informations biologiques N°49 - NOVEMBRE 2002 Quoi de neuf, Docteur ? Parvovirus B19 : Qui es-tu, que fais-tu…? INTRODUCTION CLINIQUE Le parvovirus B19 a été découvert de façon fortuite chez un donneur de sang en 1975, mais ce n’est qu’au début des années 1980 qu’il a été associé à des pathologies humaines. La primo-infection est asymptomatique chez 25% des sujets infectés. L’incubation est de 4 à 20 jours avant l’éruption cutanée. Les signes cliniques sont liés aux dépôts d’immuns complexes sur les cellules endothéliales ou synoviales entraînant fréquemment des éruptions cutanées et des arthralgies. Le parvovirus B19 appartient à la famille des Parvoviridae (genre erythrovirus) qui comprend des virus infectant l’homme, les animaux et les insectes. C’est un virus non enveloppé à capside icosaédrique contenant une molécule d’ADN monocaténaire. Il se réplique principalement dans les précurseurs des érythrocytes mais peut être retrouvé dans d’autres cellules comme dans les macrophages. Son tropisme marqué pour les précurseurs de la lignée érythrocytaire explique les pathologies sévères observées chez le fœtus et les patients atteints de pathologies constitutionnelles du globule rouge (généralement accompagnées d’anémies). EPIDEMIOLOGIE Ce virus est strictement humain et sa transmission est essentiellement inter-humaine directe, par voie respiratoire. D’autres voies de transmission sont également observées : -la voie sanguine : grâce à la grande stabilité du virus qui peut résister aux techniques usuelles d’inactivation des produits sanguins. Le risque transfusionnel est cependant faible en raison de la brièveté de la virémie et de l’absence de portage chronique chez l’adulte immunocompétent. -la voie verticale : en cas de primo-infection chez la mère, une infection du fœtus est observée dans 30% des cas. L’infection prend souvent des aspects de petites épidémies au sein d’une même famille ou à l’école, surtout en hiver ou en début de printemps. L’exclusion de l’école ou l’isolement des enfants présentant des symptômes d’érythème infectieux ne sont pas recommandés car le virus est rarement décelé chez les patients symptomatiques. Les patients sont contagieux durant la virémie qui se produit une semaine avant l’apparition des éruptions. C’est une infection fréquente : entre 20 et 30 ans, 40% des adultes ont une sérologie positive et plus de 85% après 50 ans. Pour les sujets contacts non immuns, le risque de contamination est d’environ 50%. Le développement d’Ac confère une protection. Cinq cadres pathologiques peuvent être identifiés : *Chez l’enfant Le Parvovirus B19 est l’agent étiologique du mégalérythème épidémique (ou 5ème maladie) qui s’observe chez l’enfant entre 5 ans et 10 ans lors de la primo-infection. Le tableau clinique associe un syndrome pseudo-grippal (fièvre et rhinopharyngite) à des manifestations cutanées. Il est caractérisé par une éruption maculo-papuleuse, d’aspect en « paires de claques » s’étendant rapidement au tronc et aux extrémités (aspect en dentelle). Les symptômes disparaissent après 7 à 10 jours. Une thrombopénie et une neutropénie transitoires et modérées accompagnent cette primo-infection. En règle générale, il n’y pas de syndrome inflammatoire associé. *Chez l’adulte sain immuno-compétent La lyse des précurseurs érythroïdes n’est pas symptomatique, puisque la durée de vie des globules rouges est longue (120 jours), masquant ainsi l’arrêt ponctuel de la production des érythrocytes. En général, il existe une réticulocytose sans anémie. Des arthralgies (surtout chez les femmes) d’apparition brutale, bilatérales et symétriques, débutant aux extrémités et s’étendant vers les grosses articulations sont observées. Elles sont le plus souvent non fébriles et durent 1 à 3 semaines avec éventuellement plusieurs épisodes successifs. Les manifestations cutanées sont rares et atypiques (éruptions rubéoliformes ou purpuriques). *Chez le sujet porteur d’anomalie constitutionnelle du globule rouge (généralement accompagnée d’anémie hémolytique) Le parvovirus B19 est à l’origine de crises aiguës de déglobulinisation chez les sujets porteurs d’anomalie constitutionnelle du globule rouge, le plus souvent atteints d’anémie hémolytique. Dans le contexte particulier de ces patients, la durée de vie des globules rouges est plus brève et l’érythropoïèse est importante. La multiplication du virus est donc facilitée et entraîne une anémie aiguë et brutale. On parle alors de crise érythroblastique. *Chez la femme enceinte Chez la femme enceinte, l’infection passe souvent inaperçue. L’infection fœtale peut survenir à n’importe quel stade de la grossesse. Le virus peut être à l’origine