez la femme jeune, sous
la forme de polyarthralgies symétriques, régressant habituelle-
ment en deux à trois semaines mais qui peuvent se chroniciser
dans 10% des cas.19
Chez les sujets ayant une érythropoïèse normale, l’infection à
PVB19 entraîne une érythroblastopénie qui reste cliniquement
inapparente car de durée brève. En revanche, chez les sujets
ayant une destruction globulaire accélérée (anémies hémoly-
tiques chroniques), l’infection peut aboutir à une érythroblasto-
pénie aiguë et profonde s’exprimant par une anémie sévère.20,21
D’autres manifestations cliniques ont aussi été rattachées au
PVB19: augmentation du risque de mort fœtale et d’anasarque
fœto-placentaire en cas d’infection chez la femme enceinte,22
manifestations rhumatologiques multiples,23 vascularites,24,25
myocardites,26 etc.
Enfin, en transplantation d’organe des infections à PVB19
ont été décrites après tout type d’organe transplanté. En dehors
des manifestations généralement liées au PVB19 telles que l’ané-
mie ou la pancytopénie, des cas de pneumonies, de myocardites
et d’hépatites ont été rapportés.27
Infection à PVB19 en transplantation
rénale
Si l’infection à PVB19 est le plus souvent à l’origine d’une
symptomatologie bénigne et brève chez le sujet immunocompé-
tent du fait d’une élimination rapide du virus, le problème est
tout autre chez les sujets immunodéprimés. Ainsi, des cas d’in-
fections chroniques ont été décrits chez des patients porteurs du
VIH,28 présentant un déficit immunitaire congénital,29 atteints de
leucémie ou de lymphome30 et enfin chez des patients ayant
bénéficié d’une transplantation d’organe en particulier d’une
transplantation rénale.6
Epidémiologie
La prévalence des infections à PVB19 en transplantation
rénale est difficile à estimer car l’ensemble des cas rapportés l’est
sous forme de « case report » ou de très petites séries. Par
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 6 2003
308
ailleurs, l’anémie et la pancytopénie qui révèlent le plus souvent
l’infection à PVB19 sont des complications très fréquentes après
transplantation rénale, ce qui rend le diagnostic difficile et pro-
bablement participe à une sous-estimation du nombre de cas.
Dans une des plus larges séries publiées englobant tout type de
transplantation d’organe, 1,5% des 137 patients étudiés avait
une PCR positive dans le sang pour le PVB19.31
Jusqu’à ce jour, vingt-huit cas ont été décrits après transplan-
tation rénale (tableau I). Sur ces vingt-huit cas, dix-sept hommes
et onze femmes ont été atteints avec un âge moyen de 40,2 ans
(7-62 ans). Les infections à PVB19 sont survenues généralement
très précocement après le début de la transplantation avec un
délai moyen de trois mois (0,5 à 15 mois). La totalité des patients
se sont présentés avec une anémie associée dans quatre cas à
une pancytopénie et dans deux cas à une hépatite aiguë. Un
patient avait une infection concomitante à HHV-6,32 et deux
patients avaient une infection concomitante à CMV.27,33
Les traitements immunosuppresseurs utilisés étaient extrême-
ment variables avec des associations diverses de corticoïdes,
(28/28), ciclosporine (22/28), tacrolimus (4/28), azathioprine (10/28)
et mycophénolate mofétil (10/28).
Si, les modes d’infection après transplantation rénale peu-
vent être les mêmes que ceux rencontrés chez les sujets immu-
nocompétents, d’autres possibilités propres à la transplantation
d’organe ont été décrites.
Ainsi, il a été montré que l’ADN du PVB19 est capable de res-
ter à l’état latent dans différents tissus de l’organisme.12,34 Une
réactivation du virus est alors possible en post-transplantation,
comme c’est le cas pour le cytomégalovirus, du fait de la forte
immunosuppression induite par les traitements. Dans le même
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 6 2003 309
Tableau I: Cas d’infection par le parvovirus B19 après transplantation rénale décrits dans la littérature.
