24 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire n° 438 - octobre 2010
DOSSIER THÉMATIQUE
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
Prise en charge de lhyperglycémie
lors d’un syndrome coronarien aigu
Managing hyperglycemia in acute coronary syndromes
P. Darmon*
* Service de nutrition, maladies méta-
boliques et endocrinologie, hôpital
Sainte-Marguerite, Marseille.
L
hyperglycémie observée à la phase aiguë
d’un infarctus du myocarde (IDM) résulte de
la réaction de stress – généralement propor-
tionnelle à la sévérité de l’agression – responsable
d’une résistance à l’insuline liée à la libération des
hormones de contre-régulation et des cytokines
pro- inflammatoires. Mais elle est également très
souvent un marqueur d’anomalies préexistantes
du métabolisme glucidique : plus de 30 % des IDM
surviennent chez des diabétiques connus (1) et jusqu’à
40 % chez des patients intolérants au glucose (2).
Ainsi, la prévalence de l’hyperglycémie lors d’un
syndrome coronarien aigu (SCA), quoique pouvant
varier selon le seuil utilisé, serait supérieure à 50 %
(3, 4). La question de la prise en charge de l’hyper-
glycémie se pose donc tous les jours en unité de
soins intensifs cardiologiques (USIC), et fait l’objet
de recommandations spécifiques de la part des
différentes sociétés de cardiologie (3). Ces recom-
mandations sont pour une grande partie fondée sur
des consensus d’experts, car si la valeur pronostique
défavorable de l’hyperglycémie à la phase aiguë d’un
IDM ne fait guère de doute, plusieurs interrogations
subsistent, parmi lesquelles : l’hyperglycémie est-elle
directement impliquée dans la genèse des compli-
cations survenant après un IDM ? doit-on la traiter
et selon quelles modalités ? l’insuline apporte-t-
elle un bénéfice spécifique ? faut-il craindre les
hypoglycémies ?
Valeur pronostique
de l’hyperglycémie
à la phase aiguë d’un IDM
L’hyperglycémie à la phase aiguë d’un IDM
est fortement associée au risque de morbidité
(majoration de la taille de la nécrose, récidive, insuffi-
sance cardiaque, choc cardiogénique) et de mortalité
à court et à plus long terme, indépendamment des
principales comorbidités, chez les diabétiques comme
chez les non-diabétiques (4-9). La méta-analyse
de S.E. Capes et al. (4) montre, par exemple, que
chez les diabétiques, une glycémie à l’admission
supérieure ou égale à 180-200 mg/dl augmente le
risque de décès intra-hospitalier de 70 %, alors que
chez les patients non connus comme diabétiques,
une glycémie à l’admission supérieure ou égale à
110-144 mg/dl s’accompagne d’un risque 4 fois
plus élevé. Dans une étude rétrospective portant
sur près de 150 000 patients (5), on retrouve ce
lien entre hyperglycémie à l’admission et mortalité
à 30 jours et à 1 an persistant après ajustement
pour les principales comorbidités (antécédent
d’IDM, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale,
etc.) : le risque de mortalité à 30 jours augmente
en fonction de la glycémie tece à l’admission
en USIC chez les non-diabétiques (de + 17 % pour
une glycémie de 110-140 mg/dl à + 87 % pour une
glycémie ≥ 240 mg/ dl versus glycémie < 110 mg/ dl),
mais n’augmente qu’à partir de 240 mg/ dl chez les
diabétiques (+ 32 %). D’autres études confirment
que l’hyperglycémie initiale constitue un marqueur
de risque relatif de mortalité beaucoup plus fort
chez les non-diabétiques que chez les diabétiques
(6, 7), peut-être parce qu’un niveau d’hypergly-
cémie comparable ne sera atteint chez ces patients
qu’en réaction à un stress intense lié à une atteinte
cardiaque plus sévère. Comme la glycémie à l’entrée,
les glycémies dans les heures ou les jours qui suivent
l’IDM ont aussi une valeur pronostique avérée. La
glycémie à jeun serait même plus fortement liée,
chez les diabétiques comme chez les non-diabétiques,
au risque de mortalité intra-hospitalière et à 6 mois
que la glycémie à l’admission, ce qui laisse à penser
qu’au-delà de l’hyperglycémie de stress, les troubles
préexistants de la glycorégulation sont détermi-
La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire n° 438 - octobre 2010 | 25
Points forts
»La prévalence de l’hyperglycémie lors d’un syndrome coronarien aigu (SCA) serait supérieure à 50 %.
