L Les tumeurs malignes de l’ovaire chez les adolescentes : G

La Lettre du Gynécologue - n° 323 - juin 2007
Gynéco et société
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Les tumeurs malignes de lovaire chez les adolescentes :
diagnostic, fréquence et prise en charge
IP C. Patte *, A. Babin-Boilletot**
Les tumeurs de l’ovaire chez les filles prépubères et les
adolescentes sont avant tout bénignes. Leur fréquence
est mal répertoriée ; l’expérience du service de chirurgie
diatrique de Strasbourg en donne une idée.
Les tumeurs malignes sont beaucoup plus rares, mais ce sont
celles qui nécessitent une prise en charge appropriée pour ne
pas induire une situation qui compromette le pronostic vital.
DIFFÉRENTS TYPES DE TUMEURS MALIGNES
Les tumeurs malignes de la période péripubertaire sont avant
tout des tumeurs germinales. On distingue parmi les tumeurs
germinales malignes (TGM) :
Les tératomes immatures, tumeurs à malignité locale,
dont le traitement est essentiellement chirurgical. Il existe des
grades d’immaturité : plus le pourcentage de tissu nerveux
immature est important (grades 1 à 3), plus le risque tumoral
est grand. Cela s’applique essentiellement aux implants péri-
tonéaux qui font la gravité de la maladie en cas de grade 3, car
leur chimiosensibilité est très aléatoire.
Les séminomes (encore appelés dysgerminomes lorsqu’ils
surviennent au niveau de l’ovaire), tumeurs très lymphophi-
les, mais également très radio- et chimiosensibles, ce qui
leur confère un bon pronostic. Elles peuvent survenir dans
un contexte de dysgénésies gonadiques, gonadoblastomes en
particulier, et peuvent se bilatéraliser. Il peut exister une faible
sécrétion de l’hCG et/ou de la β-hCG libre, liée à la présence
de quelques cellules syncytiotrophoblastiques isolées dans la
tumeur.
Les tumeurs “sécrétantes” comportent de façon isolée,
mais souvent combinée, des contingents de tumeur vitelline
sécrétant l’alpha fœtoprotéine (AFP) et/ou de choriocarci-
nome sécrétant l’hCG ± β-hCG libre et/ou de carcinome
embryonnaire (contingent non sécrétant, rarement isolé
et peu fréquent, ayant la même gravité que les contingents
sécrétants), associés ou non à du tératome mature ± immature
et/ou du séminome. Ce sont des tumeurs dont le pronostic
a été transformé par le cisplatinum. Lorsqu’il existe plusieurs
contingents dans une même tumeur, on parle de tumeurs
germinales “mixtes”, dont il convient de crire les différents
contingents.
Le diagnostic du type de TGM doit intégrer les résultats de
l’analyse histologique et des marqueurs sériques qui sont très
spécifiques. Un taux éled’AFP doit faire porter le diagnos-
tic de contingent vitellin, même si celui-ci n’est pas retrouvé à
l’examen histopathologique. De même, un taux élevé d’hCG
doit faire porter le diagnostic soit de présence de cellules syn-
cytiotrophoblastiques dans un séminome pur, soit de contin-
gent de choriocarcinome dans les TGM mixtes, même s’il n’est
pas vu à l’examen histologique. Ainsi, on ne parlera de téra-
tome immature “purqu’en l’absence de crétion d’AFP ou
d’hCG, sinon on parlera de tumeurs germinales mixtes.
Les autres tumeurs rencontrées sont :
Les tumeurs du stroma gonadique, dites tumeurs des
cordons sexuels. Ce sont avant tout les tumeurs de la granu-
losa juvénile crétant des estrogènes et de l’inhibine, mais
également les tumeurs de Sertoli ou de Sertoli-Leydig ou les
tumeurs des cordons sexuels sans autre différenciation. La
sécrétion hormonale anormale peut être à l’origine d’un syn-
drome hormonal, tel qu’une puber précoce, vélateur de
la tumeur. Le caractère bénin ou malin ne peut être affirmé
histologiquement. Le traitement est avant tout chirurgical, les
tumeurs étant le plus souvent localisées. La chimiothérapie
est faite dans les formes étendues, mais la chimiosensibilité
est moindre que dans les TGM. De ce fait, il est essentiel de
ne pas rompre la tumeur dans la cavité abdominale (lors d’une
cœlioscopie pour “kyste” par exemple).
Les tumeurs de la lignée épithéliale, avant tout des tumeurs
borderline. Habituellement, les tumeurs sont localisées et,
sous réserve d’un bilan d’extension peropératoire négatif (le
plus souvent dans un deuxième temps par cœlioscopie), il ny
a pas d’indication à une chirurgie large “mutilante”.
Les lymphomes à localisations ovariennes sont très rares,
habituellement de type Burkitt, mais doivent être connus. Ils
sont rarement primitifs, le plus souvent secondaires, accom-
pagnant d’autres localisations lymphomateuses, digestives
en particulier. Laspect échographique est très évocateur :
tumeurs entièrement solides, homogènes et échogènes. Lat-
teinte est bilatérale dans la moitié des cas. Leur excellent
pronostic actuel, tumoral et fonctionnel (des grossesses sont
possibles après atteinte lymphomateuse ovarienne bilatérale),
doit faire éviter l’ovariectomie et rechercher la possibilité de
faire le diagnostic autrement.