Réf. Nombre cas Age/sexe Délai post Clinique Diag. TT IS TT B19 Evolution
TR (mois) IgM PCR
/délai (semaine)
2 1 57/M 1 Anémie + + Cy-P 0 +/ ND
61 1 62/M 12 Pancytopénie - + Fk-P Ig 10 j +/ 2
32 1 7/M 3 Pancytopénie + ND Cy-P-Aza 0 +/ 8
33 1 57/F 6 Anémie + + Fk-P-Aza IS + Ig 4j +/ 8
37 1 48/M 0,5 Pancytopénie - + Cy-P Ig /7j +/ 2
36 1 47/F 1 Anémie ND + Cy -P Ig 15j +/ 2
62 4 2/M 2/F 1 Anémie + + Cy -P Ig 15j +
63 1 37/M 11 Anémie - + P-MMF IS + Ig 4j +/ 4
27 1 61/M 1 Pancytopénie + - Cy-P-Aza Ig 2j +/ 2
40 3 62/M 15 Anémie + + Cy-P-Aza Ig 10j +/ ND
38/M 1 Anémie + + Cy-P-Aza Ig 10j +/ ND
43/F 1 Anémie + + Fk-P-MMF Ig 2j +*/ ND
64 1 39/M 3 Anémie + + Cy-P-MMF Ig 5j +/ 4
46 1 30/F 1 Anémie + ? Cy-P-MMF Ig 7j +/ ND
Hépatite
65 2 46/M 12 Anémie + ? Cy-P-MMF Ig 5j +/ ND
40/F 1 Anémie + ? Cy-P-MMF Ig 10j +/ ND
Stop MMF
50 1 15/M 1 Anémie + + Cy-P-MMF Ig 7j +/ ND
Hépatite
60 3 52/F 2 Anémie - + Cy-P-Aza Ig 5j x 2 **/ ND
29/F 1 Anémie - + Cy-P-Aza Ig 5j x 2 +/ 16
26/F 1 Anémie + + Cy-P-Aza 0 +/ 4
59 1 26/F 1 Anémie + + Fk-P-Aza Ig 5j x 2 +/ 48
Stop aza et Fk
57 3 40/M 3 Anémie + + Cy-P-MMF Stop MMF +/ 4
28/M 2 Anémie + + Cy-P-MMF Stop MMF +/ 4
38/M 0,5 Anémie + ND Fk-P-Aza Stop aza +/ 8
66 1 38/M 1 Anémie - + Cy-P-MMF Ig 3j + Ig 5j +/ 8
Réf. : références; Sexe : M = masculin, F = féminin ; Délai post-Tr: délai d’apparition de l’anémie après transplantation rénale en mois; Diag : méthode diagnos-
tique utilisée; IgM : sérologie; PCR : Polymérase Chain Réaction; TTIS : traitement immunosuppresseur ; Cy: cyclosporine ; P : prednisone; Fk: tacrolimus; Aza :
azathioprine; MMF : mycophénolate mofétil; TTB19 : traitement de l’infection par le PVB19 ; Ig: immunoglobuline polyvalente ; Evolution +: normalisation de
l’hémoglobine; Délai : délai de normalisation de l’hémoglobine après traitement (semaines); ND : non défini ; * collapsing glomerulopathy; ** décès.
ordre d’idée, un cas de réinfection par une nouvelle souche
virale, favorisée par le traitement immunosuppresseur, a été rap-
porté par Pillay et coll.35
Enfin, une transmission du virus par le biais du greffon rénal
est aussi envisageable comme décrit par Bertoni et coll.36 ou
Uemura.37 Cependant, devant la faible prévalence des infections
à PVB19 en transplantation rénale malgré une séroprévalence
importante dans la population générale, un dépistage systéma-
tique chez les donneurs ne semble pas indiqué.
