La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 | 285
Points forts
»
Tout syndrome neurologique subaigu sans cause évidente doit faire évoquer un syndrome neurologique
paranéoplasique (SNP) et faire rechercher des anticorps onco-neuronaux qui sont présents dans 80 % des cas.
»
Le premier traitement de tout SNP est celui du cancer dont le dépistage est guidé par le type d’anti-
corps associés.
»
Le traitement à visée neurologique doit tenir compte du type d’auto-anticorps mis en évidence: traite-
ment visant l’immunité humorale (immunoglobulines intraveineuses, échanges plasmatiques, corticoïdes)
en cas d’auto-anticorps à cible membranaire, traitement visant l’immunité cellulaire (cyclophosphamide)
en cas d’auto-anticorps à cible intracellulaire.
Mots-clés
Syndrome
neurologique
paranéoplasique
Anticorps
onco-neuronaux
Cancer bronchique
à petites cellules
Neuronopathie
sensitive subaiguë
de Denny-Brown
Encéphalite limbique
Highlights
The paraneoplastic neurological
syndromes (PNS) are clinically
well described thanks to the
PNS Euronetwork, where each
new case of PNS is reported for
ten years. Among these clinical
syndromes, the subacute cere-
bellar ataxia and the subacute
sensory neuronopathy repre-
sent about fifty percent of the
cases. Limbic encephalitis is in
third position with 10% of the
PNS. Immunological testing
provides evidence for the
diagnosis of PNS by showing an
onconeuronal antibody (ONA)
in 80% of PNS. The subtypes of
associated ONA lead to tumour
identification. In some situa-
tions, a surgical exploration
is urgently required to identify
and treat the tumour associ-
ated to the PNS and to give
the patient the best chance to
recover. The ONA subtypes are
currently taken into account
for treatment decision. ONA
targeting intracellular anti-
gens are thus associated with
poor neurological outcome
and few or none response to
treatment. Conversely, ONA
targeting membranar antigens
are usually associated with
response to immunotherapy
and are associated with a good
neurological outcome.
Keywords
Paraneoplastic neurological
syndrome
Onconeuronal antibody
Small cell lung carcinoma
Subacute sensory
neuronopathy
Limbic encephalitis
une méningite carcinomateuse doit toujours être
redoutée et recherchée par des ponctions lombaires
répétées, associées à un examen cytologique et
à une mesure de la glycorachie comparée à la
glycémie au moment de la ponction. En effet, la
méningite carcinomateuse est difficile à diagnos-
tiquer et peut se résumer à une discrète hypogly-
corachie (< 50 % de la glycémie).
Une fois les diagnostics différentiels écartés, les
éléments du diagnostic positif doivent être réunis.
Comme cela a été précisé, certains syndromes
neurologiques comme la NSS, le SMLE, l’ACSA et
l’EL sont très évocateurs d’un SNP et vont conduire à
la recherche systématique d’un cancer. La chronologie
d’installation des troubles est également un élément
cardinal du diagnostic : la totalité des SNP s’installent
sur un mode aigu ou subaigu. La mise en évidence
d’un AON affirme le diagnostic de SNP et doit
conduire à la recherche d’un cancer. Le bilan carci-
nologique conduit est alors fonction du type d’AON
isolé et du type de SNP (tableau I), mais justifie
la réalisation d’une tomographie par émission de
positons (TEP) au fluorodéoxyglucose (FDG) si le reste
du bilan carcinologique est négatif (4, 5). L’absence
d’AON n’exclut pas le diagnostic de SNP si le patient
présente un syndrome neurologique compatible et
qu’il s’est installé de façon aiguë ou subaiguë sans
qu’aucun diagnostic causal évident ait été retrouvé.
Près de 20 % des SNP n’ont pas d’AON (6).
Dans des cas exceptionnels, la présence d’un
AON peut résulter d’un démasquage d’épitopes
du système nerveux central au cours d’un autre
mécanisme inflammatoire, ce dernier conduisant
à une auto-immunisation secondaire (7). L’absence
de cancer mis en évidence chez un patient présentant
une sémiologie neurologique atypique ou une
installation lente et chronique des symptômes doit
donc amener à reconsidérer le diagnostic de SNP, y
compris lorsqu’un AON a été mis en évidence ; mais
ces circonstances sont exceptionnelles.
Pour qu’un cancer soit considéré comme potentiel-
lement responsable d’un SNP, il faut que le délai
écoulé entre le cancer et les signes neurologiques
soit inférieur à 3 ans (1).
Les grands cadres
sémiologiques
Certains syndromes cliniques sont particulièrement
évocateurs d’une étiologie paranéoplasique. Une
répartition, établie à partir des patients colligés
dans la banque de données européenne entre 2000
et 2008, est rapportée dans le tableau II (p. 286).
La sémiologie des SNP doit donc être parfai-
tement connue pour permettre un diagnostic
et un traitement précoce du cancer associé. Le
traitement du cancer donne le pronostic du SNP.
Tableau I. Associations SNP et anticorps guidant la recherche d’un cancer.
SNP + AON Tumeur
à rechercher
Examens
complémentaires
Remarque
Anti-Hu
(quel que soit Ie SNP)
CBPC TEP au FDG si le TDM TAP est négatif À 5 ans, près de 100 % des patients avec
anti-Hu ont développé un cancer
ACSA et anti-Yo Ovaire Ovariectomie bilatérale si bilan négatif
(avec mammographie, TDM et échographie
pelviennes)
Atteinte du diencéphale
et anti-Ma2
Testicule Orchidectomie bilatérale si bilan négatif
(avec TEP au FDG et échographie testiculaire)
Anti-Tr LH TDM TAP + ponction biopsie d’adénopathie Ces AON sont présents de façon fugace
EL et anti-NMDAr Tératome
de l’ovaire
Échographie endovaginale et/ou IRM
pelvienne
Les tératomes matures sont silencieux en TEP
Un kyste “fonctionnel” est un tératome
jusqu’à preuve chirurgicale du contraire
Abréviations. SNP : syndrome neurologique paranéoplasique ; AON : anticorps onco-neuronal ; CBPC : cancer bronchique à petites cellules ; TEP au
FDG : tomographie par émission de positons au fluorodéoxyglucose ; ACSA : ataxie cérébelleuse subaiguë ; LH : lymphome de Hodgkin ; TDM TAP :
tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne ; EL : encéphalite limbique.