»
L’hyperglycémie lors d’un SCA est un marqueur de risque indépendant de mortalité, chez les diabétiques
comme chez les non-diabétiques.
»Les bénéfices d’une intervention visant à normaliser la glycémie lors d’un SCA ne sont pas clairement
démontrés, mais des données cliniques convergentes plaident en faveur d’un recours à l’insulinothérapie
à partir d’une glycémie à 180 mg/dl, avec des objectifs entre 90 et 140 mg/dl, en évitant d’induire des
hypoglycémies sévères.
»
La survenue d’hypoglycémies en unité de soins intensifs cardiologiques est associée à un pronostic
défavorable, mais elle doit probablement être davantage considérée comme le marqueur d’un état critique
grave que comme le facteur causal de l’aggravation du pronostic.
Mots-clés
Syndrome coronarien
aigu
Hyperglycémie
Insulinothérapie
Highlights
»
Prevalence of hyperglycemia
on admission in patients with
acute coronary syndromes
(ACS) may exceed 50 %.
»
Hyperglycemia on admis-
sion is associated with mark-
edly increased mortality rates
in diabetic and non diabetic
patients hospitalized with ACS.
»
The benefits of treating
hyperglycemia during ACS
have not been established
definitively, but there are suffi-
cient data to consider intensive
intravenous insulin therapy
in patients with significant
hyperglycemia (> 180 mg/ dl)
in aim to improve glucose
control (suggested target:
90-140 mg/ dl), while avoiding
to induce severe hypoglycemia.
»
Hypoglycemia in ICU is
associated with poor prog-
nosis later, but may identify
patients at high risk of dying
rather than representing a risk
factor of death.
Keywords
Acute coronary syndrome
Hyperglycaemia
Insulin therapy
nants pour expliquer le pronostic péjoratif après un
IDM (10). Par ailleurs, une vaste étude rétrospective
portant sur près de 17 000 patients diabétiques et
non diabétiques a montré que la glycémie moyenne
pendant l’hospitalisation était un meilleur marqueur
prédictif de la mortalité intra-hospitalière que la
glycémie à l’admission (7).
Hyperglycémie
et complications après un IDM :
une relation de causalité ?
Longtemps considérée comme simple marqueur d’un
stress aigu majeur, l’hyperglycémie à la phase aiguë
est aujourd’hui envisagée comme l’un des acteurs
potentiels majeurs dans la genèse des complications
post-IDM. De nombreux mécanismes physiopa-
thologiques sont évoqués : dysfonction endothé-
liale, stress oxydatif, augmentation de la taille
de la nécrose par altération des phénomènes de
préconditionnement, défauts de reperfusion myocar-
dique par atteinte des microvaisseaux, perturba-
tions du remodelage ventriculaire, augmentation
des résistances vasculaires périphériques, activation
de facteurs prothrombotiques, augmentation de
l’agrégabilité plaquettaire, hypofibrinolyse, élévation
de la CRP, etc. (3). Certaines données épidémio-
logiques suggèrent que la baisse de la glycémie
dans le post-IDM est associée à une amélio-
ration du pronostic. L’analyse post hoc de l’étude
CARDINAL (6) montre ainsi, dans une cohorte de
près de 1 500 patients présentant une hyperglycémie
à la phase aiguë d’un IDM, qu’une diminution de la
glycémie dans les premières 24 heures s’accompagne
d’une baisse significative de la mortalité à 30 et
180 jours, mais uniquement chez les non-diabé-
tiques (diminution du risque de 9 % de la mortalité
à 30 jours pour chaque baisse de 11 mg/dl). Pour
autant, il n’existe pas pour l’heure de preuve
formelle de causalité entre hyperglycémie à la phase
aiguë d’un IDM et morbi-mortalité ultérieure. La
démonstration du lien de causalité doit reposer sur
des études d’intervention indiscutables sur le plan
méthodologique et démontrant le bénéfice d’une
prise en charge intensive et précoce de l’hypergly-
cémie à la phase aiguë, chez les patients diabétiques
et non diabétiques.
