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La Lettre du Gynécologue • n° 356 - novembre 010 | 27
Résumé
nous la prescrivons en pratique clinique, a peu d’effet
sur la croissance fœtale. Mais il est à noter qu’une
cure unique de bétaméthasone ou de dexaméthasone
chez le rat ou la brebis (dose : 0,15-0,2 mg/kg),
administrée à un stade "de sensibilité particulière"
du développement, peut modifier la structure et/ou
la fonction de certains organes, sans altérer la crois-
sance globale du fœtus (6).
Chez l’homme, aucun effet délétère à court et à
moyen termes d’une dose unique de glucocorticoïdes
n’a pu être mis en évidence. Les effets bénéfiques
néonataux semblent se prolonger dans l’enfance.
À moyen terme, chez les enfants âgés de 2 à 3 ans,
une cure unique de glucocorticoïdes est associée à
une réduction du taux d’infirmité motrice cérébrale
(RR = 0,59 ; IC95 : 0,35-0,97) [7].
Cures répétées
Les risques d’une administration anténatale de gluco-
corticoïdes sont surtout observés après un traitement
prolongé ou des cures répétées (6, 8). Chez l’animal,
les effets à court terme dépendent du modèle expé-
rimental, de la dose cumulée, de la date d’adminis-
tration en fonction du stade de développement de
certains organes. Ainsi, une administration prolongée,
chez la souris ou le rat, de glucocorticoïdes induit
une réduction significative du poids de naissance et
altère le développement de certains organes comme
le rein ou le pancréas. Des cures répétées induisent
une restriction de croissance intra-utérine chez la
brebis. Chez le singe et la brebis, les cures répétées
altèrent le développement cérébral du fœtus, avec
une diminution du volume cérébral et une apoptose
neuronale plus marquée.
Durant les années 2000, plusieurs essais prospectifs
randomisés contre placebo (après une première cure
de glucocorticoïdes) ont tenté d’évaluer les bénéfices
et les risques des cures répétées systématiques de
glucocorticoïdes (9, 10). Certains essais ont été arrêtés
prématurément, en raison des données provenant
d’études observationnelles rétrospectives et d’études
expérimentales sur les effets adverses à court et à
moyen termes de ces cures répétées. Ces études se
différenciaient selon la molécule utilisée, la popu-
lation choisie, le terme limite de la dernière injec-
Les bénéfices d’une cure unique de glucocorticoïdes dans les situations à risque de naissance prématurée sont
bien supérieurs aux effets indésirables potentiels. Les cures multiples améliorent la pathologie respiratoire
néonatale initiale sans bénéfice réel sur la mortalité et la morbidité néonatales. Les cures multiples ne doivent
pas être utilisées en pratique clinique. Une discussion au cas par cas est préconisée afin de limiter les prescrip-
tions additives de glucocorticoïdes. Compte tenu des données récentes issues de l’expérimentation animale, il
est nécessaire de poursuivre l’évaluation à long terme de ces traitements et de suivre les adultes exposés in
utero à des glucocorticoïdes, surtout ceux exposés à des cures multiples.
Keywords
Antenatal corticosteroids
Adverse effects
Neonatology
Long term effects
Mots-clés
Corticothérapie
anténatale
Effets indésirables
Néonatologie
Long terme
tion, et la puissance des effectifs. Une méta-analyse
regroupant plus de 5 essais randomisés (avec plus
de 2 000 patientes) et d’autres études (dont l’étude
MACS) ont montré une réduction de l’incidence et de
la sévérité de la maladie des membranes hyalines pour
la fréquence (RR = 0,82 ; IC95 : 0,72-0,93) et pour la
sévérité (RR = 0,60 ; IC95 : 0,48-0,75), sans bénéfice
significatif sur la mortalité et d’autres paramètres
de la morbidité néonatale. La répétition des cures
au-delà de 3 réduisait significativement le poids de
naissance et le périmètre crânien. Ces différences
anthropométriques disparaissent après la naissance,
mais les risques neurocognitifs à très long terme pour-
raient persister. Le devenir à très long terme n’est pas
encore connu. Le devenir à 2-3 ans de deux études
randomisées a été publié récemment (11, 12). À moyen
terme, la répétition des cures ne semble pas apporter
de bénéfice sur la survie sans séquelles graves. Les
cures répétées n’amélioraient pas le devenir cognitif.
Pour l’une d’entre elles (portant sur 465 enfants), les
auteurs rapportent une tendance à une augmentation
de l’indice de masse corporelle (IMC) chez les enfants
soumis durant la période fœtale à des cures répétées
de glucocorticoïdes. Toutefois, le nombre est trop
faible pour réellement conclure (6 enfants : 2,9 %
dans le groupe cures répétées, versus 1 enfant : 0,5 %
dans le groupe placebo) [11].
En ce qui concerne la cure de "sauvetage", le bénéfice
sur la sévérité de la maladie des membranes hyalines
a été démontré par deux études randomisées pros-
pectives et une étude rétrospective (3-5). Les effets
pulmonaires semblent surtout bénéfiques pour les
enfants les plus immatures. Néanmoins, l’une de ces
études montre à l’inverse une sévérité de la maladie
des membranes hyalines plus grande lors d’une nais-
sance survenant moins de 24 heures après l’injection
de bétaméthasone (12 mg) en "sauvetage" ; le taux
d’administration de surfactant était plus élevé dans
le groupe "sauvetage" (249 patientes : RR = 2,17 ;
IC
95
: 1,22-3,83) [4]. La croissance fœtale n’était pas
différente entre les deux groupes.
Effets à long terme
Les effets à long terme de la corticothérapie anténa-
tale prescrite lors d’un risque de naissance préma-