Complications de l’infection à PVB19
en transplantation rénale
La complication de loin la plus fréquente de l’infection à
PVB19 après transplantation rénale est l’anémie puisqu’elle
touche 100% des cas décrits (tableau I). Il s’agit d’une anémie
normocytaire, normochrome, arégénérative avec réticulopénie
quasi complète. Le diagnostic de l’anémie chez ces patients n’est
pas sans poser de problème tant les causes d’anémie en début
de transplantation rénale sont multiples avec en particulier les
saignements postopératoires, le syndrome inflammatoire engen-
dré par les décollements tissulaires, la reprise retardée de fonc-
tion rénale, les toxicités médicamenteuses, etc. Le caractère aré-
génératif de l’anémie avec réticulopénie quasi complète doit
orienter le diagnostic et pousser à réaliser des investigations sup-
plémentaires, en particulier un myélogramme.
L’importance de l’érythroblastopénie chez ces sujets peut
être majorée par l’administration d’érythopoïétine recombi-
nante. En effet, la stimulation induite de l’érythropoïèse offre au
virus une majorité de cellules érythroblastiques en activité de
synthèse d’ADN ou de division, remplissant toutes les conditions
pour l’obtention d’un cycle complet de réplication virale. Toutes
les cellules permissives sont donc lysées laissant une moelle
déplétée en précurseurs érythrocytaires.
Si la lignée rouge est de loin la plus fréquemment touchée
par l’infection à PVB19, les autres lignées sanguines peuvent
elles aussi présenter des anomalies. La thrombopénie est expli-
quée par la capacité qu’a le virus à parasiter la lignée mégacaryo-
cytaire. Bien que non permissive, cette lignée cellulaire qui
exprime le globoside Gb4, subit les effets délétères de certaines
protéines virales. La leucopénie et la lymphopénie, elles, sont
probablement dues aux interactions entre antigènes viraux, cel-
lules immunocompétentes et cytokines comme au cours des
autres infections virales.
Outre l’atteinte médullaire, de nombreuses autres complica-
tions des infections à PVB 19 après transplantation rénale ont été
récemment décrites.
En premier lieu viennent les atteintes rénales. La première
observation remonte à 1992 lorsque Leray et coll. ont décrit un
cas d’insuffisance rénale aiguë spontanément résolutive associée
à une infection à PVB19 chez une ancienne toxicomane. Mal-
heureusement, le type histologique de l’atteinte rénale n’a pas
été précisé.38 Par la suite, quatre cas de microangiopathie throm-
botique (MAT) associés à une primo-infection à PVB19 après
transplantation rénale ont été rapportés.39 La coïncidence de sur-
venue dans le temps entre MAT et infection à PVB19, la mise en
évidence d’ADN viral dans les biopsies rénales de ces patients et
l’existence du récepteur du PVB19 (globoside Gb4) sur les cel-
lules endothéliales sont autant d’arguments pour une relation de
cause à effet entre ces deux pathologies.
On note par ailleurs, un cas de « collapsing glomerulopathy »
décrit en association avec une infection à PVB19 après transplan-
tation rénale.40 Chez le sujet non transplanté, le PVB19 a aussi
été incriminé dans la survenue de « collapsing glomerulopathy ».