Tous les grands essais cliniques ont jusque-là utilisé
l’insuline comme moyen de normalisation glycé-
mique. L’insuline est beaucoup plus “maniable”
chez les patients de soins intensifs et permet de
s’affranchir des risques et des contre-indications
potentiels des autres antidiabétiques chez des sujets
pouvant éventuellement présenter à ce stade des
degrés divers d’insuffisance rénale ou cardiaque.
L’insuline est d’autant plus “incontournable” qu’elle
pourrait avoir des effets favorables spécifiques en
raison de ses propriétés antilipolytiques, vasodila-
tatrices, anti-inflammatoires, anti-oxydantes, profi-
brinolytiques ou antiapoptotiques. Ces dernières
années, 2 stratégies distinctes fondées sur l’admi-
nistration d’insuline ont été évaluées dans les études
d’intervention à la phase aiguë d’un IDM. La plus
ancienne repose sur l’apport simultané par voie intra-
veineuse (i.v.) de glucose, insuline et potassium (GIK)
pendant 24 heures, chez tous les patients, quelle que
soit la glycémie initiale, et sans viser un contrôle
glycémique strict. La seconde est de proposer une
insulinothérapie i.v. (parfois suivie d’une insulinothé-
rapie sous-cutanée [s.c.] au long cours) uniquement
chez les patients présentant une hyperglycémie à
l’admission et en cherchant à optimiser le contrôle
glycémique.
Glucose-insuline-potassium
À la phase aiguë de l’IDM, la libération des hormones
de stress et l’activation sympathique augmentent
la lipolyse et la libération d’acides gras libres (AGL).
En situation de résistance à l’insuline, le myocarde
ischémique est contraint d’utiliser préférentiellement
ces AGL comme substrats énergétiques parce que la
captation du glucose est altérée malgré l’hypergly-
cémie ambiante. Or, les AGL sont moins favorables
que le glucose pour le métabolisme énergétique
des cellules ischémiques – l’oxydation du glucose
requiert moins d’oxygène que celle des AGL pour
maintenir le niveau de production d’ATP – et sont
par ailleurs accusés de favoriser les arythmies. Le
rationnel de l’apport de GIK est donc de “détourner”
les AGL peut-être délétères au profit d’un substrat
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Prise en charge de l’hyperglycémie lors d’un syndrome coronarien aigu
DOSSIER THÉMATIQUE
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
énergétique plus favorable pour le myocarde isché-
mique. L’insuline favorise l’oxydation du glucose au
détriment de l’oxydation des AGL, d’une part grâce
à son action antilipolytique, d’autre part grâce à une
inhibition indirecte du transport intramitochondrial
des AGL à longues chaînes. L’apport de K+ a pour
objectif de maintenir la kalicytie dans les cardio-
myocytes et de prévenir les arythmies ventriculaires.
Les premiers protocoles utilisant le GIK dans
le post-IDM remontent aux années 1960, mais
leurs résultats contradictoires n’ont pas permis
de conclure sur l’intérêt d’une telle stratégie. Ces
dernières années, plusieurs grandes études ont
apporté un éclairage sans doute définitif sur le GIK.
La plus importante est l’étude CREATE-ECLA (11), qui
a inclus plus de 20 000 patients diabétiques et non
diabétiques à la phase aiguë d’un IDM. Ces patients
ont été randomisés entre GIK pendant 24 heures
(sans objectif glycémique précis) et prise en charge
traditionnelle. Aucune différence en termes de
morbidité (arrêt cardiaque, choc cardiogénique,
récidive d’IDM) et de mortalité à 30 jours n’a été
retrouvée entre les 2 groupes, en sachant que la
glycémie moyenne à 24 heures était plus élevée
dans le groupe GIK que dans le groupe témoin
(155 mg/dl versus 135 mg/ dl à 24 heures). Lessai
OASIS-6 mené chez 2 748 patients diabétiques et
non diabétiques a retrouvé des résultats compa-
rables (12). En combinant les 2 études, on retrouve
une morbi-mortalité similaire à 30 jours avec les
2 stratégies thérapeutiques mais avec, dans les
groupes GIK, une augmentation de la mortalité et
des cas d’insuffisance cardiaque congestive dans les
3 premiers jours (peut-être du fait de l’hypervolémie,
de l’hyperkaliémie ou de l’hyperglycémie ?) et une
réduction du risque combi de décès et d’insuf-
fisance cardiaque congestive entre J3 et J30 (12).
