A
ujourd’hui, l’écho-Doppler
est devenu un outil indis-
pensable pour affirmer ou
confirmer l’insuffisance veineuse
et pour élaborer une stratégie thé-
rapeutique dans une collaboration
médico-chirugicale. Il intervient
directement, et ce de plus en plus
souvent dans le geste thérapeu-
tique lui-même. C’est également
devenu un instrument incontour-
nable pour contrôler et évaluer les
traitements. Voyons l’intérêt qu’il
présente et la place exacte qu’il
occupe dans l’exploration et la
prise en charge des maladies
veineuses.
Principes
de la technique
échographique
et du Doppler
L’échographie, comme le Doppler,
est une application médicale des
ultrasons. L’échographie crée une
image anatomique des tissus tra-
versés en fonction de la quantité
d’ultrasons absorbés et du temps
de retour par rapport au moment
de l’émission. Le Doppler permet
d’étudier une variation de vitesse
en analysant une variation de fré-
quence, celle-ci est fonction de la
fréquence d’émission, de la vitesse
du mobile (le sang) et de l’angle
que forme la sonde avec le mobile
étudié. On constate que l’écho-
graphie autorise une étude mor-
phologique alors que le Doppler
fait une analyse hémodynamique.
La principale limite du Doppler
(continu) est qu’il travaille en
« aveugle », c’est-à-dire qu’en cas
de superposition de vaisseaux on
ne connaît pas avec certitude le
vaisseau qui est analysé. L’amélio-
ration du traitement informatique
a permis de « coupler » le Doppler
avec l’échographie et de former
l’écho-Doppler ou « duplex-scan »
pour les Anglo-Saxons. L’amélio-
ration des performances des
microprocesseurs et de la qualité
des logiciels a donné naissance à
une nouvelle évolution technolo-
gique : l’échographie à codage cou-
leur. Le principe repose sur l’ana-
lyse de chaque pixel et la trans-
formation de la vitesse du sang sur
un pixel en une couleur, plus ou
moins vive en fonction de la vélo-
cité, soit bleue soit rouge selon que
le sang se dirige vers la sonde ou
s’en éloigne.
Pratique
de l’examen
en pathologie
veineuse
des membres
inférieurs
Il faut distinguer deux phases à
l’examen du système veineux des
membres inférieurs : tout d’abord,
l’examen du système veineux pro-
fond, puis celui du système veineux
superficiel.
- L’examen du système veineux
profond se fait le patient allongé
en décubitus dorsal légèrement
assis afin d’assurer un meilleur
remplissage des veines profondes.
On utilise pour commencer une
sonde de 3,5 MHz. Cet examen ne
peut être fait qu’avec un appareil
duplex ou mieux couleur, l’indéter-
mination spatiale du Doppler seul
exposant soit à un diagnostic de
thrombose veineuse profonde par
excès (faux positif), soit inverse-
ment à une absence de diagnostic
d’une importante thrombose (faux
négatif par enregistrement d’une
collatérale que l’on pense être la
veine principale) avec toutes les
conséquences médico-légales que
cela implique. La veine cave infé-
rieure est examinée en premier,
suivie des iliaques, des fémorales
communes et superficielles, des
poplitées, et enfin des veines jam-
bières (tibiales postérieures et
péronières) ainsi que des veines
musculaires (soléaires, jumelles
internes et externes). Il faut tout
d’abord rechercher l’existence
d’une thrombose. On évalue dans
un premier temps la vacuité de la
lumière veineuse en échographie
à codage couleur où il existe un
bon remplissage ; puis en mode
duplex on retrouve une bonne
modulation respiratoire ; et enfin
en vérifiant la compressibilité de la
veine sous la sonde (la veine est
normalement complètement com-
pressible contrairement à l’artère).
On recherche également un épais-
sissement de la paroi ou la pré-
sence de synéchies pouvant témoi-
gner de séquelles de thrombose
veineuse profonde. Dans un
deuxième temps, on pratique des
manœuvres de compression afin
de faire une analyse hémodyna-
mique qui recherche un frein cir-
culatoire (syndrome obstructif) ou
bien un reflux (syndrome de déval-
vulation). Afin d’améliorer le rem-
plissage et donc la visualisation
des veines jambières, et après
avoir éliminé préalablement une
thrombose profonde, on peut alors
faire asseoir le patient au bord du
lit, jambes pendantes.
- L’examen du système veineux
superficiel se pratique préféren-
tiellement debout. Si la clinique l’in-
dique, on recherche une thrombose
veineuse superficielle avec la
même méthode que pour le sys-
tème profond (vacuité, compressi-
bilité, flux modulé), puis on s’attache
à rechercher un reflux significatif
(supérieur à une seconde) au niveau
des grandes et petites veines
saphènes ainsi que de leurs col-
latérales. Sont également notés le
calibre des axes saphéniens et la
nature de leur terminaison (unique
ou multiple, haute ou basse). Il faut
vérifier l’origine haute du reflux et
rechercher s’il s’agit d’une incom-
pétence de la valvule ostiale (der-
nière valvule) ou de la valvule pré-
terminale (avant-dernière valvule).