Il a ainsi été montré par PCR que la prévalence de l’ADN du
PVB19 dans les biopsies rénales de patients atteints de « collap-
sing glomerulopathy » est significativement plus élevée que celle
d’une population témoin. En hybridation in situ, cet ADN est
localisé dans les cellules épithéliales rénales (viscérales et/ou
pariétales) qui sont les cellules directement impliquées dans la
physiopathologie de ce type de néphropathie. Par ailleurs, cette
localisation intracellulaire permet d’éliminer une contamination
des biopsies par du sang circulant PVB19 positif.6,41 Une associa-
tion entre PVB19 et purpura rhumatoïde a aussi été évoquée42 et
plusieurs cas de glomérulonéphrite proliférative endocapillaire
ont été décrits.43,44
Enfin, chez l’animal, des cas de néphrites interstitielles sans
atteinte glomérulaire ont été rapportés au cours d’infection à
parvovirus.45
Les infections à PVB19 après transplantation rénale sont aussi
à l’origine d’atteintes hépatiques allant de la simple perturbation
biologique du bilan hépatique à une hépatite fulminante.46-49
De plus, un cas d’hépatite cholestatique fibrosante associée au
PVB19 a été rapporté.50
En dehors du cadre de la transplantation rénale, d’autres
complications liées au PVB19 ont été signalées. Plusieurs cas de
myocardite aiguë ont ainsi été décrits dans la population géné-
rale26 et après transplantation cardiaque51 dont certains ont
abouti au décès des patients. Enfin, le PVB19 a été associé à de
nombreuses maladies systémiques: périartérite noueuse,24 mala-
die de Wegener,52 lupus érythémateux.53
Diagnostic de l’infection à PVB19
La mise en évidence des particules virales dans le sérum ou
la moelle osseuse n’est pas d’usage courant. En effet, la culture
du PVB19 n’est obtenue que par inoculation des prélèvements
sur des cellules fraîches de moelle humaine provenant de don-
neur sain. C’est une technique lourde et coûteuse réservée à la
recherche.
Le diagnostic direct de l’infection par le PVB19 va donc repo-
ser sur des techniques de biologie moléculaire qui mettent en
évidence la présence de l’ADN viral. L’hybridation moléculaire
selon la technique de dot blot permet de détecter la présence
d’environ 106particules virales par millilitre de sérum. La mise en
évidence directe du PVB19 dans les tissus atteints est possible
par l’hybridation in situ. La PCR utilise des amorces qui permet-
tent d’amplifier un fragment du gène codant pour les protéines
structurales virales. Elle permet de détecter jusqu’à dix particules
virales par millilitre de sérum.
Le diagnostic indirect de l’infection à PVB19 repose sur la
sérologie qui fait appel à des techniques d’immunocapture ou
d’immunofluorescence avec révélation isotopique ou enzyma-
tique. Des anticorps IgG et IgM sont détectables par ces tests. La
présence d’IgM spécifiques témoigne d’une primo-infection
récente (moins de six mois), tandis que la présence d’IgG seule
signe une infection ancienne.
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 6 2003
310
Stratégie diagnostique
Chez le sujet immunocompétent, le dosage des IgG et IgM du
PVB19 ainsi que celui de l’ADN du PVB19 par PCR sont à ce jour les
techniques de référence.54 (fig. 1). La détection de l’ADN est le plus
facilement réalisée dans la moelle osseuse du fait du tropisme du
virus pour les précurseurs érythroïdes. Cependant, la sensibilité des
PCR est parfois trop élevée et il n’est pas clairement établi que la
présence d’ADN du PVB19 dans la moelle osseuse soit toujours en
relation avec des anomalies cliniques.55 A l’inverse, la détection
d’ADN dans le sérum est pathologique et synonyme de virémie.
Chez le sujet immunodéprimé, en particulier le transplanté
rénal, le diagnostic est rendu difficile en raison du déficit de la
réponse humorale induit par le traitement immunosuppresseur.
Dans tous les cas, la synthèse des immunoglobulines spécifiques
est anormale. Celle des IgM est inhabituellement prolongée, par-
fois avec des disparitions ou des diminutions intermittentes.
Celle des IgG est faible ou intermittente. On peut ainsi avoir une
véritable infection à PVB19 sans détection d’anticorps anti-
PVB19 (IgG et/ou IgM)56 (tableau I). Les sérologies peuvent aussi
être modifiées par les transfusions sanguines et l’administration
d’immunoglobulines polyvalentes (IvIg) riches en anticorps anti-
PVB19. Tous ces faux positifs ou négatifs imposent la réalisation
du diagnostic par PCR dans ce contexte d’immunosuppression.
