Un faux requin Vin apprivoise LIE Un opera zur Einuein

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Un faux requin
Un type qui s'appelle Raoul
Lévy, qui a découvert Bardot, qui
s'est ramassé — et relevé — un
nombre incalculable de fois, et qui
jette l'argent par les fenêtres, ça
doit être un drôle de cynique. Pas
du tout. Raoul Lévy est un faux
requin. Je lui téléphone. J'ai rendez, vous chez lui en fin de soirée. Il
me reçoit torse nu, du savon à
barbe sur le visage. Il a la quarantaine séduisante et il sent bon
(« Monsieur » de tivenchy). Je suis
venue lui parler de- son film sur
Trotsky. « L'Assassinat de Trotsky »,
précise-t-il. Ça fait vingt ans que
j'y pense. J'ai écrit le scénario
en quinze jours. Avec deux des
meilleurs scénaristes américains,
David Newman et Robert Benton;
auteurs du scénario de • Bonnie
and Clyde » (il enfile une chemise
bleue). Je demande : • Bonnie
and Clyde », qu'est-ce que c'est ?
— Quoi Vous ne connaissez pas ?
C'est le film que Godard, Truffaut
et Tony Richardson voulaient tourner à tout prix. -- Ah' bon ! De
quoi s'agit-il ? Bannie (la fille,
20 ans) et Clyde (le garçon, 21 ans)
ont tué à eux deux dix-neuf personnes au Texas pendant les
-
•
années 30. » (II noue sa cravate.)
Et Trotsky ? « Je tourne en Camargue, en mars. J'ai aussi écrit
le scénario de • la Jalousie »,
d'après le roman de Patricia Higsmith, que j'avais acheté il y a sept
ans. Jeanne Moreau en sera la vedette. Pour moi, la mise en scène,
ça consiste à voir les choses de
l'intérieur, alors qu'un producteur
les voit de l'extérieur. »
Et Trotsky ? • J'ai lu toute son
œuvre. J'ai rencontré Van Hegendorf qui fut un de ses secrétairesgardes du corps de 1932 à 1939, et
qui est, actuellement, un des plus
grands mathématiciens du monde.
J'ai même consulté les microfilms
des archives de Trotsky conservées
,
à Harvard. Le public n'y aura accès
qu'en 1980. (II met sa veste.) Dans
« Bannie and Clyde », il y a la
scène la plus érotique de l'histoire
du cinéma. Bannie et Clyde enlèvent le shériff après un hold-up, et
dans la voiture, Bannie lui fait uoe
bonne manière puis le balance par
la portière.'.
Et Trotsky ? • Je connais son
emploi du temps par coeur. Il se
levait à 7 heures, faisait sa gymnastique, plantait des cactus et travaillait jusqu'à 1 heure de l'aprèsmidi. Pour lui, le repas était une
formalité. Quand il sortait de sa
maison fortifiée, c'était en convoi
blindé. C'était un homme plein
Vin apprivoise LIE
Un opera zur Einuein
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Le film tourné par Liz Taylor et
Richard Burton « Qui a peur de
Virginia Woolf ? » sortira au début
de 1967 à Paris. Si l'on en connaît
les vedettes, on n'en connaît pratiquement pas le metteur en icène
Mike Nichols. Il va pourtant faire
parler de lui. Sa mise en scène
audacieuse, la place qu'il accorde
à l'improvisation et Éon goût du
psychodrame se manifestent, paraitil, dès les premières images du
film.
0
Le compositeur Paul Dessau, qui
fût un des proches collaborateurs
de Brecht, était ces jours-ci à Parié
où la Cinémathèque présentait
« Mère Courage et ses enfants »
de Brecht (dont il a fait la Musique),
filmé dans la mise en scène du
Berliner Ensemble. Paul Dessau a
70 ans, des gestes mesurés (il a
été chef d'orchestre), le cheveu gris
et raide ramené en frange et une
infinie gentillesse un peu tatillonne.