On s’attache à préciser le statut
particulier de la saphène anté-
rieure et ses rapports anato-
miques et hémodynamiques avec
la grande veine saphène. Il faut
explorer les collatérales inconti-
nentes. Par un examen minutieux,
on s’attachera à rechercher des
perforantes pathologiques, on pré-
cisera leur calibre et l’on notera
leur hauteur par rapport au sol
pour les perforantes jambières et
par rapport au pli du genou pour
les perforantes de cuisse. Au
décours de l’examen, il faudra faire
soit un schéma, afin de préciser
l’extension de la thrombose, soit
une cartographie veineuse, afin
de visualiser clairement les veines
incontinentes du système super-
ficiel.
Indications
de l’écho-Doppler
veineux
Au niveau du réseau pro-
fond, il s’agit dans l’immense
majorité des cas d’une recherche
de thrombose veineuse profonde
(photo 1). Il existe un algorithme
parfaitement clair qui définit la
place de l’écho-Doppler en fonc-
tion des données anamnestiques,
cliniques, et du résultat des
D-dimères. En dehors de la
thrombose profonde, l’examen du
réseau profond est fait systéma-
tiquement dans le cadre du bilan
d’insuffisance veineuse superfi-
cielle, à la recherche de séquelles
de thrombose veineuse profonde
(prouvée ou non), lorsqu’il existe
la notion d’œdème transitoire,
répétitif du membre inférieur
gauche (syndrome de May-Thur-
ner), devant un œdème uni- ou
bilatéral, des troubles trophiques
disproportionnés par rapport à l’in-
suffisance veineuse superficielle
ainsi que des varices sus-
pubiennes.
Concernant le réseau super-
ficiel, la première indication est
l’insuffisance veineuse superfi-
cielle primitive (photo 2). Il faut
dans tous les cas que l’examen
soit accompagné d’une cartogra-
phie veineuse superficielle pour
évaluer l’évolution de la maladie
variqueuse, pour quantifier le
bénéfice des traitements et pour
discuter d’une véritable stratégie
thérapeutique médico-chirurgicale.
L’écho-Doppler veineux doit évi-
demment être demandé en cas de
varices volumineuses mais égale-
ment lorsqu’il existe des varicosi-
tés, car celles-ci sont bien souvent
alimentées par le reflux d’un tronc
non visible et non palpable clini-
quement, et également en pré-
sence de symptômes de maladie
veineuse (œdèmes, lourdeurs,
douleurs de jambes, impatiences)
surtout lorsqu’ils apparaissent ou
sont majorés en été, à la chaleur,
en position debout ou varient avec
le cycle. Cet examen sert de docu-
ment de référence pour évaluer la
progression de la maladie veineuse
pour juger de l’impact des facteurs
environnementaux (grossesses,
traitements hormonaux, activités
sportives ou professionnelles), et
de l’amélioration en fonction des
différents traitements.
L’écho-marquage consiste à mar-
quer sur la peau, au feutre, les
veines à traiter. Le marquage se
fait grâce à un bon examen cli-
nique associé à un écho-Doppler
dans le cadre d’une stratégie thé-
rapeutique définie au préalable.
L’écho-marquage est réalisé avant
toute chirurgie (stripping, cros-
sectomie, phlébectomies), tout
geste endoveineux (Closure, laser
endoveineux) et peut également
se pratiquer avant échosclérose
(photo 3).
L’intérêt de l’écho-Doppler dans la
pathologie veineuse est unanime-
ment reconnu et désormais incon-
testable. Lors d’une thrombose
veineuse profonde, il est devenu
la pierre angulaire du diagnostic
positif et entre dans le cadre d’un
arbre décisionnel clairement défini.
Lors d’une thrombose veineuse
superficielle, il constitue un exa-
men essentiel qui permet de pré-
ciser le niveau supérieur du
thrombus, alors que la clinique
est souvent frustre. Mais surtout
toutes les études montrent
l’association fréquente (environ
30 %) avec les thromboses pro-
fondes imposant la réalisation d’un
écho-Doppler.
En ce qui concerne l’insuffisance
veineuse superficielle, l’écho-Dop-
pler est indispensable avant de
définir une stratégie thérapeutique
face à des varices, des troubles
trophiques ou un œdème. Il est
souvent utile en présence de
symptômes de maladie veineuse,
permettant alors la découverte
précoce d’une insuffisance saphé-
nienne qui, prise en charge à ses
début, n’évoluera pas vers une
varicose majeure. L’écho-marquage
est réservé au prétraitement
immédiat (24 heures avant le
geste), il permet de traiter plus
précisément les veines malades et
de préserver autant que possible
le capital veineux sain.