La PCR est préférable à la technique de dot blot car la virémie
chez ces patients peut être de titre faible et seule une technique
très sensible en permettra la détection. Une aide supplémentaire
peut être apportée par l’analyse de la moelle osseuse lorsque
celle-ci montre une hypoplasie de la lignée érythroïde et un blo-
cage de maturation après le stade des proérythroblastes.
Traitement des infections par le PVB19
Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique dirigé contre
le PVB19. Chez le sujet sain, la primo-infection ne nécessite
aucun traitement.
Chez le sujet transplanté rénal, du fait de l’immunosuppres-
sion et des complications potentiellement graves des infections à
PVB19, une prise en charge plus agressive est nécessaire. Une
réduction du traitement immunosuppresseur, si elle est possible,
est d’une aide importante en restaurant en partie la réponse
immune naturelle. C’est ce qui a été réalisé par Shimmura et coll.
L’arrêt des inhibiteurs de synthèse des bases puriques a permis la
résolution rapide de l’infection par le PVB19 chez trois patients.57
L’intérêt d’une diminution de l’immunosuppression a été
confirmé chez un de ces patients par une tentative de réintro-
duction du mycophénolate mofétil après normalisation du taux
d’hémoglobine qui s’est soldée par une rechute de l’infection à
PVB19. Si cette stratégie thérapeutique est efficace sur le plan
virologique, elle n’est pas dénuée de risque. Ainsi, deux des trois
patients décrits par Shimmura ont présenté des épisodes de rejet
aigu sévère suite à la baisse de l’immunosuppression.
Une autre alternative pour le traitement des infections par le
PVB19 chez le transplanté rénal est l’utilisation d’IvIg même si leur
utilisation doit rester prudente, surtout après transplantation
rénale, du fait de leur potentielle néphrotoxicité.58 En effet, la pré-
valence de l’infection par le PVB19 étant très élevée dans la popu-
lation générale adulte, les IvIg sont naturellement riches en anti-
corps anti-PVB19. Sur les vingt-huit cas décrits dans la littérature,
vingt-deux ont été traités par IvIg. Il n’existe pas de recommanda-
tion quant à la posologie à employer, ce qui fait que les doses uti-
lisées dans la littérature sont extrêmement variables allant de
1g/kg pendant deux jours à 0,5g/kg pendant dix jours (tableau I).
Dans vingt cas, l’évolution a été favorable, avec une normalisation
du taux d’hémoglobine après un délai moyen de 8,3 semaines (1-
48 semaines). Dans les deux cas restants, le traitement par IvIg n’a
pas entraîné d’amélioration des anomalies biologiques. Ces deux
patients étaient traités par tacrolimus et c’est le changement d’in-
hibiteur de la calcineurine pour la ciclosporine qui a permis une
normalisation.40,59 Enfin, trois patients ont guéri spontané-
ment.2,32,60 Ces trois patients étaient tous traités par ciclosporine.
En ce qui concerne l’appréciation de l’efficacité du traite-
ment, le suivi se fait principalement sur des critères biologiques
simples comme la réapparition de réticulocytes suivie d’une réas-
cension progressive de l’hémoglobine. Le suivi par PCR est diffi-
cile, les patients pouvant rester virémiques pendant plusieurs
mois après traitement sans pour autant présenter de nouvelles
anomalies cliniques ou biologiques (fig. 2).12
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 6 2003 311
Fig. 1: Méthodologies diagnostiques d’une primo-infection par le
PVB 19.
Le virus ne peut être mis en évidence que pendant peu de temps, quelques
jours après la primo-infestation, soit par visualisation des particules virales en
microscopie électronique, soit par détection de l’ADN par Dot blot ou sou-
thern blot. La PCR, plus sensible, permet une détection plus prolongée. Les
anticorps, eux, apparaissent plus tardivement (d’après Morinet et coll.,
Médecine Science 1991; 7 : 127-37.
Fig. 2 : Positivité de l’ADN du PVB19 détectée par PCR dans le sérum
de patients après une primo-infection.
Musiani et coll. JID 1995; 172 ; 1360.
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