* Institut Gustave-Roussy, Villejuif, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif.
** Institut de puériculture, unité d’hématologie, hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière,
67100 Strasbourg Cedex.
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ÉPIDÉMIOLOGIE
Il y a peu de séries épidémiologiques. En France, les regis-
tres des cancers ne couvrent qu’une faible partie du territoire
national.
Les données épidémiologiques les plus intéressantes sont cel-
les de la série du SEER aux États-Unis pendant les années 1992
et 1997 (1) ; elles montrent que :
Avant 15 ans, lincidence annuelle par million de sujets fémi-
nins des tumeurs ovariennes est de 3,9 % ; 78 % sont des TGM,
5 % des tumeurs du stoma gonadiques, 4 % des tumeurs bor-
derline, 11 % d’autres carcinomes et 2 % des tumeurs d’autres
histologies.
Entre 15 et 19 ans, l’incidence annuelle est de 19,1% ; 54 %
sont des TGM, 3 % des tumeurs du stroma, 28 % des tumeurs
borderline, 13 % d’autres carcinomes et 2 % des tumeurs
d’autres histologies.
Entre 20 et 24 ans, l’incidence annuelle est de 30,5 %, 26 %
sont des TGM, 3 % des tumeurs du stroma, 43 % des tumeurs
borderline et 27 % d’autres carcinomes.
Au total, l’incidence annuelle des TGM varie peu selon les
classes d’âge. Les séminomes sont plus fréquents entre 15 et
19 ans : 38,4 %, alors qu’ils représentent 24 % des cas avant
15 ans, et 31,5 % entre 20 et 24 ans. En revanche, l’incidence
annuelle des carcinomes augmente régulièrement avec l’âge.
Seuls les types séreux et mucineux sont vus dans ces classes
d’âge.
Dans les enregistrements TGM 85 et 90 des tumeurs germinales
malignes de la SFOP (Société française d’oncologie pédiatrique)
[2], dans lesquels les tumeurs des cordons sexuels étaient enre-
gistrées, il y avait 97 cas de tumeurs ovariennes chez des filles
âgées de 3 mois à 17 ans (médiane : 12 ans), dont 49 tumeurs
sécrétantes (toutes sécrétant de l’AFP, dont 14 de l’hCG), un
carcinome embryonnaire, 14 ratomes immatures, 18 sémino-
mes et 15 tumeurs des cordons sexuels.
TRAITEMENT
Le traitement des tumeurs malignes de l’ovaire repose sur la
chirurgie d’exérèse tumorale conservatrice”, (ovariectomie ±
annexectomie). Les chirurgies larges, incluant l’ovariectomie
controlatérale et l’hystérectomie et pratiquées dans les cas de
carcinomes chez des femmes plus âgées, sont d’indications
exceptionnelles, compte tenu des stades et des types histologi-
ques vus chez les enfants et adolescentes, et ne doivent jamais
être pratiquées d’emblée. En revanche, lors de l’intervention,
il est essentiel de prélever le liquide d’ascite pour cytologie et
toutes lésions suspectes péritonéales ou sur l’ovaire controla-
téral ou ganglionnaire.
Les indications thérapeutiques dans les TGM sécrétantes sont
les suivantes :
Si la tumeur est localisée et intraovarienne sans rupture pré-
ou peropératoire : ovariectomie annexectomie) seule. Sur-
veillance attentive des marqueurs qui doivent se normaliser
dans les suites de l’intervention et ne pas réévoluer. Sinon, il y
a une indication à une chimiothérapie.
Dans tous les autres cas, il y a une indication à la chimiothé-
rapie, en oadjuvant en cas de tumeur étendue au diagnostic,
et la chirurgie sera pratiquée secondairement après normali-
sation des marqueurs tumoraux.
Lévolution des marqueurs tumoraux est parfaitement corrélée
à l’évolution tumorale, l’absence de négativité ou la élévation
permettant d’affirmer la présence de cellules tumorales, même
s’il n’y a pas encore de maladie détectable.
Lattitude thérapeutique décrite s’applique aussi aux tératomes
immatures et aux séminomes, avec quelques nuances :
Labsence de sécrétion de marqueurs tumoraux ne permet
pas une surveillance tumorale aussi fine qu’en cas de tumeur
sécrétante.
En cas d’implants péritonéaux, il est admis que ce sont ceux
classés grade 3 qui sont de mauvais pronostic et justifient la
mise en route d’un traitement complémentaire, même si la
chimiosensibilité est très médiocre.
En cas de séminome pur stade I, certains préféreront recom-
mander deux cures de chimiothérapie complémentaires.