Dans ces études, le rôle délétère de l’hyperglycémie
induite a pu effacer un bénéfice spécifique éventuel
de l’insuline. Sur la base des résultats négatifs de
CREATE-ECLA et d’OASIS-6, les recommandations
actuelles précisent qu’il n’y a pas d’indication du
GIK dans le post-IDM (3).
Insuline-glucose avec normalisation
glycémique
Publiée en 1997, la célèbre étude DIGAMI incluant
620 diabétiques présentant une glycémie supérieure
ou égale à 200 mg/dl à la phase aiguë d’un IDM
montrait que, par rapport à une prise en charge
usuelle, la prescription d’une insulinothérapie i.v.
pendant 24 heures (après arrêt des antidiabétiques
oraux, et sans ajout de potassium systématique),
suivie d’une insulinothérapie intensive par voie s.c.
pendant au moins 3 mois permettait de réduire
la mortalité de 29 % à 1 an et de 28 % à 3,4 ans.
Quelques années plus tard, DIGAMI 2 devait
permettre de déterminer la part relative de l’insu-
linothérapie transitoire à la phase aiguë et celle de
l’insulinothérapie au long cours dans les bénéfices
observés, et a randomisé pour cela 1 253 diabétiques
dans le post-IDM immédiat afin de tester 3 stratégies :
une prise en charge usuelle, une insulinothérapie i.v.
pendant 24 heures puis une prise en charge usuelle et
une insulinothérapie i.v. pendant 24 heures puis s.c.
au long cours. Aucune de ces stratégies n’a montré
de supériorité en termes de risque de mortalité,
mais la glycémie obtenue dans les 3 groupes était
très proche – quoique statiquement différente – à
24 heures (groupes insuline i.v. 164 mg/dl versus
groupe contrôle 180 mg/dl), et identique au long
cours (13). Publiée en 2006, l’étude HI-5 (Hypergly-
cemia Intensive Insulin Infusion In Infarction study) est
à ce jour la seule étude à avoir inclus des patients
diabétiques et non diabétiques : comparant, chez
244 sujets en post-IDM, une stratégie de norma-
lisation de la glycémie avec insuline i.v. pendant
24 heures et une prise en charge traditionnelle,
elle n’a pas montré de différence sur la mortalité
intra-hospitalière, à 3 et 6 mois, mais là encore la
glycémie moyenne pendant les premières 24 heures
était identique dans les 2 groupes (150 mg/dl versus
162 mg/ dl ; ns) ; l’insulinothérapie initiale a malgré
tout permis de diminuer de façon significative le
risque d’insuffisance cardiaque précoce (12,7 % versus
22,8 %) et celui de récidive d’IDM à 3 mois (2,4 %
versus 6,1 %) [14]. Près de 15 ans après sa publication,
DIGAMI reste donc aujourd’hui encore la seule étude
randomisée contrôlée à avoir démontré les effets
bénéfiques sur la mortalité d’une intervention visant
à normaliser la glycémie à court et à moyen terme
dans le post-IDM. Il faut souligner que, même si les
objectifs glycémiques fixés au départ n’ont pas été
atteints, c’est aussi la seule étude d’intervention à
avoir réussi à obtenir des moyennes glycémiques
significativement différentes dans le groupe inter-
vention et le groupe contrôle pendant les premières
24 heures (173 mg/dl versus 210 mg/ dl).
C’est donc bien plus l’optimisation du contrôle
glycémique dans le post-IDM que la prescription
d’insuline per se qui semble déterminante pour
améliorer le pronostic de ces patients. Ces conclu-
sions sont renforcées par les résultats d’une analyse
rétrospective publiée en 2009 suggérant qu’une
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DOSSIER THÉMATIQUE
normalisation de la glycémie au cours du séjour en
USIC après IDM, qu’elle soit spontanée ou induite
par l’administration d’insuline, est associée de façon
indépendante à une réduction de la mortalité intra-
hospitalière, chez les diabétiques comme chez les
non-diabétiques (15).
Faut-il avoir peur
des hypoglycémies ?
