La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
19
INFORMATIONS
aérosols, large surface d’absorption (≈100 m
2
) et perméabilité
élevée permettant une absorption rapide à travers les membranes
alvéolaires, peu de protéases susceptibles de dégrader l’insuline,
absence de passage hépatique, le tout contribuant à une bonne
biodisponibilité. Il a présenté les concepts de base nécessaires au
développement d’une insuline inhalée par voie pulmonaire :
caractéristiques des particules pour une administration en aéro-
sol (taille, forme, densité, hygroscopie, stabilité, etc.), conditions
liées aux patients et déterminant la vitesse et le débit d’inhala-
tion (débit inspiratoire, durée de l’inspiration, volume pulmo-
naire résiduel). En pratique, tous ces facteurs nécessitent la déli-
vrance de particules de très petite taille (1 à 3 mm), de préférence
sous forme de poudre sèche, plutôt que sous forme liquide, ce
qui permet une plus grande masse par dose et une bonne stabi-
lité, minimise le risque de prolifération bactérienne et évite la
réfrigération nécessaire avec une forme liquide d’insuline. L’uti-
lisation d’un inhalateur fonctionnant indépendamment des varia-
tions du débit inspiratoire des patients, permettant de délivrer au
long terme les doses exactes (et reproductibles) nécessaires, est
également une contrainte technique. Le système développé par
Nektar Therapeutics en collaboration avec Pfizer et Aventis est
donc composé d’une insuline sous forme de poudre sèche, pré-
sentée en blister s’insérant dans un inhalateur buccal. L’inhala-
teur comporte une chambre transparente permettant au patient de
visualiser l’aérosol d’insuline formé lors de la compression du
système et chassé dans les poumons. Chaque blister de 1 mg ou
3 mg correspond respectivement à environ 3 UI et 9 UI d’insu-
line par voie sous-cutanée (s.c.). Un à deux blisters sont généra-
lement suffisants pour chaque administration. Un tel système,
bien toléré et d’une efficacité comparable à celle des injections
s.c. (10, 11),pourrait donc permettre une meilleure acceptabilité
et une meilleure adhésion à l’insulinothérapie, favorisant ainsi
son instauration plus précoce et un meilleur contrôle glycémique.
L’INSULINE INHALÉE :
QUELLE EFFICACITÉ CLINIQUE ?
W. Scherbaum (Düsseldorf, Allemagne) a rappelé que les études
pharmacocinétiques préliminaires avaient confirmé l’absorption
rapide de l’insuline inhalée par voie pulmonaire, qui lui confère
un profil d’action comparable à celui d’une insuline d’action
rapide par voie s.c. (12, 13),permettant donc d’envisager son uti-
lisation tant en préprandial que pour contrôler les hyperglycé-
mies postprandiales. Il a présenté et discuté les résultats des études
cliniques conduites à ce jour chez plus de 3 000 patients DT1 ou
DT2, plus particulièrement les études comparatives d’une durée
de 6 mois, versus insuline s.c. Chez les patients DT1, l’effet
observé sur le taux d’HbA1c est comparable pour ces deux trai-
tements (14, 15) ; il en est de même chez les patients DT2, avec
une diminution du taux moyen d’HbA1c de 0,7 % pour l’insu-
line inhalée et de 0,6 % et pour l’insuline s.c. (16). Des études
ont également été conduites chez des patients DT2 insuffisam-
ment contrôlés par les ADO : chez les patients traités par insu-
line inhalée seule ou associée aux ADO antérieurs, l’améliora-
tion de l’HbA1c était supérieure à celle obtenue avec les seuls
ADO (17-19). Enfin, les extensions (jusqu’à 4 ans) de ces études
ont montré que l’insuline inhalée permettait de maintenir le
contrôle glycémique à long terme, tant chez les patients DT1 que
chez les patients DT2 (20).
L’INSULINE INHALÉE :
QUELLE SÉCURITÉ D’EMPLOI ?
La principale question que l’on peut se poser concerne bien
entendu les effets de l’insuline inhalée au niveau des poumons
et les effets potentiels de son administration chronique sur les tis-
sus pulmonaires. Ainsi que l’a expliqué J. Brain (Boston, États-
Unis), l’insuline est une hormone endogène distribuée sur une
vaste surface épithéliale (> 100 m
2
) et rapidement absorbée,
même si les concentrations inhalées sont légèrement supérieures
à celles d’une administration s.c. (21). La quantité d’insuline non
absorbée, estimée à 10 mg/j en moyenne (de 1 à 20 mg/j selon
les sujets), est vraisemblablement métabolisée et éliminée par les
mécanismes de défense pulmonaires, dont l’efficacité est bien
établie dans les conditions de la vie courante (telle l’élimination
des poussières) (22). Il n’y a d’ailleurs aucune évidence d’une
accumulation de l’insuline au niveau pulmonaire.
Les essais cliniques ont comporté de nombreuses évaluations des-
tinées à étudier la sécurité d’emploi de l’insuline par voie pul-
monaire. En particulier, le volume expiratoire maximal en une
seconde (VEMS) et la capacité de diffusion pour le monoxyde
de carbone (DLCO) ont toujours été des critères principaux pour
les évaluations des éventuelles modifications de la fonction pul-
monaire. De même, il n’existe aucune donnée qui pourrait indi-
quer une facilitation de la progression de cancer ou de fibrose
pulmonaire non diagnostiqués. Les études cliniques de longue
durée (jusqu’à 4 ans) (15, 18, 23-26) indiquent que les quelques
modifications des fonctions pulmonaires observées lors des
études contrôlées sont peu importantes, non progressives, et
qu’elles disparaissent à l’arrêt du traitement. Lors de l’analyse
des données à 24 mois pour le VEMS et la DLCO, les modifica-
tions observées pour le VEMS par rapport à la valeur d’inclusion
étaient légèrement plus importantes à la 24
e
semaine dans le
groupe insuline inhalée que dans le groupe du comparateur. Cette
différence n’augmentait pas lors des contrôles aux semaines 36,
52 et 104 (18, 26). Pour la DLCO, les variations observées étaient
faibles, compte tenu de la grande variabilité de ce test (18, 26).
Après arrêt des traitements à 2 ans, les tests d’exploration fonc-
tionnelle respiratoire réalisés 12 semaines après l’arrêt ne mon-
traient pas de différence entre le groupe insuline inhalée et le
groupe comparateur (26). Enfin, un certain nombre de patients
DT1 ou DT2, insuffisamment contrôlés par ADO (n = 204), ont
été traités en ouvert par insuline inhalée après étude en double
aveugle à court terme (20). Quatre-vingt-neuf d’entre eux ont
ainsi été traités pendant au moins 4 ans, et comparés à 23 diabé-
tiques sous ADO ou sous insuline s.c. suivis pendant 2 ans. Chez
les patients traités pendant au moins 4 ans par insuline inhalée,
la baisse mesurée du VEMS a été de 0,057 ± 0,004 l par an et
celle de la DLCO de 0,376 ± 0,067 ml/mn/mmHg par an par com-
paraison, les baisses observées à 2 ans chez les patients sous ADO
ou insuline s.c. étaient respectivement de 0,071 ± 0,023 l par an
et de 0,673 ± 0,423 ml/mn/mmHg par an. Ces données, bien que