d’avortement (1er trimestre) ou de mort fœtale (surtout au 2ème trimestre et plus rarement au 3ème trimestre) mais il ne semble pas posséder de pouvoir tératogène (donc pas de recommandations d’avortement thérapeutique). Chez le fœtus infecté, le virus entraîne une anémie en provoquant la lyse des érythroblastes (situés dans le foie), ainsi qu’une myocardite. Celle-ci est aggravée par une insuffisance cardiaque fonctionnelle due à l’anémie et induit des épanchements au niveau des séreuses (anasarque). A l’échographie, l’anasarque foeto-placentaire est définie par des épanchements liquidiens intéressant au moins 2 espaces du fœtus : œdème plus ou moins localisé aux parties molles, épanchement des séreuses (péritoine, plèvre, péricarde). On retient aussi comme élément du diagnostic, l’augmentation de l’épaisseur du placenta et l’hydramnios. Dans l’étiologie parvovirale notamment, le foie est hypertrophié et une couleur jaune paille du liquide amniotique traduit une élévation de la bilirubine. *Chez les sujets immuno-déficients Chez les sujets immuno-déficients, l’infection est chronique entraînant souvent une anémie chronique, due à la persistance du virus B19 dans la moelle. Une thrombopénie et une neutropénie peuvent également être associées. Les signes articulaires et/ou cutanés peuvent aussi être observés. Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont les suivants : rubéole, scarlatine, roséole, mononucléose infectieuse (EBV), échovirus, connectivite (Lupus érythémateux disséminé), réaction médicamenteuse. DIAGNOSTIC Le diagnostic d’infection à Parvovirus B19 repose principalement sur la sérologie. Elle consiste en la recherche d’IgM (d’apparition précoce, vers le 12ème jour après la contamination, elles persistent 2 à 3 mois) et d’IgG (qui apparaissent presque simultanément et persistent de nombreuses années). Dans les premiers jours d’une crise aiguë de déglobulinisation et au cours des infections chroniques de l’immuno-déprimé, il est fréquent de ne pas mettre en évidence les IgM spécifiques et une sérologie négative n’exclut pas l’infection. Il est alors licite de pratiquer une recherche du génome viral par PCR dans le sang ou éventuellement dans la moelle osseuse. Pour les érythroblastopénies aiguës, une alternative consiste à pratiquer une deuxième sérologie 8 à 10 jours plus tard pour révéler la séroconversion. La détection du génome viral par PCR est la seule technique de diagnostic direct. Les autres techniques de diagnostic direct (culture, microscopie électronique, hybridation) ne sont pas utilisées en routine diagnostique. Deux situations pratiques chez la femme enceinte vis-à-vis de l’infection par le parvovirus B19 : -Une femme enceinte présente une éruption non identifiée : ->demander en urgence une sérologie du parvovirus B19 Cette sérologie est négative en IgG et en IgM spécifiques ->répéter la sérologie 15 jours après La sérologie est positive en IgG mais négative en IgM spécifiques ->Une infection récente par le parvovirus B19 est a priori éliminée La sérologie est positive en IgM spécifiques ->surveillance échographique du fœtus -Une femme enceinte a eu un contact à risque avec un sujet présentant des manifestations cliniques évocatrices d’infection par le parvovirus B19 : ->tenter d’identifier l’infection chez le sujet contact (recherche d’IgM spécifiques) ->prélever un échantillon chez la femme enceinte pour une sérologie parvovirus B19 afin de connaître son statut immunitaire ->sans attendre le résultat de cette sérologie, proposer l’injection immédiate d’immunoglobulines polyvalentes intra-veineuses. TRAITEMENT A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement ni de vaccin. CONCLUSION Chez les enfants, le parvovirus B19 est responsable d’une maladie virale bénigne caractérisée par une éruption maculopapuleuse d’intensité variable. Chez la femme enceinte l’infection à parvovirus B19 semble être plus embryocide que tératogène. La détermination du statut sérologique vis-à-vis du parvovirus B19 chez la femme enceinte permettrait de repérer les femmes à risque de développer une primo-infection au cours de la grossesse. Chez une femme enceinte développant les symptômes d’érythème infectieux avec ou sans arthropathie, une infection à Parvovirus B19 doit systématiquement être suspectée. Chez tout patient présentant une crise aiguë de déglobulinisation, il faut suspecter une pathologie sous jacente du globule rouge et si le patient n’est pas connu pour une telle pathologie, prescrire au minimum une électrophorèse de l’hémoglobine à distance de la crise. Jean-Pierre BOUILLOUX – Sandrine LUANS Prochain sujet : Syndrome de Goujerot-Sjögren et Biologie