L’incidence des hypoglycémies sous insulinothérapie
i.v. en soins intensifs est très élevée (par exemple
15 % dans les premières 24 heures dans DIGAMI,
12 % dans DIGAMI 2 ou 10 % dans HI-5). Leurs
conséquences cliniques et pronostiques restent
débattues. De façon générale, il existe un lien statis-
tique entre hypoglycémies aux soins intensifs et
risque de décès ultérieur, sans qu’il soit toutefois
possible d’affirmer une relation de causalité (16).
La dangerosité, sur un myocarde vulnérable, de
la réponse adrénergique à l’hypoglycémie et des
modifications rythmiques et hémodynamiques
qu’elle entraîne relève plus de l’hypothèse mécanis-
tique que de la preuve scientifique. La nocivité
présumée des hypoglycémies au cours d’un SCA
est surtout étayée par des données observation-
nelles et rétrospectives (7-9). Dans l’étude de D.S.
Pinto et al. (8), menée chez 4 224 patients diabé-
tiques et non diabétiques, il existe une courbe en U
entre glycémie à l’admission en USIC pour IDM et
mortalité à 30 jours, le risque maximal se situant
pour une glycémie inférieure ou égale à 80 mg/dl.
Une étude rétrospective ayant inclus 713 diabé-
tiques hospitalisés pour angor instable ou IDM sans
onde Q a obtenu des résultats comparables avec
une mortalité à 2 ans plus élevée chez les patients
ayant présenté des hypoglycémies (≤ 55 mg/dl) au
cours de l’hospitalisation (HR = 1,93 ; IC
95
: 1,18-3,17) :
cet excès de risque paraît indépendant des autres
comorbidités, bien qu’il soit difficile d’ajuster pour
tous les facteurs confondants potentiels (9). A
contrario, l’analyse post hoc des essais CREATE-
ECLA et OASIS-6 est plutôt rassurante. Elle met
également en évidence une courbe en U entre
glycémie à l’admission et mortalité à 30 jours, avec
une augmentation du risque à partir de 140 mg/dl et
une tendance pour une glycémie inférieure ou égale
à 60 mg/ dl (HR = 1,16 ; IC95 : 0,84-1,62), mais elle
montre surtout l’association entre hypoglycémie
survenant entre 6 et 24 heures après l’admission et
mortalité à 30 jours (HR = 0,96 ; IC
95
: 0,72-1,26) ;
dans ces 2 études, les hypoglycémies pendant
l’hospitalisation étaient plus fréquentes dans les
groupes GIK que dans les groupes témoins (6,9 %
versus 3,4 %) mais elles n’étaient prédictives de la
mortalité dans aucun des groupes (17). Lanalyse
post hoc de DIGAMI 2 montre, pour sa part, que le
lien entre hypoglycémies (≤ 55 mg/dl) et risque de
décès ou d’événements cardiovasculaires majeurs à
2 ans disparaît après ajustement pour la durée du
diabète et les différentes comorbidités. Des résultats
comparables sont retrouvés chez les patients issus
des groupes insulinothérapie i.v. pris isolément (18).
Il est intéressant de noter qu’aucune de ces études
n’avait jusque-là distingué hypoglycémies iatro-
gènes et hypoglycémies spontanées. Le travail publ
en 2009 par M. Kosiborod et al. (19) est le premier à
le faire à partir d’une analyse rétrospective portant
sur 7 820 sujets hospitalisés pour IDM présentant une
hyperglycémie à l’admission (≥ 140 mg/ dl) et traitée
dans 39 % des cas par insuline (voie s.c. : 83 % des cas,
voie i.v. : 17 % des cas) ; des hypoglycémies (≤ 60 mg/ dl)
sont survenues chez 6 % des patients : il s’agit de
patients un peu plus âgés, plus fréquemment traités
par insuline lors du séjour en USIC, et plus souvent
porteurs de diverses comorbidités (diabète, insuf-
fisance cardiaque, insuffisance respiratoire, insuffi-
sance rénale aiguë, choc septique, etc.). La survenue
d’une hypoglycémie est associée à un risque accru de
mortaliintra-hospitalière dans la population globale
(12,7 % versus 9,6 % ; p = 0,03), chez les patients
n’ayant pas reçu d’insuline (18,4 % versus 9,2 % ;
p < 0,001), mais pas chez ceux ayant reçu de l’insuline
(10,4 % versus 10,2 % ; ns), alors qu’il n’y a pas de diffé-
rence entre sévérité des hypoglycémies iatrogènes et
spontanées (46,6 versus 45,0 mg/dl ; ns). Des résultats
comparables sont observés chez les diabétiques et
les non-diabétiques, mais également lorsque l’on
exclut de l’analyse les patients sous antidiabétiques
oraux ou ceux qui sont décédés pendant les premières
24 heures, ou encore en fixant un seuil d’hypoglycémie
à 70 mg/dl. Ainsi, dans ce travail, certes rétrospectif
et ne portant que sur le devenir intra-hospitalier des
patients, le risque fatal lié à l’hypoglycémie semble
plus être lié à un état clinique sous-jacent altéré qu’à
un effet direct. Ses conclusions sont en accord avec
celles retrouvées dans le cadre plus général de la
réanimation, où la survenue d’hypoglycémies n’est
vraisemblablement qu’un marqueur de risque de
mauvais pronostic, et traduit le plus souvent un état
critique plus grave avec défaillance multiviscérale et
altération de la contre-régulation hormonale (16).