Originaire de Hambourg, il étudie
la musique à Berlin, puis à Cologne
auprès - d'Otto Klemperer et, de
nouveau à Berlin avec Bruno
Walter. Tour à tour chef d'orchestre et compositeur, il quitte l'Allemagne en 1933, vient à Paris où il
devient l'ami de Darius Milhaud et
part pour les Etats-Unis en 1939. Il
a connu Brecht en 1927, à BadenBaden, où il donnait « le Petit Mahagonny ». Quinze ans plus taid, à
New York, il compose pour lui la
chanson « Saint-John des abat
toirs'.. La cantatrice italienne - qui
doit l'interpréter dans un récital
tombe malade au dernier moment.
« Vous la chanterez encore mieux
qu'elle, lance Brecht à Dessau.
Allez-y. donc ! » Il s'exécute et
obtient effectivement un vif succès.
« Souvent, dit Dessau, Brecht avait
en, tête une phrase musicale et il
me demandait de la compléter.
C'est ainsi que nous avons fait
ensemble le « Deutsches Mréerere ».• Dans la maison de Brecht,
à Santa Monica, en Californie,
Dessau compose également la musique de • Mère Courage », de
« la Bonne âme de Se-Tchouan » et
de • Lucullus ». Après la. guerre, il
retourne s'installer en Allemagne.
Six mois avant sa mort -- en 1956
— Brecht lui demande de faire
de • Puntila » un opéra qui ne
Mike Nichols est né en 1931, à
Berlin, d'un père russe et médecin.
Il a huit ans lorsque toute sa
famille se rend aux Etats-Unis.
Etudes à l'université de Chicago.
Début d'acteur au Playwrights
Theater, puis dans des night-clubs
new-yorkais. 'Quelques apparitions
à la télévision avant de mettre en
scène, coup sur coup, au théâtre
» Pieds nus dans le parc », « Love »,
« Drôle de couple » et • le Knack ».
Ses succès à Broadway le mènent
à Hollywood où il a la lourde ci
charge, pour son premier film, de
porter à l'écran la pièce d'Albee
« Qui a peur de Virginia Woolf ? ».
il ne reste rien qui ne soit truqué,
Il a sans doute eu raison de ne pas
trafiqué, corrompu.
avoir peur de ses redoutables interEt puis la représentation commenprètes que nous verrons d'ailleurs,
ce. Des filles apparaissent, belles
bientôt, se réempoigner dans un
comme on peut l'être là-bas. Elles
autre film (de Zeffirelli, celui-là)
dansent, elles chantent, avec des
« la Mégère apprivoisée ».
voix moqueuses, des déhanchements drôles ou grivois. Elles raIaora I eut'
content l'amour, la guerre et les
mille plaisanteries qui font le
charme des journées dans l'île. Du
G
vrai folklore, du faux folklore, on
Voilà le genre de spectacle qui
ne sait, en fait, on s'en moque.
fait toujours un peu peur. On se
Il y a dans la manière dont les
dit : Tahiti, c'était beau autrefois,
hommes et les femmes vivent sur
du temps de Gauguin: Maintenant,
scène -une joie réelle, un véritable
avec la civilisation, la bombe H,
abandon. Plutôt qu'une suite de
les jets et la Légion étrangère,
ballets savamment agencés, c'est
tout est fichu. Du folklore tahitien,
Page 30 28 décembre 1966
LIZ TAYLOR
DANS « QUI
A PEUR
DE VIRGINIA
WOOLF ? »
Redoutable
un jeu animé, bruyant, presque délirant, auquel on invite le spectateur.
Il s'y laisse prendre d'ailleurs, montant quand on le lui demande sur
la scène pour participer à la fête.
Bien sûr, les couleurs vives, le
ciel bleu qu'on imagine, tout cela
fait que • laora Tahiti » s'apparente
plus. à une .imagerie touristique qu'à
un document ethnographique. Robert- Manuel, qui a fait venir la
troupe à Paris, cherchait-il autre
chose ? Les belles cartes postales
ont du charme, lés illustrations pour
romans d'aventures encore plus, et
le spectacle tahitien du théâtre des
Champs-Elysées tient un peu des
deux.
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