Dans le protocole TGM 95 de la SFOP pour les TGM quelle
que soit la localisation, le traitement est stratifié en trois grou-
pes de risque selon le stade local, le taux d’AFP et la présence
de métastases :
Les tumeurs de bas risque (c’est-à-dire exérèse complète
d’une tumeur limitée à lorgane d’origine : pS1) sont surveillées
et ne reçoivent de chimiothérapie qu’en cas de non-normalisa-
tion des marqueurs ou de réévolution.
Les tumeurs de risque intermédiaire (tumeurs non pS1, non
métastatiques, avec AFP < 15 000) reçoivent de la chimiothé-
rapie de type bléomycine, velbé, cisplatine (BVP).
Les tumeurs de haut risque (AFP > 15 000 ou métastases)
reçoivent du VP16, de l’ifosfamide, du cisplatinum (VIP).
De janvier 1995 à juillet 2003, 57 cas de TGM ovariennes cré-
tantes ont été traités dans ce protocole, 11 classés à bas risque,
23 à risque intermédiaire et 23 à haut risque. Les événements
ont été une bilatéralisation et trois cès : l’un est à un acci-
dent lors de la radiochirurgie, la deuxième à une complication
d’allogreffe d’une LAM concomitante de la TGM ovarienne, le
troisième à une tumeur dite à bas risque, mais sous-stadée et
sous-traitée à la réévolution. La survie sans événement à trois
ans est de 90 %.
Vingt-trois patientes ont étraitées pour séminome et neuf
pour tératomes immatures : toutes sont vivantes, dont une
après bilatéralisation dun séminome.
QUELLES SONT LES RECOMMANDATIONS
DE PRISE EN CHARGE INITIALE ?
Les circonstances de découverte d’une tumeur ovarienne sont :
– un “tableau chirurgical” plus ou moins aigu, en rapport avec
une torsion ou une ssuration tumorale, nécessitant l’hospita-
lisation de la patiente en chirurgie ;
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– une augmentation de volume de l’abdomen ou des symptô-
mes de compression pelvienne faisant découvrir une tumeur
pelvienne ;
un tableau endocrinien, soit une puberté précoce, soit des
signes de virilisation, dont le bilan révélera une tumeur ova-
rienne.
Léchographie montrera une tumeur pelvienne, qu’il convien-
dra de rattacher à une tumeur ovarienne. Certains critères
échographiques peuvent donner des indications diagnosti-
ques. Mais, une fois le diagnostic de tumeur ovarienne évo-
qué, il convient de répondre aux questions suivantes :
– Quels sont les taux sériques d’AFP et d’hCG ?
La tumeur paraît-elle localisée ? Existe-t-il une ascite, des
ganglions envahis, des métastases pulmonaires ou hépati-
ques ?
Si les marqueurs sont positifs, il s’agit d’une TGM sécrétante.
Si la tumeur est localisée et paraît opérable d’emblée, faire une
ovariectomie ± annexectomie. Si la tumeur nest pas locali-
sée et ne pose pas de problème de complications (sub)aiguës,
commencer par la chimiothérapie et faire la chirurgie secon-
dairement après une bonne réponse biologique.
Si les marqueurs sont négatifs, il convient d’avoir un dia-
gnostic histologique.
– Si la tumeur est localisée, faire l’ovariectomie.
Si la tumeur nest pas localisée, faire le diagnostic soit sur
l’ovariectomie si celle-ci est possible sans faire de chirurgie
“mutilante”, soit sur une autre masse tumorale accessible à une
biopsie chirurgicale ou à une biopsie transpariétale à l’aiguille
fine. La suite de la prise en charge dépendra du diagnostic et
du stade de la maladie.
n
RéféRences bibliogRaphiques
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Livres
J’ai un cancer du sein. Et après. Pr Pascal Bonnier. Photographies : Florian Launette
Préfaces : Nicole Alby, Dominique Gros, Lucien Piana. Romain Pages Édition
Chaque année, en France, près de 50 000 femmes sont opées d’un cancer du sein. Pour
laffronter, accepter, puis reconstruire, se reconstruire, il faut s’y préparer, comprendre. Mais
comment comprendre une cicatrice sur le sein ? Son ablation ? Et la reconstruction ?
Comment serai-je après ? Que serai-je ? Qui serai-je ? Les photographies des seins opé-
rés permettent cela : comprendre. Mais il faut aussi, il faut surtout voir la vie qui s’éveille
et s’épanouit, après. Quarante femmes ont voulu offrir leurs témoignages : elles sont ce
livre. Un livre qui dévoile les cancers du sein. Un livre qui raconte les cancers du sein de
femmes atteintes et de femmes guéries. Et le visage de ces femmes, leur offrande, l’espoir
et la réali de la vie qui se poursuit, de la vie encore plus belle. Cest un livre pour les
femmes atteintes qui souhaitent comprendre les opérations, apprivoiser leurs craintes,
participer.
Cest aussi un témoignage pour leurs compagnons, leurs parents, leurs enfants. Et pour
toutes les femmes. Cest un livre pour les decins, pour expliquer à leurs patientes.
Cest un livre de photographies de femmes. Rien n’y est dissimulé. Rien n’y est obligé.
Ce livre est ce que les patientes ont offert aux patientes : la vie.
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