Sans négliger l’impact potentiel des hypoglycémies
sévères, elles ne doivent sans doute pas être un frein à
la recherche d’un équilibre glycémique satisfaisant en
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Prise en charge de l’hyperglycémie lors d’un syndrome coronarien aigu
DOSSIER THÉMATIQUE
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
USIC, en utilisant des protocoles d’insulinothérapie
si possible individualisés, couplés à une surveillance
rapprochée par un personnel infirmier sensibilisé.
Que disent
les recommandations ?
La société européenne de cardiologie préconise,
dans ses recommandations datant de 2008, de
maintenir la glycémie des diabétiques dans des
valeurs “normales“ et d’éviter des valeurs glycé-
miques inférieures à 80-90 mg/dl. Les recommanda-
tions émises par l’American Heart Association (AHA)
en 2008 sont beaucoup plus précises et fixent un
seuil d’intervention à 180 mg/dl pour les diabétiques
comme pour les non-diabétiques, avec l’objectif de
maintenir la glycémie entre 90 et 140 mg/dl à l’aide
d’une insulinothérapie i.v. mise en place le plus préco-
cement possible, tout en évitant les hypoglycémies
dont l’impact pronostique reste débattu (3). Elles
mettent aussi l’accent sur la nécessité de réévaluer
la tolérance glucidique chez les patients non connus
comme diabétiques, idéalement avant la sortie ou
plus à distance (glycémie à jeun, HbA1c, HGPO). Les
experts de l’AHA préconisent également de s’assurer
de la qualité de la prise en charge thérapeutique
des diabétiques à la sortie d’USIC. À ce sujet, une
analyse rétrospective publiée en 2010 portant sur
plus de 8 500 diabétiques âgés ayant présenté un IDM
montre que les sujets dont on a arrêté les traitements
antidiabétiques à la sortie d’USIC (13,4 % des cas)
ont, à un an, 30 % de risque de plus de mourir que
ceux qui ont conservé un traitement antidiabétique,
cet excès de risque persistant après ajustement (20).
Par ailleurs, un certain nombre d’arguments suggèrent
que les patients sortant d’USIC auraient un bénéfice
tout particulier à être traités par metformine (21).
Conclusion
L’hyperglycémie à la phase aiguë d’un IDM est
un marqueur pronostique défavorable avéré,
indépendant des principales comorbidités, mais les
bénéfices d’une intervention visant à normaliser
la glycémie lors d’un SCA ne sont pas clairement
démontrés. Pour autant, des données cliniques
convergentes plaident en faveur d’un recours à l’insu-
linothérapie à partir d’une glycémie à 180 mg/dl,
avec des objectifs entre 90 et 140 mg/dl, en évitant
d’induire des hypoglycémies sévères – même si leur
nocivité présumée sur le plan cardiovasculaire reste
très largement discutée. L’insuline reste aujourd’hui
le traitement de choix en USIC chez les patients
présentant une hyperglycémie à la phase aiguë d’un
IDM, mais elle sera peut-être supplantée demain par
les analogues du GLP-1 et leurs effets “pléiotropes”
avérés ou supposés (baisse de la pression artérielle,
amélioration de la fonction endothéliale et de la
fonction ventriculaire gauche) : des études cliniques
sont d’ores et déjà en cours (22).
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Références bibliographiques
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