La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - n° 3 - juillet-août-septembre 2007
Pharmacologie
Pharmacologie
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Interactions entre IP
et autres molécules antirétrovirales
Dans l’attente de nouveaux médicaments, il a parfois été proposé
d’associer deux IP boostés par le ritonavir. Ce schéma théra-
peutique est aujourd’hui contesté car il n’a jamais fait la preuve
de son effi cacité dans des essais contrôlés. Sur un strict plan
pharmacocinétique, certains IP n’interfèrent pas entre eux. C’est
le cas du lopinavir et du saquinavir (9). À l’inverse, le tipranavir,
par son eff et inducteur enzymatique, diminue fortement les
concentrations du saquinavir, du lopinavir et de l’amprénavir.
En conséquence, l’association du tipranavir avec d’autres IP
n’est pas recommandée.
Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse
(efavirenz et névirapine) sont des inducteurs enzymatiques. Ils
peuvent donc diminuer les concentrations des IP en cas d’asso-
ciation. L’intensité de cette interaction varie selon l’IP considéré
et d’un patient à l’autre. Néanmoins, elle est systématiquement
à prendre en compte. Dans certains cas, l’association n’est pas
recommandée (lopinavir/r comprimé/efavirenz par exemple),
sauf si on augmente la posologie.
Les IP interagissent peu avec les inhibiteurs nucléosidiques et
nucléotidiques de la transcriptase inverse. Cependant, deux
exceptions sont à signaler. L’association ténofovir-atazanavir
se traduit par une diminution des concentrations d’atazanavir.
Cependant, lorsque l’atazanavir est boosté par le ritonavir, ce qui
est en général le cas, cette diminution reste modérée. Le lopinavir
et le tipranavir diminuent les concentrations plasmatiques de
zidovudine et d’abacavir. Dans le cas du lopinavir, cet eff et est
lié à une induction de la glucuronoconjugaison.
Interactions entre IP et médicaments n’appartenant
pas aux antirétroviraux
Sans être exhaustif, d’autres interactions sont à considérer. La
plupart concernent l’ensemble de la classe, d’autres peuvent être
spécifi ques d’une molécule. Le kétoconazole, inhibiteur puissant
du CYP3A4, augmente les concentrations des IP. Les IP boostés
par le ritonavir augmentent les concentrations plasmatiques
de la clarithromycine. Les concentrations d’éthinylestradiol
sont diminuées par les IP boostés, ce qui conduit à envisager
des méthodes alternatives fi ables de contraception. L’ataza-
navir présente deux particularités. Du fait de la sensibilité de sa
résorption au pH gastrique, il n’est pas recommandé de l’associer
avec les inhibiteurs de la pompe à protons. Les antiacides et les
anti-H2 (notamment la famotidine) peuvent quant à eux être
utilisés, mais à distance de la prise d’atazanavir. Par ailleurs, la
toxicité de l’irinotécan peut être augmentée par l’atazanavir en
raison d’une inhibition de la glucuronoconjugaison.
Certaines interactions n’ont pas été étudiées, mais sont pro bables.
C’est le cas des anticancéreux métabolisés par le CYP3A4 (vinca-
alcaloïdes, paclitaxel, erlotinib…), pour lesquels des surdosages
sont théoriquement possibles.
CONCLUSION
De nombreuses interactions médicamenteuses impliquant les IP
sont décrites. L’enzyme CYP3A4 est le pivot de la plupart d’entre
elles. Sur le plan méthodologique, des diffi cultés persistent.
En eff et, la réalisation d’études chez les patients étant diffi cile
(crossover et placebo souvent impossibles), le recours aux études
menées chez les volontaires sains est fréquent. Il est souvent
diffi cile de transposer le résultat des études eff ectuées chez des
volontaires sains à des patients lourdement prétraités et recevant
de nombreux médicaments.
Les interactions décrites sont pharmacocinétiques, mais leurs
conséquences cliniques ne sont pas toujours évaluées.
Au cours du développement des nouvelles molécules (tipranavir,
darunavir) un programme très complet d’étude des interactions
s’est imposé, ce qui n’a pas été le cas pour les molécules plus
anciennes. Cela pourrait laisser croire que les nouvelles molé-
cules sont plus diffi ciles à utiliser alors qu’en fait, à quelques
exceptions près, le profi l des interactions médicamenteuses est
très similaire entre les diff érents IP.
Le suivi thérapeutique pharmacologique est un outil pour mieux
maîtriser ces risques d’interaction mais le niveau de preuve de
l’intérêt de son utilisation reste à préciser, notamment chez les
patients en échec multiple. ■
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